La Commission européenne devrait pouvoir entrer en fonction dès le 1er décembre après l’accord entre les trois principaux partis européens sur le collège des commissaires. Un accord qui illustre la place centrale de la droite européenne, prête à s’allier avec l’extrême droite.
Destitution : la procédure jugée recevable par le Bureau de l’Assemblée nationale divise les parlementaires PS
Par Simon Barbarit
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La proposition de résolution visant à « engager la procédure de destitution » du chef de l’Etat va donc poursuivre son chemin parlementaire par un examen devant la commission des lois de l’Assemblée nationale. Ce mardi, le Bureau de la chambre basse, au sein duquel les députés du Nouveau Front Populaire sont majoritaires, a voté en faveur la recevabilité de la proposition de résolution, une première sous la Ve République, même si la procédure n’a pratiquement aucune chance d’aller au bout, c’est-à-dire à la destitution d’Emmanuel Macron (lire notre article).
Un « oui » pour un « non »
La recevabilité de la proposition de résolution n’a pu être adoptée que grâce au vote des trois députés socialistes membres du Bureau. Jusqu’à hier soir, un mini suspense planait quant aux intentions du groupe socialiste. Dans un communiqué publié lundi soir, les députés PS ont justifié leur position en s’attachant au respect de la règle de droit. « Le bureau de l’Assemblée nationale ne doit pas se voir confier un rôle de juge de l’opportunité politique de cette initiative […] signée par plus d’un dixième des membres de l’Assemblée et motivée », précise le groupe paraphrasant une formulation de l’ancien président de la commission des lois socialiste, Jean-Jacques Urvoas en 2012.
Toutefois, les élus PS rappellent être « résolument opposés à cette procédure de destitution héritière de la procédure d’exception pour haute trahison et qu’ils « voteront unanimement contre » en commission des lois.
Peu importe pour les députés LFI qui voient le verre à moitié plein. « Une grande nouvelle. Le NFP valide la transmission à la commission des lois de la résolution en vue de la destitution du Président de la République. Le refus de la décision du suffrage universel ne sera pas resté sans conséquence pour Macron », s’est félicité Jean-Luc Mélenchon sur X. « Juger recevable une résolution, accepter d’en débattre n’est pas l’approuver. Cette procédure qui requiert deux tiers des votes dans les deux assemblées n’aboutira pas, chacun le sait. Et au final ce rejet offrira au Président une relégitimation qu’il ne mérite pas », s’est empressé de corriger le Premier secrétaire du parti, Olivier Faure.
« On est en train de creuser la tombe de la gauche »
La poursuite de la procédure de destitution à l’Assemblée permise grâce aux socialistes interroge, une fois de plus, sur la place du parti à la rose au sein du NFP et plus largement sur son leadership au sein de la gauche. Et n’est pas de quoi faire taire les accusations de faiblesse à l’égard des Insoumis. « C’est une grosse connerie. Tout comme le fait de refuser de se rendre à Matignon s’entretenir avec Barnier, car à la fin des fins, Mélenchon ne sera jamais Président de la République. On est en train de creuser la tombe de la gauche en adoptant cette ligne de provocation et de bordelisation », se désole un sénateur socialiste qui s’inquiète de voir sa famille politique perdre son statut de « parti de gouvernement ».
Le camp présidentiel l’a bien senti et tape là où ça fait mal. Dans un communiqué, la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun Pivet tout comme le président du groupe Ensemble pour la République, Gabriel Attal ont dénoncé « un affaiblissement » et même « une déclaration de guerre » faites aux institutions.
« Ça ne fait que brouiller le message »
Ce positionnement des socialistes sur la procédure de destitution a été soumis à un vote interne au sein du groupe à l’Assemblée nationale. Sur 60 votants, 32 ont voté en faveur de la recevabilité et 28 contre. « Ce vote montre que le groupe tout comme le parti est profondément fracturé. Les députés socialistes ont voulu ménager la chèvre et le chou, c’est-à-dire leur culture de gouvernement, et le souhait de ne pas fâcher Jean-Luc Mélenchon. Ça ne fait que brouiller le message. Tout le monde sait que cette procédure n’a aucune chance d’aboutir. Le président de la République a déjà fait suffisamment perdre de temps au Parlement pour qu’on en rajoute. Cette décision du Bureau engage aussi le Parti socialiste et aurait dû faire l’objet d’un vote au Bureau national », s’agace Hussein Bourgi, sénateur de l’Hérault du PS.
A la sortie du Bureau, le Secrétaire de l’Assemblée nationale Inaki Echaniz a quant à lui assuré que le « groupe n’était pas divisé ». « Le groupe a échangé des arguments […] Beaucoup étaient dans le questionnement et nous avons essayé de réfléchir collectivement, d’avancer les points positifs comme négatifs ».
« Pour moi le sujet, c’est que les socialistes acceptent d’aller à Matignon »
Au Sénat, à la sortie de la réunion hebdomadaire du groupe socialiste, les élus ne se précipitaient pas pour commenter le vote de leurs collègues députés. « Je ne sais pas quoi en penser », confiait une sénatrice quand une autre laissait transparaître son sentiment. « J’aurais voté contre mais je suis charitable avec mes camarades ». Rachid Temal, sénateur du Val d’Oise, habituellement peu tendre avec les Insoumis, soutient, lui, la position des députés. « Il y avait deux sujets. Est-ce que la procédure de destitution était recevable ? La réponse est oui. Est-ce qu’il y a matière à destituer le Président ? la réponse est non. Pour moi le sujet, c’est que les socialistes acceptent d’aller à Matignon pour demander au Premier ministre d’augmenter les salaires et de supprimer la réforme des retraites ».
« Nous sommes contre la destitution. Nous considérons que la réponse au déni de démocratie d’Emmanuel Macron, c’est la censure du gouvernement […] Mais nous considérons que le débat (sur la destitution) doit se faire devant les Français et pas au sein du Bureau entre quelques-uns », ajoute Alexandre Ouizille, sénateur PS de l’Oise.
« J’aimerais bien qu’on se concentre sur ce qui est historique. Ce qui déstabilise les institutions, c’est un président de la République qui ne nomme pas un Premier ministre issu du NFP, une coalition qui est arrivée en tête aux dernières législatives », conclut Rémi Cardon avant de rappeler qu’une pétition lancée par LFI en faveur de la destitution du chef de l’Etat a déjà rassemblé plus de 300 000 signatures. « Sur le site du Sénat, il suffit qu’une pétition dépasse le seuil des 100 000 signatures pour qu’elle soit examinée en conférence des Présidents », compare-t-il. De quoi donner des idées à certains.
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