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Coup d’envoi des auditions des commissaires européens : « Une évaluation des compétences, mais aussi un filtre politique » 

Ce lundi 4 novembre marque le coup d’envoi des auditions des commissaires européens qui dureront jusqu’au 12 novembre. Ces oraux doivent permettre aux commissaires de développer leur vision de leur action au sein de la Commission européenne. Ce sera aussi l’occasion pour les députés de contrôler l’exécutif et faire valoir leurs priorités politiques.
Henri Clavier

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C’est un véritable entretien d’embauche que s’apprêtent à entamer les candidats désignés par les Etats membres pour occuper un poste de commissaire européen. Devant les députés européens, les candidats devront répondre, pendant trois heures, à plusieurs séries de questions. Avant l’audition, les candidats répondent à des questions écrites et présentent la vision de leur action dans le cadre de leurs fonctions. Chaque commissaire putatif est auditionné par la commission du Parlement européen chargée des sujets en lien avec le portefeuille du candidat. Au cours des échanges, les parlementaires doivent évaluer les compétences des candidats avant de se prononcer par un vote au sein de la commission parlementaire. Pour passer le filtre du Parlement, les candidats doivent être approuvés par au moins deux tiers des membres de la Commission.  

C’est loin d’être une étape symbolique puisque tous les cinq ans, des commissaires désignés sont écartés par les députés. En 2019, la candidate française Sylvie Goulard (MoDem) avait échoué à convaincre à cause de l’affaire des emplois fictifs des collaborateurs européens de son parti.  

Un processus long et exigeant  

« Le processus de désignation des commissaires est assez long, ce n’est pas un processus anodin », explique Evelyn Paris, enseignante au sein du Master affaires européennes de Sciences Po et passée par la représentation permanente de la Commission européenne en France. Au-delà de l’analyse des potentiels conflits d’intérêts et de la vérification des compétences des candidats, c’est également le moment pour les parlementaires européens de peser sur les orientations politiques de la Commission européenne. « C’est une évaluation des compétences, mais c’est aussi un filtre politique », explique Evelyn Paris. En effet, les députés européens ne disposent pas du pouvoir d’initiative législative et sont donc dépendants des propositions formulées par la Commission. Régulièrement, les députés européens déplorent le déséquilibre institutionnel entre les institutions.  

« Ce vote n’écarte pas tout de suite le commissaire. Généralement, suite à un vote négatif, les commissaires se retirent d’eux-mêmes. Ensuite, il y a le vote unique en plénière à la majorité simple qui porte sur la validation du collège des commissaires », rappelle Evelyn Paris. Enfin, la Commission entre officiellement en fonction après un vote à la majorité qualifiée des chefs d’Etat et de gouvernement.  

Par conséquent, la Commission européenne est incitée à tenir compte des votes des parlementaires au risque de voir les députés faire durer les auditions ou de refuser le collège de commissaires. Un moyen de négociation plébiscité par les eurodéputés pour écarter certains profils.  

Une vice-présidence pour l’extrême-droite ?  

Parmi les profils les moins consensuels, le nom de l’italien Raffaele Fitto revient fréquemment. Membre du parti de Giorgia Meloni, l’ancien ministre des affaires européennes est candidat au poste de vice-président chargé de la cohésion et des réformes. L’obtention de cette vice-présidence, historique pour l’extrême droite, a été vivement dénoncée par les parlementaires y voyant le résultat d’un accord entre Ursula von der Leyen et le groupe d’extrême-droite menée par Giorgia Meloni (CRE). En effet, la présidente de la Commission européenne a pu s’appuyer sur le vote des parlementaires du groupe CRE pour être reconduite à la tête de l’exécutif européen. « La nomination de Raffaele Fitto divise les députés européens. Même si sa candidature est bien accueillie au sein du PPE (conservateurs), les députés pourraient demander qu’il soit simplement commissaire et non vice-président », rapporte Evelyn Paris. Une nomination qui inquiète notamment Fabienne Keller, eurodéputée Renew. Interrogée dans l’émission Ici l’Europe sur France 24, LCP et Public Sénat, la députée juge que « les décisions de la dirigeante italienne sont inquiétantes du point de vue du respect des droits fondamentaux et notamment l’externalisation de l’accueil des demandeurs d’asile à l’extérieur de l’Union européenne, comme en Albanie ».  

Indépendance et collégialité de la Commission européenne  

L’audition du candidat hongrois, proche de Viktor Orbán, devrait également être scrutée. En effet, Olivér Várhelyi, commissaire européen et proche de Viktor Orbán est accusé d’avoir rompu la collégialité de l’exécutif européen pour suivre l’agenda politique du Premier ministre hongrois. Par ailleurs, en février 2023, alors que son micro était ouvert, le commissaire qualifie « d’idiots » les eurodéputés en train de l’interroger. La question de l’indépendance des commissaires européens, par rapport à leur Etat, occupe une place centrale durant les auditions.  

A ce titre, les détracteurs du candidat Français, Stéphane Séjourné, pourraient soulever ce point durant son audition le 12 novembre en pointant sa proximité avec Emmanuel Macron dont il a été le conseiller politique. «Stéphane Séjourné connaît bien les institutions européennes, donc je ne pense pas que la question de la compétence se pose. Celle de l’indépendance par rapport au pouvoir exécutif français pourrait cependant être soulevée compte tenu de sa proximité avec Emmanuel Macron », envisage Evelyn Paris, même si cela reste peu probable.  

Une prise de fonction pour le 1er décembre ?  

L’audition de la socialiste Teresa Ribera pourrait aussi se révéler périlleuse. En effet, l’Espagnole hérite de la transition écologique et serait, en cas de confirmation, la première vice-présidente de la Commission européenne. Pourtant l’hémicycle de Strasbourg penche assez largement à droite. Ministre de l’écologie depuis 2018, l’Espagnole pourrait être mise en difficulté sur ses positions anti-nucléaires.  

« Avec ces profils, on peut assister à un retard dans la prise de fonction de la nouvelle Commission européenne, alors qu’Ursula von der Leyen vise le 1er décembre », relève Evelyn Paris. 

 

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