Crédibilité économique de la gauche : « Il y a de la bonne et de la mauvaise dette », défend Marine Tondelier

Encore en cours de finalisation, le programme économique du Nouveau Front Populaire subit les attaques de la droite et de la majorité présidentielle, dans un contexte de finances publiques dégradées. La gauche se défend de tout manque de sérieux et assume de vouloir un retour de « la justice sociale »
Rédaction Public Sénat

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Mis à jour le

L’annonce tombe peut-être au pire moment pour la gauche, lancée dans une campagne législative express avec un programme économique « de rupture » : la France est épinglée par l’Union européenne pour déficit excessif, après avoir à nouveau dépassé l’an dernier le seuil des 3 % fixés par Bruxelles. Comment, dans ce contexte, promettre des lendemains qui chantent et un retour de l’Etat providence ? Pour l’heure, les chiffres du programme économique du Nouveau Front Populaire sont encore en cours de finalisation. « On a fait en 4 jours un travail programmatique que d’autres font en plusieurs semaines voire en plusieurs années », explique la cheffe de file des écologistes Marine Tondelier. Attaqué par ses adversaires macronistes sur le plan de la crédibilité, le Nouveau Front Populaire doit trouver la parade pour rassurer les milieux économiques et convaincre les Français. Le premier test a été passé jeudi matin : le socialiste Boris Vallaud et l’insoumis Eric Coquerel étaient auditionnés par plusieurs fédérations patronales, dont le Medef.

« Des Robins des bois à l’envers »

Pour l’heure, Marine Tondelier « récuse » ces « procès en crédibilité » lancés par « un gouvernement qui a affolé les agences de notation sur sa propre politique ». « Qui sont-ils pour nous donner des leçons de morale ? », demande l’élue écologiste, pointant du doigt l’augmentation de la dette sous les mandats d’Emmanuel Macron. « Ils ont fait 40 milliards de cadeaux fiscaux par an aux riches sans compter les 14 milliards de la suppression de la taxe d’habitation. Ils ont enlevé des recettes. C’est Robin des bois à l’envers, ils ont pris aux pauvres pour donner aux riches ». Contre ce que la gauche a dès le début dénoncé comme « le président des riches », le Nouveau Front Populaire promeut un programme économique basé sur une politique de relance qui s’appuierait sur une hausse des dépenses de l’Etat et, en contrepartie, une hausse des recettes fiscales. « On est pour la justice sociale. On estime que lorsqu’il y a de l’argent à aller chercher, certaines personnes peuvent contribuer plus que d’autres. On va rendre le système fiscal plus juste », assume Marine Tondelier. Et l’élue écologiste de prendre l’exemple des deux grandes crises qui se sont répercutées en France ces dernières années : « Quand je vois que des fortunes ont doublé ou triplé sur un an, avec des superprofits grâce à la guerre en Ukraine ou le covid-19, il aurait été juste et normal de les taxer pour financer des politiques et aider celles et ceux qui ont été frappés par ces crises ».

 

 

Sur le modèle du « quoi qu’il en coûte »

 

Au-delà d’augmenter les impôts, la gauche entend aussi investir pour le climat, ce qui passe à court terme par de la dette supplémentaire. Au risque d’encore franchir les limites des règles du pacte budgétaire européen, dans un contexte de finances publiques dégradées. « Il y a de la bonne et de la mauvaise dette, il faut que les Français le sachent », répond Marine Tondelier, rappelant que « l’inaction climatique va nous coûter de l’argent ». Là encore, la cheffe de file des écologistes tape sur le bilan d’Emmanuel Macron, qui a vu la dette bondir (notamment avec la crise du covid-19). « Si on faisait de la dette pour faire de la justice sociale et baisser la pauvreté dans le pays, sauver le climat, je dirais pourquoi pas. Mais il n’y a jamais eu autant de pauvres dans ce pays : 9 millions de personnes. Là ils se sont endettés pour faire des cadeaux fiscaux à leurs amis », attaque Marine Tondelier, qui rappelle que « 42 % des Français sautent un repas par semaine. 35 % ont moins de 100 euros sur leur compte en banque le 10 du mois ». Reste à savoir comment la gauche compte mettre en place son programme économique qui pourrait laisser la Commission européenne sceptique. « Quand vous voulez changer les choses, mettre en œuvre une politique de rupture, tout le système va toujours expliquer que ce n’est pas possible”, relativise Marine Tondelier, qui déplore un deux poids deux mesures dans la perception des politiques proposées entre la macronie et la gauche : « Quand on est Macron, on a une présomption de crédibilité, quand on est de gauche on a une présomption de non crédibilité », explique la nordiste, rappelant la politique du « quoi qu’il en coûte » menée par Emmanuel Macron à partir du printemps 2020. « Là, ce n’était pas grave, et quand c’est la gauche et les écologistes qui proposent, c’est très grave », note Marine Tondelier.

 

« Oui, on va le faire »

 

L’élue en est convaincue, la gauche ne doit pas baisser les yeux quant à ses ambitions sociales : « Qu’on aille défendre notre pays, qu’on aille dire qu’on va se battre pour ne plus avoir 9 millions de pauvre, qu’on va investir dans l’avenir et l’environnement », martèle-t-elle. « Oui on va le faire, j’espère bien qu’on va le faire ! Moi je n’ai pas fait tout ça pour promettre un programme de rupture et dire « oui c’est pas possible » en arrivant au gouvernement », s’engage Marine Tondelier, qui trouve là un moyen d’attaquer le Rassemblement national. Le parti d’extrême droite, qui tergiverse depuis plusieurs jours sur les promesses qu’il souhaite ou non mettre en place, « s’apprête à faire la même politique que Macron », selon l’écologiste. « Ils disent qu’ils vont abroger la réforme des retraites, mais pas tout de suite, après un audit financier… ils nous proposent des baisses de TVA sociales sur les biens de première nécessité, avant d’annuler leur annonce le lendemain. Nous je sais ce qu’on va faire, et je peux vous dire qu’on va vraiment le faire ».

 

 

Dans la même thématique

Paris: French Government Weekly Cabinet Meeting
5min

Politique

Pour Bruno Retailleau, les conditions sont réunies pour rester au gouvernement

Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.

Le

Crédibilité économique de la gauche : « Il y a de la bonne et de la mauvaise dette », défend Marine Tondelier
4min

Politique

Retraites : « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », dénonce Ian Brossat

C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».

Le

Crédibilité économique de la gauche : « Il y a de la bonne et de la mauvaise dette », défend Marine Tondelier
4min

Politique

« Consternés », « dépités », « enfumage » : après sa rencontre avec François Bayrou, la gauche menace plus que jamais le Premier ministre de censure

Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.

Le