A peine le résultat du second tour de la présidentielle connu dimanche soir qu’un sondage donnait quelques indications pour la prochaine échéance électorale. 56 % des Français souhaitent qu’Emmanuel Macron perde les élections législatives et « qu’il y ait une cohabitation avec un gouvernement de l’opposition qui l’empêche de mettre en œuvre son programme ». C’est l’un des enseignements d’un enquête Ipsos-Sopra Steria pour France Télévisions, Radio France, France24/RFI/MCD, Public Sénat/LCP Assemblée Nationale et Le Parisien-Aujourd’hui en France.
Surprise ! En plongeant dans nos archives, on trouve trace d’un sondage similaire en 2017. 61 % des électeurs ne souhaitaient pas donner une majorité à Emmanuel Macron aux législatives, d’après une autre enquête Ipsos-Sopra Steria.
Au-delà de l’anecdote, à cinq ans d’intervalle, il est intéressant d’observer les similitudes de ces deux périodes.
Emmanuel Macron « le mal élu »
Emmanuel Macron « est mal élu », il serait même « le plus mal élu des présidents de la Ve République », selon Jean-Luc Mélenchon. Il y a cinq ans aussi la légitimité du nouveau chef de l’Etat était contestée par les porte-parole de la France Insoumise. « J’affirme ici sans manquer de respect à Monsieur Macron qu’il est minoritaire dans ce pays », lançait Alexis Corbière au soir du second tour.
En 2022, Bruno Le Maire se félicite du « vote d’adhésion, des millions de Français » en faveur d’Emmanuel Macron. En 2017, François Bayrou avait vu sur l’esplanade du Louvre « des dizaines de milliers de personnes ». Ce qui montrait selon lui « à quel point ce n’était pas par défaut mais par adhésion », qu’Emmanuel Macron avait été élu Président.
Législatives : les difficiles négociations de La France Insoumise
Entre les deux tours, Jean-Luc Mélenchon occupe le terrain. « A 600 000 voix » en 2017 et « 420 000 » en 2022, il a raté la marche du second tour mais compte bien accéder au troisième tour. « Je demande aux Français de m’élire Premier ministre », annonce-t-il en 2022.
Mais pour ce faire, il s’agit de trouver un accord aux législatives. Après des débuts prometteurs, les négociations patinent entre La France insoumise, EELV et le PCF. La répartition des circonscriptions et l’euroscepticisme de la France Insoumise sont ses obstacles de taille. Les Insoumis ont également tendu la main aux socialistes mais le chemin est encore long pour une alliance en vue des législatives.
En 2017, deux jours après le second tour, la messe était dite : Pas d’accord national entre La France Insoumise et le PCF, ni non plus avec Europe Ecologie-Les Verts. Parmi les points de blocage la question de retraits réciproques de candidatures portant sur moins de 15 circonscriptions.
A cette époque le Parti socialiste, par la candidature de Benoît Hamon, s’était placé au-dessus de la ligne de flottaison des 5 % à l’élection présidentielle. Pour une alliance aux législatives les éléphants du parti regardent surtout sur leur droite et accordent du crédit à l’ancien secrétaire général adjoint de l’Elysée. « Je suis de gauche, et je souhaite la réussite du nouveau président de la République », expliquait Bernard Cazeneuve. Les divergences éclatent au grand jour dès le lendemain du second tour en 2017. Benoît Hamon appelle de ses vœux un « rassemblement » de la gauche pour les législatives, mélenchonistes compris, le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll veut lui « travailler avec Emmanuel Macron ».
Invité de Public Sénat ce mardi 26 avril 2022, Stéphane Le Foll estime qu’un accord avec LFI pour les législatives serait « l’effacement final » du PS.
