On le savait déjà, le principe du bouclier tarifaire allait être maintenu pour l’année prochaine, mais il allait être raboté. Face à l’explosion des prix de l’énergie, il allait falloir « que nos compatriotes absorbent une part de cette hausse », avait prévenu Bruno Le Maire. Actuellement, le prix réglementé du gaz est bloqué à son niveau d’octobre 2021, tandis que celui de l’électricité est contenu à une hausse de 4 %. Élisabeth Borne a détaillé ce mercredi 4 mars les contours de ce nouveau « bouclier tarifaire », tout en donnant des perspectives sur le plan de sobriété du gouvernement ainsi que l’évolution des prix « anormalement élevés aujourd’hui » à plus long terme.
Une hausse des prix de l’électricité et du gaz limitée à 15 % en 2023
En suspendant simplement le bouclier mis en place en 2022, Élisabeth Borne a expliqué que les tarifs de l’électricité et du gaz auraient été multipliés par 2,2 en 2023. « Pour éviter ces augmentations qui ne seraient pas soutenables, nous allons prolonger le mécanisme de bouclier tarifaire en 2023 pour tous les ménages, les copropriétés, les logements sociaux, les petites entreprises et les plus petites communes », a ainsi expliqué la Première ministre. Les hausses des prix du gaz seront donc limitées à 15 % en janvier 2023, tandis que les hausses des prix de l’électricité seront, elles aussi, limitées à 15 %, mais à partir de février 2023.
« L’écart ne sera pas reporté en 2024 ou plus tard » a tenu à préciser Élisabeth Borne, en précisant à titre d’exemple, que « ces augmentations vont conduire à une hausse moyenne des factures de l’ordre de 25 euros par mois pour les ménages qui se chauffent au gaz, au lieu d’environ 200 euros par mois sans bouclier tarifaire. Et à une augmentation moyenne de l’ordre de 20 euros par mois pour les ménages qui se chauffent à l’électricité, au lieu de 180 euros par mois, sans bouclier tarifaire. »
Des « chèques exceptionnels » pour les plus modestes
Ce nouveau bouclier tarifaire n’est donc pas plus ciblé que le premier. Pourtant Élisabeth Borne a bien réitéré la volonté du gouvernement de « cibler au mieux [ses] dispositifs. » La Première ministre a donc promis un « accompagnement spécifique pour aider les plus modestes » : « Des chèques énergie seront versés de manière exceptionnelle d’ici la fin de l’année aux 12 millions de foyers français les plus modestes, d’un montant de 100 ou 200 euros selon les revenus. » Ainsi, une mère seule avec deux enfants qui gagne le SMIC touchera 200 euros, tandis qu’un couple de travailleurs avec 3000 euros nets cumulés par mois et avec deux enfants touchera 100 euros, a détaillé Élisabeth Borne.
Un bouclier à 16 milliards d’euros
Bruno Le Maire a ensuite fait un point sur le coût de ces mesures. Le bouclier tarifaire coûtera « en net » 16 milliards d’euros. En fait le ministre de l’Economie retranche, des 45 milliards d’euros de dépenses qu’engendrera la mesure, « un mécanisme de marché qui oblige les énergéticiens à reverser le montant de la rente qu’ils touchent au titre de la rente sur l’explosion des prix de l’énergie. » Ursula von der Leyen a détaillé ce mécanisme européen ce matin. En ce qui concerne les fameux « chèques » aux plus modestes, le coût est déjà budgété et sera de 1,8 milliard d’euros.
Le locataire de Bercy est ensuite revenu sur les différentes aides aux entreprises en rappelant que les 1,5 million de PME avec un chiffre d’affaires inférieur à 2 millions d’euros continueront de bénéficier au tarif réglementé de l’électricité, et que l’aide de 2 millions d’euros pour les PME plus importantes serait bien simplifiée : « Toute PME dont le chiffre d’affaires comprend au moins 3 % de facture énergétique, aura accès à cette aide, dès lors que ses bénéfices auront baissé. » La mesure sera rétroactive depuis juillet où le gouvernement avait introduit cette aide avec des critères « trop complexes », de l’aveu même du ministre. Enfin les « énergointensifs », c’est-à-dire les entreprises les plus gourmandes en énergie, dans les secteurs de la chimie, de l’acier ou de l’imprimerie notamment, peuvent avoir accès à une aide allant jusqu’à 50 millions d’euros. Là aussi Bruno Le Maire estime « qu’il faut revoir ce dispositif européen trop complexe » et promet d’arriver à un accord avant la fin de l’année.
Plan de sobriété et solidarité européenne
« Seules la sobriété et la solidarité européenne nous permettront d’éviter les coupures dans les scénarios les plus pessimistes », a par ailleurs expliqué Élisabeth Borne, vu les tensions prévues par RTE sur le réseau électrique français à l’hiver prochain. Agnès Pannier-Runacher a donc fait un point sur l’avancée du plan de sobriété, annoncé par le gouvernement en juillet, qui vise une diminution de 10 % de la consommation énergétique d’ici la fin de l’année. La ministre de la Transition énergétique a donné la « priorité à l’Etat, aux collectivités et aux entreprises » sur le sujet.
En ce qui concerne les acteurs privés, Agnès Pannier-Runacher a réaffirmé que « chaque acteur définit son plan en fonction de son entreprise » et que « ce n’était pas à l’Etat d’imposer telle ou telle mesure. » La ministre préfère miser sur une circulation des « bonnes pratiques », soit qu’elles s’appliquent à tous les secteurs, soit qu’elles s’appliquent seulement à des secteurs spécifiques, dans la lignée des dispositifs comme Ecowatt, mis en place par RTE, « sorte de bison futé du système électrique. » Pour inciter ces acteurs à prendre des bonnes décisions, Agnès Pannier-Runacher a rappelé que « la sobriété choisie » permettait « d’éviter des mesures plus contraignantes. »
De même la ministre a appelé à « renforcer la solidarité européenne en matière énergétique », alors qu’Élisabeth Borne a réexpliqué que « nous pourrions avoir besoin de nos voisins », et qu’ils auraient besoin de nous : « Nous sommes devenus une porte d’entrée du gaz en Europe, nous devrons en fournir une partie à nos partenaires européens, qui nous fourniront de l’électricité en retour. »