La Commission européenne devrait pouvoir entrer en fonction dès le 1er décembre après l’accord entre les trois principaux partis européens sur le collège des commissaires. Un accord qui illustre la place centrale de la droite européenne, prête à s’allier avec l’extrême droite.
Des RER dans les métropoles : « Les régions y travaillent depuis des années, ce n’est pas Macron qui a inventé l’idée », rappelle le sénateur LR Philippe Tabarot
Par François Vignal
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Une annonce faite un dimanche, dans une vidéo sur les réseaux sociaux. Emmanuel Macron veut développer des RER partout en France, dans dix métropoles, comme alternative à la voiture. « Pour tenir notre ambition écologique, je veux qu’on se dote d’une grande ambition nationale : dans dix grandes agglomérations, dans dix métropoles françaises, de développer un réseau de RER, un réseau de trains urbains », a annoncé le chef de l’Etat sur YouTube, dans une vidéo où il répond à des questions d’internautes sur l’écologie. Le RER (Réseau Express Régional), les habitants de l’Ile-de-France le connaissent bien. L’idée est d’appliquer ce principe de trains plus réguliers autour des grandes métropoles françaises. « Le RER ce n’est pas que sur Paris », avance le Président, qui y voit « un super objectif pour l’écologie, l’économie, la qualité de vie » dans les villes « où il y a thromboses, trop de circulation ».
Manière pour Emmanuel Macron de donner des gages sur sa politique écologique
Pour Emmanuel Macron, qui a souvent été critiqué pour le manque d’allant de sa politique écologique, il s’agit de montrer que son ambition, présentée durant la campagne lors d’un discours à Marseille, se traduit dans les actes. Dans la Cité phocéenne, Emmanuel Macron avait assuré que son second quinquennat serait « écologique ou ne serait pas ».
En réalité, les territoires n’ont pas attendu le chef de l’Etat pour avancer. A Strasbourg, le projet est même très avancé et devrait officiellement être annoncé en décembre. A Bordeaux, un projet de RER devrait aussi être mis sur les rails à l’avenir. Lille planche aussi sur le sujet. Il s’agit de « mettre un coup d’accélérateur » à des études lancées lors de la loi orientation des mobilités, votée dans le quinquennat précédent, reconnaît un conseiller de l’Elysée cité par l’AFP, qui évoque parmi les probables villes sélectionnées Lille, Bordeaux, Lyon, Grenoble et Aix-Marseille.
« Excellente nouvelle »
L’annonce a été bien accueillie par une partie des élus concernés. « Nous sommes prêts à Lyon. C’est une politique dans l’intérêt de toutes et tous. Make the train great again ! » a tweeté le maire EELV de Lyon, Grégory Doucet. Le président (divers gauche) de la métropole de Grenoble y a vu une « excellente nouvelle. Nous en avions parlé ensemble lors de sa visite à Crolles. […] Nous sommes prêts », assure l’élu, tout comme Matthieu Theurier vice-président EELV de Rennes Métropole.
« L’appel des présidents de région à un New Deal ferroviaire a été entendu » apprécie aussi la présidente PS d’Occitanie, Carole Delga. Dans une tribune publiée dans Le Monde pour présenter ce « New Deal », quinze présidents de régions s’étaient prononcés pour des « RER métropolitains ». L’association « France urbaine », qui rassemble les métropoles, « salue », elle aussi, « l’intention du président de la République » mais « attend que cette annonce soit suivie d’actes concrets ».
« La bonne idée serait de donner des moyens aux régions pour permettre de le faire »
Reste que personne n’attendait cette déclaration du chef de l’Etat. « L’annonce m’a quelque part surpris car elle est totalement à revers des discussions budgétaires qu’on a en ce moment sur le budget, au Sénat », réagit Philippe Tabarot, sénateur LR et rapporteur du budget des transports ferroviaires pour la commission du développement durable. Et pour lui, le compte n’y est clairement pas. « Dans mon avis, je relève qu’il manque 1 milliard d’euros dans le contrat de performance signé entre l’Etat et SNCF Réseau, fixé à 2,8 milliards d’euros par an, pour pouvoir ne serait-ce que régénérer les lignes et passer à l’étape supérieure de la modernisation », pointe du doigt le sénateur des Alpes-Maritimes. Donc pour l’heure, « c’est une annonce qui n’a pas coûté cher au Président », raille le sénateur LR.
