La premiere ministre Elisabeth Borne, en visite au coeur de La Reunion. Prime Minister Elisabeth Borne, visiting the heart of Reunion.

Démission du maire de Saint-Brévin : les sénateurs dénoncent le soutien tardif de l’exécutif

Après avoir été victime d’un incendie criminel, Yannick Morez, le maire de Saint-Brévin en Loire Atlantiques, a décidé de démissionner de son mandat. Il y a deux mois, l’élu avait été la cible de menaces de groupuscules d’extrême droite suite à un projet de construction d’un Centre d’accueil de demandeurs d’asile sur la commune. L’absence de soutien de l’exécutif à l'époque interpelle les sénateurs.
Simon Barbarit

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Il aura fallu qu’un maire jette l’éponge pour que l’exécutif lui apporte son soutien. Mardi 9 mai, Yannick Morez, maire de Saint-Brévin-les-Pins, a envoyé sa lettre de démission au préfet de Loire-Atlantique. Dans son courrier, l’élu dénonce « le manque de soutien de l’Etat » suite à l’incendie criminel perpétré à son domicile le 22 mars dernier.

« Les attaques contre Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins, et contre sa famille, sont indignes. À cet élu de la République, à son épouse et ses enfants, je redis ma solidarité et celle de la Nation », a tweeté, ce matin, Emmanuel Macron.

Depuis plusieurs mois, Saint-Brévin était le théâtre de plusieurs manifestations de groupuscules d’extrême droite, hostiles au déplacement près d’une école élémentaire, d’un Centre d’accueil de demandeurs d’asile (Cada). Depuis 2016, un Cada a été installé Saint-Brévin « et ça se passe très bien, nous n’avons jamais eu de souci », avait indiqué Yannick Morez interviewé dans l’émission Envoyé spécial. Dans cette même émission l’édile avait indiqué avoir eu Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, au téléphone, sans avoir obtenu de protection policière.

« Ce n’est pas celui qui dénonce les maux, qui attise le feu »

La formation « Reconquête », d’Éric Zemmour avait organisé plusieurs manifestations contre l’installation de ce Cada. Bernard Germain, un candidat de Reconquête aux législatives de 2022 dans les Côtes d’Armor, figurait parmi les intervenants de la dernière manifestation, fin avril. Il était aussi le porte-parole d’un comité hostile à un projet de centre d’accueil pour réfugiés en situation régulière à Callac (Côtes d’Armor).

Sébastien Meurant, sénateur Reconquête et rapporteur du budget immigration rejette toute responsabilité de sa formation politique dans cette agression. « Ma responsabilité c’est de condamner ces attaques. Ce n’est pas celui qui dénonce les maux, qui attise le feu. La vérité, c’est que la France est submergée par l’immigration et n’arrive pas à gérer les flux. On le voit à Mayotte et maintenant en Métropole. On a délivré 320 000 titres de séjour en 2022 et on ne sait pas où loger les migrants. L’Etat doit reprendre le contrôle ».

« C’est trop facile de renvoyer les extrêmes dos à dos »

Jeudi matin, en déplacement à La Réunion, la Première ministre, Élisabeth Borne a dû se fendre d’une déclaration en assurant le maire démissionnaire de son soutien et a proposé de le recevoir la semaine prochaine. Alors qu’une enquête criminelle a été ouverte sur l’origine de l’incendie qui a visé le domicile de Yannick Morez, Élisabeth Borne a relevé « une montée de l’extrémisme dans notre pays ». « Il faut qu’on soit très vigilants sur ce sujet. L’extrémisme vaut des deux côtés », a-t-elle déclaré.

« Votre parallélisme entre la gauche et l’extrême droite est scandaleux. Honte à vous de n’avoir rien fait pour protéger cet élu qui subit des menaces répétées de l’extrême droite », a fustigé, sur Twitter, le sénateur socialiste Yan Chantrel.

