Une centaine de militants de groupuscules d’extrême droite ont déambulé dans les rues de Romans-sur-Isère ce week-end, avec pour objectif d’en découdre avec des habitants du quartier de la Monnaie d’où sont originaires plusieurs mis en cause dans la mort du jeune Thomas, poignardé lors d’une fête de village, il y a une dizaine de jours.
Une tentative d’expédition punitive qui a conduit à la condamnation en comparution immédiate de 6 personnes pour « participation à un groupement formé en vue de la préparation de « violences » ou « dégradations », les peines allant de 6 à 10 mois de prison. « La France a évité un scénario de petites guerres civiles », a jugé le ministre de l’Intérieur, ce matin sur France Inter, avant d’annoncer qu’il allait proposer « la fin de divers groupuscules », notamment « un groupe qui s’appelle la Division Martel […] et deux autres dont je ne peux pas évoquer les noms ». 8 personnes ont aussi été interpellées lundi soir, soupçonnées d’avoir participé à un cortège non déclaré dans le centre-ville de Lyon.
Les motifs de dissolution d’une association ou d’un groupement, limités par la loi
La liberté d’association est un principe à valeur constitutionnelle inspiré de la loi de 1901. La dissolution d’une association nécessite un décret pris en conseil de ministres. La dissolution obéit aux règles du contradictoire avec l’envoi à l’association d’un argumentaire auquel les dirigeants peuvent répondre. En cas d’urgence, l’exécutif peut déroger à ce principe.
Les motifs de dissolution sont limitativement définis dans le code sécurité intérieure à l’article L212-1. Les associations peuvent, par exemple, être dissoutes que si elles « provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ». Cet article trouve son origine dans un décret-loi de 1936 pris sous le Front Populaire dans le but de permettre la dissolution des ligues d’extrême droite violentes après les émeutes de février 1934. Les associations qui « présentent, par leur forme et leur organisation militaires, le caractère de groupes de combat ou de milices privées » sont, d’ailleurs, visées par la loi.
D’autres motifs de dissolution visent les groupements dont « l’objet ou l’action tend à porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou à attenter par la force à la forme républicaine du gouvernement », « dont l’activité tend à faire échec aux mesures concernant le rétablissement de la légalité républicaine » ou encore qui se « livrent à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger ».
Ce n’est pas la première fois que Gérald Darmanin s’attaque aux groupuscules d’extrême droite. En mai 2021, le ministre avait demandé et obtenu la dissolution de l’association Génération identitaire. « Cette association et certains de ses militants doivent être regardés comme tenant un discours de haine incitant à la discrimination ou à la violence envers des individus en raison de leur origine, de leur race et de leur religion » et, « par sa forme et son organisation militaires », justifiait le ministre dans son décret.
Cet automne, c’est l’association catholique intégriste, Civitas qui a été dissoute, accusée notamment d’appeler à « entrer en guerre contre la République », y compris en recourant « à la force », comme l’avait souligné le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran. A noter que l’article L212-1 du code sécurité intérieure avait été largement utilisé au début de la Ve République pour dissoudre des groupements communistes après mai 1968 avant de tomber en désuétude jusqu’à l’émergence de la menace islamiste, il y a une dizaine d’années. Sous le quinquennat de François Hollande, plusieurs associations ont été dissoutes accusées de prosélytisme et de recrutement djihadiste. En 2016, Bernard Cazeneuve annonçait la dissolution de l’association d’aide aux détenus musulmans « Sanabil ». « Sous couvert d’un soutien matériel dispensé à des détenus de droit commun ainsi qu’à leurs familles, l’association encourageait la radicalisation de ces derniers durant leur séjour carcéral pour les rallier à la cause djihadiste » justifiait le ministère. Ces associations étaient en lien direct avec des djihadistes. Le tueur de l’Hyper Cacher, Amedy Coulibaly avait, par exemple, participé à un pique-nique annuel de l’association « Sanabil ».
La loi séparatisme a étendu les motifs de dissolution
Après l’assassinat de Samuel Paty par un terroriste islamiste, Gérald Darmanin avait dissous plusieurs associations proches de « l’islam radical » parmi lesquels le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) et l’association humanitaire BarakaCity. Un an plus tard, en 2021, la loi Séparatisme va élargir les motifs de dissolution à des associations ou groupements qui provoquent « des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens ».
C’est sur cette base, que le ministre de l’Intérieur a lancé, cette année, une procédure de dissolution à l’encontre du mouvement écologiste des « Soulèvements de la Terre » accusé, dans le décret gouvernemental, de prôner et justifier « la pratique de l’écosabotage ».
Quels recours ?
En août dernier, saisi en référé, le Conseil d’État a suspendu la dissolution des « Soulèvements de la Terre », prononcée quelques semaines plus tôt en Conseil des ministres. La plus haute juridiction administrative avait estimé qu’il existait « un doute sérieux quant à la qualification de provocation à des agissements violents à l’encontre des personnes et des biens ». Les associations visées par une demande de dissolution ont effectivement la possibilité de déposer un référé en liberté devant le Conseil d’État. Les juges peuvent alors suspendre la décision administrative, voire plus rarement, annuler la dissolution. Un ultime recours contre une décision de dissolution est possible devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).