Dette : « la France fait partie des moins bons élèves » reconnait cette eurodéputée macroniste

Alors que la dette plombe l’économie de nombreux États européens, dont la France, les 27 doivent faire face à un immense défi de compétitivité et de croissance. 800 milliards d’euros d’investissement seraient nécessaires chaque année, selon le rapport rendu par Mario Draghi. Une équation impossible à résoudre ? Décryptage dans Ici l'Europe avec trois députés européens.
Rédaction Public Sénat

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D’un côté un cri d’alarme : dans un rapport choc sur la compétitivité rendu début septembre, l’ancien patron de la BCE, Mario Draghi, prédit une « lente agonie » à l’Europe si elle n’investit pas massivement dans l’innovation. De l’autre, des pays endettés comme la France, avec près de 6% de déficit attendu en 2024, six autres pays européens sont placés sous surveillance par Bruxelles pour le dérapage de leur compte public et de leur dette. Comment l’Europe, prise en étau, peut-elle s’en sortir ?

“Au pied du mur”

Premier enjeu, la dette, donc. « On est vraiment au pied du mur » reconnaît l’eurodéputée macroniste Stéphanie Yon-Courtin, du groupe Renew. La France, qui, désormais, « fait partie des moins bons élèves », est sommée par Bruxelles de redresser rapidement la trajectoire de ses comptes publics. Et de se justifier. « Il y a eu un investissement massif de l’État pour protéger les employés et les entreprises » au moment des crises, souligne Stéphanie Yon-Courtin. Mais « la France n’a peut-être pas calibré suffisamment certaines aides qui ont été très massivement généralisées », admet-elle, reconnaissant aussi « des recettes qui ont probablement manqué dernièrement ».

Aux côtés de la France, la Belgique est aussi placée en procédure de déficit excessif par Bruxelles. Pour l’eurodéputé Marc Botenga (La Gauche), « il faut voir d’où vient le déficit (…) on parle toujours des dépenses mais il faut voir les rentrées. Ce qui s’est passé de manière massive dans différents pays de l’UE c’est qu’on a toujours taxé moins les multinationales et les grandes fortunes » affirme-t-il, appelant à ne pas tailler dans les comptes publics. « Les politiques d’austérité à la fois détruisent les travailleurs dans nos pays et affaiblissent la position de l’économie européenne au niveau mondial : c’est complètement contre-productif ».

C’est sans compter sur les partisans de la rigueur. Le commissaire Valdis Dombrovskis, qui sera chargé de relire les copies des États européens surendettés, n’est pas connu pour sa souplesse. Pas plus que les Allemands, en particulier les « Libéraux », membres de la coalition tripartite au pouvoir, attachés à une stricte orthodoxie budgétaire. L’eurodéputé Daniel Freund (Verts/ALE) relativise cependant : « Les Libéraux font moins de 5% aux élections. Il y aura un débat en Allemagne aussi sur le budget et la nécessité d’investir ». Son propre parti, rappelle-t-il, bien que membre de la coalition « est assez critique du pacte de stabilité dans son fonctionnement actuel », le jugeant « dépassé ».

800 milliards par an

Dans ce débat sur la rigueur et la croissance en Europe, un homme est cependant venu mettre un coup de pied dans la fourmilière. En recommandant 800 milliards d’euros par an d’investissement, Mario Draghi a prévenu : aussi colossal qu’il soit (5% du PIB européen), cet effort est indispensable aux 27. Sans quoi, prévient-il, l’Europe décrochera de la course mondiale à l’innovation et finira reléguée loin derrière la Chine et les États-Unis.

« Cela devient une question de survie pour l’Europe », abonde Daniel Freund. Alors que le ministre des Finances allemand, Christian Lindner, a déjà dit son opposition à l’idée d’un grand emprunt européen pour financer ce sursaut, l’eurodéputé Vert appelle son pays à ne pas « bloquer l’investissement ». À ses yeux, la capacité d’emprunter se situe à l’échelle européenne. « Même l’Allemagne ne va pas faire compétition à la Chine ou aux États-Unis. Donc la seule solution c’est d’investir ensemble. Là on a une chance de compter encore dans ce monde », prévient-il.

Côté français, l’idée d’un nouvel emprunt commun est vu d’un bon œil, mais sans aveuglement.  C’est une piste « à explorer (…) mais elle va prendre du temps et on a vu que l’endettement commun pendant le Covid n’a pas été si simple ; il y a des pays très réticents pour s’endetter à nouveau », analyse Stéphanie Yon-Courtin. L’eurodéputée française appelle à jouer aussi sur d’autres volets. « La compétitivité est un géant qui va marcher sur ses deux jambes : privé et public, l’un ne va pas sans l’autre ». Elle appelle ainsi à mettre en place une « union des marchés de capitaux », qui mobilise aussi l’épargne des citoyens européens. « On le voit en Europe il y a une culture de l’épargne et pas de l’investissement », regrette-t-elle, appelant à inverser cette tendance pour « injecter de l’argent frais dans la nouvelle économie ».

L’intégralité de l’émission est disponible en replay ici.

Thibault Henocque, journaliste LCP Assemblée nationale

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