Paris: Jordan Bardella  debate with France’s Prime Minister Gabriel Attal

Débat Bardella-Attal : « Le mythe de l’invincibilité de Jordan Bardella en ressort écorné »

Rendez-vous politique attendu de cette campagne européenne, Gabriel Attal et Jordan Bardella débattaient sur le plateau de France 2 ce jeudi 23 mai. Si le Premier ministre s’est distingué par une meilleure connaissance des dossiers, la tête de liste du Rassemblement national pourrait aussi tirer profit de cette confrontation particulière.
Rose Amélie Becel

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Un Premier ministre et une tête de liste débattant à une heure de grande écoute sur France 2, à deux semaines des élections européennes, le dispositif a de quoi étonner. Au lendemain de la confrontation entre Gabriel Attal et Jordan Bardella, c’est en tout cas le premier enseignement que tirent les observateurs de ce rendez-vous politique. « On a transformé un débat en duel, alors que ce scrutin européen s’illustre précisément par un nombre historique de listes. C’est inquiétant, on a l’impression d’une distorsion de la démocratie », estime Philippe Moreau-Chevrolet, professeur en communication politique.

Une mise à l’écart dont se sont également offusqués plusieurs candidats, invités à exposer leur projet européen sur le même plateau en deuxième partie de soirée, à commencer par la tête de liste des Républicains François-Xavier Bellamy. « Rien ne justifie que ce soir, le service public mette en scène ce débat, ni les sondages, ni la réalité du débat européen », a-t-il fustigé, « si on regardait les sondages, il aurait au moins fallu inviter Raphaël Glucksmann ».

« S’il est critiquable du point de vue démocratique, on comprend bien la logique politique de ce débat »

Si l’absence du candidat socialiste a tant fait réagir, c’est aussi parce qu’elle revêt un enjeu particulier, alors qu’il talonne Valérie Hayer dans les sondages. « S’il est critiquable du point de vue démocratique, on comprend bien la logique politique de ce débat. Il permet au parti présidentiel de relayer Raphaël Glucksmann au second plan, pour contenir son ascension. Renaissance ne peut pas espérer rattraper le Rassemblement national, mais ce serait une véritable mise à mort politique d’être battu également par le Parti socialiste », tranche Philippe Moreau-Chevrolet.

Donné largement vainqueur de ce débat, le Premier ministre semble avoir réussi son pari. « Sur la forme, Gabriel Attal a dominé son adversaire, il était plus souriant, plus vif, capable de renvoyer Jordan Bardella dans les cordes sans lui couper la parole », observe le politologue Olivier Rouquan. Sur le fond aussi, le chef du gouvernement a montré une certaine maîtrise des dossiers, attaquant même la tête de liste du RN sur son sujet de prédilection, l’immigration. « Votre projet, c’est un banco, vous grattez et il n’y a rien en dessous ! », a dénoncé le Premier ministre, après avoir interrogé Jordan Bardella sur le concept de « double frontière », qu’il a peiné à défendre.

« Le mythe de l’invincibilité de Jordan Bardella dans les débats, présenté comme une personnalité politique assez charismatique, en ressort écorné », estime Philippe Moreau-Chevrolet. Mais pouvait-il en être autrement, entre un Premier ministre passé par plusieurs ministères et un eurodéputé avec peu d’autres mandats à son actif ? Pour le politiste Bruno Cautrès, le vainqueur était tout désigné avant même la tenue du débat : « Compte tenu de la masse d’informations dont il dispose et de la quantité de décisions qu’il prend quotidiennement, Gabriel Attal dispose forcément d’un avantage comparatif considérable sur tous les autres. »

« Jordan Bardella n’était pas là pour cogner, pour l’emporter il lui suffisait de monter sur le plateau »

Bombardant son adversaire de questions, parfois sans vraiment lui laisser le temps de répondre, arborant régulièrement un sourire en coin, l’aisance affichée par le chef du gouvernement lors de ce débat pourrait même se retourner contre son camp. « Si on s’en tient aux postures, j’ai trouvé Gabriel Attal assez moqueur, arrogant, essayant fréquemment de coincer son adversaire. En face, Jordan Bardella a marqué des points car il paraissait plutôt calme », analyse la communicante politique Émilie Zapalski.

Mis en difficulté à plusieurs reprises sur les dossiers économiques et énergétiques, Jordan Bardella a même reconnu ne pas avoir lu le texte de la réforme sur le marché européen de l’électricité avant de voter contre au Parlement, sans pour autant sembler perdre son sang-froid. Une attitude qui montre que, pour le candidat du Rassemblement national, l’enjeu est bien ailleurs. « Il n’était pas là pour cogner, pour l’emporter il lui suffisait de monter sur le plateau. Pour Jordan Bardella, ce qui comptait dans ce débat, c’était de se montrer à la même place que le Premier ministre, avec le même costume et la même cravate. Derrière, le message c’est “on occupe la même place qu’eux et demain nous serons à leur place” », observe Philippe Moreau-Chevrolet.

Malgré une claire domination de Gabriel Attal sur le fond des sujets, désigner un véritable vainqueur de ce débat apparaît donc difficile. « Chacun y a trouvé de quoi conforter des convictions déjà établies », tranche Bruno Cautrès, « les partisans de Jordan Bardella retiennent l’arrogance de la macronie, tandis que les partisans de Gabriel Attal retiennent l’incompétence du RN ». Qu’en est-il pour ceux qui ne militent dans aucun des deux camps ? « La variable la plus forte de ce scrutin, c’est la mobilisation des abstentionnistes. Si plus de personnes se décident à aller voter, en voyant une certaine médiatisation de ces élections, alors les lignes des sondages peuvent encore bouger un peu », note Olivier Rouquan. Sur ce plan, le débat entre Gabriel Attal et Jordan Bardella aura tout de même réuni 3,6 millions de téléspectateurs, soit 18 % du public. Un bon score qui marque peut-être le début d’une mobilisation, à deux semaines d’un scrutin traditionnellement boudé par la moitié des électeurs.

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