Si l’ensemble de la classe politique a dénoncé, ce matin, l’agression d’un élu et le manque de soutien de l’Etat, la gauche pointe le deux poids deux mesures lorsqu’il s’agit de désigner les menaces contre la République. « On l’a vu lors de l’audition de Gérald Darmanin après la manifestation de Sainte-Soline. Le ministre n’a fait que nous parler de ce qu’il appelle l’utra gauche, comme menace principale. Il a fallu le pousser pour qu’il nous parle de la menace terroriste d’extrême droite », se souvient le sénateur écologiste, Guy Benarroche. En effet, lors de cette audition, Gérald Darmanin avait finalement reconnu qu’il y avait eu « 9 attentats déjoués de l’ultradroite et 1 de l’ultragauche », depuis 2017.

« C’est trop facile de renvoyer les extrêmes dos à dos. C’est bien parce que ce maire a voulu accueillir des étrangers qu’il a été agressé. Une semaine après la manifestation du GUD à Paris, il y a une résurgence de l’extrême droite dans notre pays », estime Patrick Kanner, le président du groupe socialiste du Sénat.

« L’Etat ne le protège pas. Pourquoi ? »

Mais la cause des menaces envers Yannick Morez, l’installation d’un centre de demandeurs d’asile, divise la classe politique. « L’Etat prend la décision d’installer un Cada, ce maire Divers droite est légitimiste et respecte cette décision. L’extrême droite monte ce sujet en épingle alors qu’il y a une tradition d’accueil dans cette commune. Et l’Etat ne le protège pas. Pourquoi ? C’est la question politique », relève, Ronan Dantec sénateur écologiste de Loire-Atlantique.

Les députés RN ne sont d’ailleurs pas levés hier soir dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale lors d’un hommage improvisé au maire de Saint-Brévin. « Les agressions et intimidations à l’égard des élus sont inadmissibles », a tweeté, ce jeudi, Marine Le Pen.

En septembre dernier, Emmanuel Macron avait appelé les préfets à une meilleure répartition des étrangers accueillis sur le territoire, notamment dans les « espaces ruraux, qui eux sont en train de perdre de la population ».

« Oui, c’était une belle phrase. L’Etat a protégé les élus pendant la réforme des retraites. Et ne fait rien pour les protéger contre les menaces d’extrême droite. Pourquoi ? », s’interroge également Guy Benarroche.

« Nous sommes à la limite d’un gouvernement qui n’a pas de ligne »

Après de multiples reports du projet de loi immigration qui intégrait un volet intégration par le travail, Guy Benarroche « dénonce les postures du gouvernement qui a visiblement besoin de la droite et de l’extrême droite pour faire passer son texte. « En commission des lois, on a même vu la majorité sénatoriale de droite plutôt raisonnable habituellement, consolider le volet répressif du texte et instaurer des quotas », rappelle-t-il.

Le patron de LR, Éric Ciotti a récemment plaidé pour que la France instaure le traitement des demandes d’asile à la frontière, l’arrêt du regroupement familial et une révision du code de la nationalité.

« Je peux comprendre que l’installation d’un centre de demandeurs d’asile peut poser problème dans une commune. On peut être en désaccord avec ce maire mais sûrement pas le menacer ou incendier sa maison. On ne peut que lui apporter tout notre soutien », réagit Jacqueline Eustache-Brinio. La sénatrice LR dénonce elle aussi le soutien tardif du gouvernement. « L’exécutif ne réagit pas lorsque l’unité de notre pays est menacée. Nous sommes à la limite d’un gouvernement qui n’a pas de ligne, pas de majorité et pas de projet structuré sur l’immigration. Nous n’avons plus les moyens de notre politique d’immigration. Et nous avons été incapables d’intégrer ceux qui sont là. Ce gouvernement ne pose pas de limite à l’entrée des migrants dans notre pays et c’est bien ça le problème », selon elle.

 

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