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De la viande cultivée, bientôt dans nos assiettes ? Le Sénat se penche sur le développement de la viande in vitro
Par Henri Clavier
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Viande in vitro, viande cultivée ou viande artificielle ? Les appellations sont multiples et dépendent assez largement du positionnement sur la question. Organisée suite à la création d’une mission d’information sur la viande in vitro, la table ronde réunissait Jean François Hocquette directeur de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture l’alimentation et l’environnement (INRAE), Thierry Marx chef cuisinier et président du principal syndicat de l’hôtellerie-restauration, Etienne Duthoit fondateur et directeur général de Vital Meat et Nicolas Morin-Forest cofondateur et président de Gourmey. Ces deux entreprises françaises entendent se placer sur le marché de la viande artificielle notamment en développant des produits de qualité comme Gourmey avec le foie gras.
En plus des auditions, ces débats doivent alimenter les conclusions d’un rapport qui sera présenté le 8 mars par le sénateur Olivier Rietmann (LR). Dans le cadre de la mission d’information, les sénateurs Henri Cabanel (RDSE – Hérault) et Olivier Rietmann ont rencontré, aux Pays-Bas, les équipes scientifiques de deux entreprises (Mosa Meat et Meatable) développant de la viande artificielle. Les sénateurs pourront également visiter les installations des entreprises entre la phase de R & D et le début de l’industrialisation. La viande cultivée suscite un fort enthousiasme aux Pays-Bas où le modèle agricole est en crise.
Le processus de production, complexe, consiste à prélever des cellules animales avant de les placer dans un « bio-réacteur » selon la présidente LR de la commission des affaires économiques Sophie Primas. Les cellules sont ensuite « nourries dans un milieu de culture à température physiologique contenant des nutriments dont la composition, qui varie d’une entreprise à l’autre, est souvent le secret de fabrication », détaille Sophie Primas.
La viande cultivée, bientôt dans nos assiettes ?
Le secteur connaît un développement rapide depuis la confection du premier steak artificiel à Londres en 2013. Les Pays-Bas, Israël et les Etats-Unis ont déjà largement investi la recherche sur la viande artificielle bien qu’à l’heure actuelle elle ne soit autorisée qu’à Singapour. Sophie Primas a néanmoins rappelé qu’« Il semble qu’on approche du passage du laboratoire au site industriel ».
Une référence à l’entreprise américaine Upside Foods qui a passé la première étape en matière d’autorisation de mise sur le marché américain par la Food and Drug Administration, l’autorité de sécurité alimentaire aux Etats-Unis. Afin d’être commercialisés sur le marché européen, les nouveaux produits alimentaires doivent faire l’objet d’une autorisation de la part de la Commission européenne après avoir été testés une évaluation par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). L’EFSA nous a d’ailleurs affirmé, qu’à l’heure actuelle, « aucun dossier n’a été déposé auprès de la Commission européenne et il n’existe aucun produit de ce genre sur le marché européen. »
Si les premières demandes devraient intervenir d’ici quelques années, L’EFSA rappelle que la délivrance d’une autorisation prend plusieurs mois « Nous disposons de neuf mois pour procéder à l’évaluation des risques, la Commission européenne doit ensuite préparer une proposition de décision négative ou positive dans un délai de sept mois. »
« Nous ne sommes pas là pour remplacer la viande, nous sommes là pour proposer un nouveau choix au consommateur »
Une éventuelle autorisation de commercialisation d’ici quelques années menace directement l’élevage, déjà sommé de s’adapter aux évolutions climatiques et environnementales. Face à des sénateurs songeurs, Nicolas Morin cofondateur et président de Gourmey a cherché à rassurer en affirmant que la viande cultivée est une « solution d’avenir qu’il faut explorer », avant d’ajouter « la question n’est pas de prendre position pour ou contre mais de prendre acte. »
La présidente du groupe d’études « élevage », la sénatrice LR Marie-Christine Chauvin, a interpellé sur les dangers que la viande in vitro représente pour l’élevage : « Cela ne vous met pas mal à l’aise de prospérer sur une forme de dénigrement de l’élevage ? » tout en insistant sur les bienfaits de l’élevage et de « ses retombées économiques dans la ruralité. » Etienne Duthoit a rappelé que la viande in vitro n’était, selon lui, pas une menace pour l’élevage « Nous ne sommes là pour remplacer la viande, nous sommes là pour proposer un nouveau choix au consommateur. » Comme à Singapour, ce produit « complémentaire » aurait donc vocation à être utilisé dans la fabrication de produits ultra-transformés comme les nuggets végétaux.
« L’utilisation d’antibiotiques est possible ou probable. »
Nécessairement, le recours à des aliments toujours plus transformés industriellement interroge sur l’impact sanitaire de la viande artificielle. Un choix de société pour Thierry Marx qui affirme ne pas « comprendre cette idée de vouloir massifier encore plus l’industrialisation de notre nourriture. » Un « appauvrissement culturel » et un véritable paradigme consumériste selon le chef étoilé « Vous avez renoncé à la qualité donc on vous fait des petits prix, c’est la théorie du low cost ».
Des interrogations sérieuses sur la qualité de notre alimentation, confirmées par l’absence de consensus scientifique sur la question de la viande in vitro. OGM, hormones de croissance et antibiotiques seront-ils au menu ? Une véritable possibilité pour Jean-François Hocquette (INRAE) « L’utilisation d’antibiotiques est possible ou probable. » En l’absence de dossier déposé devant l’EFSA, difficile de savoir dans quelle mesure la production de viande in vitro aura recours à des antibiotiques ou des hormones de croissance.
Les producteurs l’affirment pourtant, l’EFSA est strict et la commercialisation ne peut que concerner « des produits dont la sécurité alimentaire est garantie. » L’occasion pour Etienne Duthoit, fondateur et directeur général de Vital Meat, d’exposer les vertus de la viande in vitro « Nous ne mettons pas d’hormones de croissance au sens où on en a connues dans l’élevage avec des bovins sous stéroïdes. » Pour ce dernier, le développement d’une filière française permettrait la mise en place d’un « cahier des charges extrêmement exigeant sur l’empreinte environnementale et la sécurité alimentaire. »
Un impact environnemental contesté
Présentée comme un argument phare, la viande cultivée permettrait une réduction exceptionnelle de l’impact environnemental lié à l’élevage. Un argument commercial plus qu’un argument scientifique pour Jean-François Hocquette qui précise que la production de viande artificielle est « un processus consommateur d’énergie, puisqu’il faut porter les incubateurs à température physiologique. »
Enfin, plusieurs sénateurs ont tenu à rappeler l’impact environnemental positif que pouvait avoir l’élevage, notamment sur les pâturages et la biodiversité.