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Dissolution de l’Assemblée : « Manœuvre risquée », « animal blessé », « séisme politique », la décision d’Emmanuel Macron vue par la presse européenne

Le déclenchement de l’article 12 de la Constitution par le président de la République a grandement fait réagir en Europe et outre-Atlantique, surpassant parfois même les résultats des élections européennes dans les pays concernés. Pour la plupart des quotidiens, les critiques pleuvent sur le chef de l’Etat français, qu’ils accusent de « prendre l’Europe en otage ».
Alexis Graillot

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Un séisme politique que peu avaient anticipé. A l’image des réactions en France, la sidération domine chez nos confrères à l’étranger, dont beaucoup ont même bouleversé leur soirée électorale pour couvrir l’actualité française.

Dans la presse, les inquiétudes se font en tout cas nombreuses, notamment vis-à-vis des conséquences sur l’UE, en cas d’arrivée du RN à Matignon. « La victoire écrasante de l’extrême droite française aux européennes ce dimanche et la défaite humiliante des partisans d’Emmanuel Macron ont déclenché une crise politique aux conséquences imprévisibles », s’alarme de son côté le quotidien espagnol, El Pais.

« Une stratégie très risquée »

Sans aucune commune mesure, c’est chez nos voisins belges, que les critiques sont les plus dures à l’encontre du président de la République. « Un coup de tonnerre. Suivi, dans l’heure, d’un énorme coup de théâtre », souligne pour sa part Le Soir, qui dépeint « un pari fou » et « une stratégie très risquée », tentée par le locataire de l’Elysée. « En prenant tout le monde de vitesse, Emmanuel Macron espère que le RN n’aura pas le temps de trouver des candidats crédibles partout dans le pays », explique le journal, qui estime qu’Emmanuel Macron compte sur « les divisions de la gauche », pour tenter de sauver sa majorité. « Ça passe ou ça casse. Et si ça casse, Jordan Bardella pourra s’installer à Matignon, tandis que Marine Le Pen se préparerait pour la prochaine présidentielle », analyse le quotidien belge. Même constat du côté de La Libre Belgique, qui juge que le président de la République agit comme « un animal politique blessé ». « Veut-il montrer qu’il rugit encore et qu’il peut s’imposer à nouveau au centre du jeu ? », se demande le journal.

De l’autre côté du Rhin, nos confrères allemands, chez qui l’extrême-droite de l’AFD a elle aussi réalisé une percée historique, les interrogations dominent quant à la décision du président français : « Que fait Macron ? », se demande Der Spiegel, qui pointe également « une manœuvre risquée », qui « convient au joueur Macron ». Un « séisme politique », examine de son côté Die Welt, pour qui « depuis 2017, Macron se considère comme le garant de la victoire des populistes de droite. S’il remettait les clés de l’Elysée à Le Pen après deux mandats et une décennie au pouvoir, il entrerait dans l’histoire comme un président raté ». Outre-manche, The Independent juge que « le pari électoral anticipé de Macron contre Le Pen et l’extrême droite pourrait se retourner contre lui de façon spectaculaire ».

Une « onde de choc » pour l’Europe

Au-delà des conséquences franco-françaises du scrutin, nos homologues étrangers s’inquiètent des répercussions européennes du « coup de poker » du président de la République. « Macron joue le sort de l’Europe en France (et c’est vraiment très risqué) », analyse le journaliste Richard Werly, pour le quotidien suisse Blick. « Une victoire de l’extrême droite en France, qui verrait celle-ci revendiquer logiquement l’exercice du pouvoir, ferait trembler l’UE sur ses fondations. Alors qu’à Moscou, un certain Vladimir Poutine serait absolument ravi de voir certains de ses amis s’installer aux commandes de la seule puissance nucléaire de l’Union, même si la constitution permet au Chef de l’État, même battu, de rester en place jusqu’en 2027 », continue Richard Werly, pour qui « Emmanuel Macron porte là une responsabilité qui dépasse donc les frontières de la France ».

« Si les alliés de Macron et les partis proeuropéens, à commencer par le Parti socialiste, remportent les prochaines élections législatives, les partisans de l’euro, de l’UE et de l’Alliance atlantique l’emporteront. Si en revanche Marine Le Pen venait à gagner, l’onde de choc entraînerait des répercussions imprévisibles : l’extrême droite française est hostile à l’euro [NDLR : une mesure qui n’est plus dans le programme du parti depuis 2017], à l’OTAN et à la solidarité militaire avec l’Ukraine. La recomposition spectaculaire du paysage politique français est raccourcie », alerte de son côté ABC, quotidien espagnol, marqué à droite.

Pour le quotidien économique britannique, The Financial Times, la dissolution de l’Assemblée nationale aura des répercussions plus fortes sur l’ensemble du continent : « L’issue du vote pourrait compter davantage pour la politique européenne que les résultats du scrutin de dimanche », analyse le journal. Les conséquences économiques de cette décision ne sont en effet pas négligeables, avec l’ouverture à la baisse de la Bourse de Paris, ainsi que le dévissage de l’euro, ce lundi matin.

« Un climat d’extrême tension »

Dans ce flot de critiques et d’incertitudes, rares sont les voix pour défendre la stratégie du président de la République. Les Allemands de Der Spiegel saluent néanmoins le « mérite » du chef de l’Etat de ne pas ignorer la défaite cinglante qu’il a subie, dans une campagne où il s’est personnellement impliqué. Le quotidien en profite pour tacler le chancelier Scholz, qui lui aussi, a subi une déroute : « Macron ne reste pas passivement sur le banc de touche, dans l’attente, comme le fait Olaf Scholz. Cela a toujours été la devise politique du président français », défend le journal.

De l’autre côté de l’océan Atlantique, on scrute également de près les futures élections législatives, alors même que les Etats-Unis sont plongés eux aussi dans une campagne électorale à l’issue incertaine : « Dans l’actuel jeu démocratique, le chef de l’État lance les dés pour voir si la France va enfin se réveiller », considère le New York Times, qui ne mâche pas ses mots sur le parti dirigé par Jordan Bardella, qu’il qualifie comme étant « une grande menace nationaliste et xénophobe, menace pour la liberté, la démocratie, l’ouverture au monde et l’État de droit du pays ».

Nul doute en tout cas que l’étranger scrutera de près la campagne électorale française, alors que le pays pourrait connaître pour la première fois sous la Ve République, un parti d’extrême-droite à Matignon. Dans cette année de « super-élections » partout dans le monde, marquée par les multiples conflits internationaux, les résultats du futur scrutin français, quelles qu’elles soient, auront sans aucun doute des répercussions partout dans le monde.

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