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S’il reconnaît une bonne idée, Philippe Tabarot souligne que « les régions y travaillent depuis des années. La bonne idée serait de leur donner des moyens pour leur permettre de le faire. Ce n’est pas lui qui a inventé cette idée. Le PDG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, en a parlé il y a des mois, comme tous les rapports parlementaires ». Surtout, Emmanuel Macron ne dit rien sur les moyens financiers, relève Philippe Tabarot : « Entendre le Président annoncer ça sans élément concret et sérieux sur l’engagement budgétaire, ça pourrait prêter à sourire au niveau des territoires concernés, si ce n’était pas un sujet aussi important que les transports du quotidien ».
« Il faut aussi que l’Etat mette la main à la poche »
Alors que le gouvernement n’avait pas retenu, lors du recours au 49.3 à l’Assemblée, un amendement des oppositions augmentant de 3 milliards d’euros les crédits pour le ferroviaire, la question des moyens revient comme un boomerang pour l’exécutif. « Quand on voit que le contrat de performance ne prévoit rien par rapport au green deal européen, qu’il n’y a pas les moyens nécessaires sur le fret, que les trains de nuit ne sont pas financés, le moins qu’on puisse dire, c’est de regarder ça avec prudence. C’est facile de faire des grandes annonces, après, c’est plus compliqué de les mettre en œuvre », souligne le sénateur centriste Hervé Maurey, rapporteur pour la question des transports pour la commission des finances.
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« Si c’est "je décide et vous, métropoles, vous payez", ça va un peu tousser. Qu’il y ait des financements des régions, des métropoles, de l’Europe, c’est sûrement indispensable. Mais il faut aussi que l’Etat mette la main à la poche », ajoute le sénateur de l’Eure. Tout en saluant « la pertinence » de l’idée de RER métropolitains, Hervé Maurey met en garde : « Il ne faudrait pas que les éventuels crédits qu’on pourrait mettre sur ces projets conduisent à ne pas avoir ce qui est nécessaire pour remettre en état notre réseau, qui est très vieux ». Dit autrement :
Ça me fait un peu l’effet de quelqu’un qui aurait une maison avec des trous et des murs qui s’effondrent et qui annonce qu’il va agrandir l’aile Est.
« Il y a beaucoup d’intox dans les annonces » selon Patrick Kanner (PS)
Dans le même esprit, pour le président du groupe PS du Sénat, Patrick Kanner, affirme que « l’idée n’est pas mauvaise, mais si c’est pour cacher la situation… Ce matin, par exemple, en gare de Lille Flandres, en 10 minutes, il y a eu l’annonce de deux trains annulés. Comment voulez-vous que les gens puissent croire au service public après ? Il faut que la SNCF ait les moyens de fonctionner aujourd’hui ». Le sénateur PS du Nord se dit « content, si on a un RER entre l’aéroport de Lille Lesquin et Lille, ça fait longtemps qu’on l’attend. Mais le problème c’est la catastrophe des trains actuels, et les moyens ». L’ancien ministre ajoute :
C’est de l’enfumage pour cacher la réalité d’aujourd’hui.
D’après Patrick Kanner, « il y a beaucoup d’intox dans les annonces. Il faut de l’argent et ce n’est pas avec le dogme du moins d’impôts qu’on réglera les problèmes », d’autant que « la suppression de la taxe d’habitation, de la CVAE et de la redevance, c’est 35 milliards d’euros de moyens en moins dans les caisses de l’Etat ».
« Un problème que personne ne pose : la question du prix des péages ferroviaires »
De son côté, Philippe Tabarot entend mettre sur la table « un problème que personne ne pose : la question du prix des péages ferroviaires. On a les péages les plus importants d’Europe. Je veux bien qu’on double la cadence sur certains TER, mais quand les régions veulent mettre quelques trains supplémentaires déjà, elles n’y arrivent pas car elles n’ont pas les moyens ». Donc « si demain, le problème des infrastructures se règle, se posera celui du fonctionnement ».
Le rapporteur des transports ferroviaires s’inquiète de voir qu’« en ce moment, l’Etat ne donne pas l’impression de vouloir investir massivement dans le ferroviaire. Quand dans le projet de loi de finances, je me bats pour mettre 150 millions de plus, je prends un avis négatif du gouvernement… » La solution pour lui, c’est « revoir la matrice de financement du transport public », alors que « sur 44 milliards d’euros de taxation des transports », seulement « 10 % reviennent au ferroviaire ». Dans l’immédiat, suite aux déclarations d’Emmanuel Macron, Philippe Tabarot « attend un geste du gouvernement, lors de l’examen du budget de l’écologie, cette semaine au Sénat, pour être en phase avec l’annonce du Président ».