2017 et 2022 Marine Le Pen et Marion Maréchal toujours en opposition
Un accord entre le parti Reconquête et le Rassemblement national est plus que mal embarqué en vue des législatives de 2022. Le parti ne digère pas les remarques répétées d’Éric Zemmour sur l’incapacité de Marine Le Pen à remporter la présidentielle. « La huitième fois que la défaite frappe le nom de Le Pen », a-t-il fustigé le soir du second tour. Marine le Pen voit quant à elle dans son score historique (41,4 %) « une éclatante victoire » et prévient qu’il y aura des candidats RN dans les 577 circonscriptions.
En 2017, c’était donc la septième défaite pour le nom Le Pen et il n’était pas imaginable de prêter à Éric Zemmour un rôle politique. Mais cette défaite avait laissé des traces immédiates dans le parti à la flamme. On parle même de « séisme » lorsque trois jours après le second tour, Marion Maréchal-Le Pen, la plus jeune députée de France, annonce qu’elle quitte temporairement de la vie politique.
Cinq ans plus tard, Marion Maréchal a rejoint Éric Zemmour et hésite à briguer un nouveau siège à l’Assemblée nationale. Désormais vice-présidente du parti Reconquête !, elle déplore les débats de « cour de récréation » entre sa formation et celle de sa tante.
Division chez LR saison 1 et 2
L’approche « constructive » divise les Républicains en 2017 comme en 2022. Il y a cinq ans, il y a ceux comme Éric Woerth, à l’époque chargé du projet LR pour les législatives, qui souhaitent « une coexistence » entre Les Républicains et le président élu Emmanuel Macron. Et puis, il y a les autres, comme Éric Ciotti, à l’époque secrétaire général adjoint Les Républicains, qui accuse Emmanuel Macron de vouloir « détruire Les Républicains ».
Les LR viennent d’essuyer une défaite historique mais honorable. François Fillon n’a pas atteint le second tour, une première pour le représentant de la droite, mais a quand même rassemblé 20 % des suffrages.
En 2022, c’est une cuisante défaite qu’a essuyée Valérie Pécresse (4,8 % des voix) et les rumeurs de débauchages individuels empoisonnent toujours le parti. A l’issue d’une réunion stratégique, le patron de LR, Christian Jacob prévient ses collègues qu’il ne peut y avoir « de double appartenance ». « On ne peut pas être Les Républicains et majorité présidentielle ».
Si la situation de LR était moins problématique il y a cinq ans, François Baroin, en charge de mener le projet de LR, formulait le même avertissement. « Ceux qui choisissent Macron, ils seront En Marche ! mais plus Républicains ».
Tractations autour du prochain Premier ministre
Christian Jacob garde en mémoire 2017 où dès le 8 mai, le secrétaire général d’En Marche, A l’époque, l’ancien socialiste, Richard Ferrand n’exclut pas l’éventualité d’un Premier ministre issu de la droite. Bruno Le Maire, député LR de l’Eure qui fait des appels du pied appuyé à la macronie est loin de l’exclure lui aussi. « Si c’est un socialiste qui est premier ministre, il n’y a aucune recomposition, on est dans la vieille politique ! […] Dans ce cas-là, Emmanuel Macron sera l’héritier de François Hollande », met-il en garde.
François Bayrou confie, lui, qu’il ne connaît pas le nom du Premier ministre et « n’a jamais parlé de cette question » avec Emmanuel Macron.
De droite ? de gauche ? écologiste ? Une Femme ? En 2022, deux jours après la réélection d’Emmanuel Macron, le mystère entoure là encore l’identité du prochain locataire de Matignon.
Le temps s’est quand même ralenti par rapport à 2017. Rappelons qu’il y a cinq ans, un mois séparait le second tour de la présidentielle (7 mai) du premier tour des législatives (11 juin) contre deux mois cette année. Chez LREM, une commission nationale d’investiture pour les législatives avait déjà dévoilé le nom de 450 candidats.
En 2022, le parti présidentiel est majoritaire à l’Assemblée nationale pendant encore deux mois. Une source interne espère voir arrêtée « une première vague d’investitures » cette semaine. Emmanuel Macron suivra les tractations « comme le lait sur le feu ».