Conseil supérieur de la magistrature : la candidate de Gérard Larcher, ancienne magistrate, se défend de tout « corporatisme »

Conseil supérieur de la magistrature : la candidate de Gérard Larcher, ancienne magistrate, se défend de tout « corporatisme »

Lors de son audition au Sénat en vue de sa nomination au Conseil supérieur de la magistrature (CSM), la candidate proposée par Gérard Larcher a été interrogée sur son appartenance au corps des magistrats. Celle-ci interroge en effet sur la part de personnalités non-magistrates au sein du CSM. Dominique Lottin s’est défendue, en réponse, de tout « corporatisme. »
Louis Mollier-Sabet

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Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) est un organe chargé de garantir l’indépendance des magistrats et de l’ordre judiciaire vis-à-vis du pouvoir exécutif, notamment en nommant et en gérant la carrière des magistrats. Le mandat des 22 membres expirant fin janvier, les propositions de profils se succèdent. Après les polémiques autour de la proposition de nomination de Diane Roman par la présidente de l’Assemblée nationale, alors que l’universitaire de la Sorbonne avait signé une tribune appelant à voter Jean-Luc Mélenchon à la dernière élection présidentielle, le Sénat auditionnait ce mercredi quatre candidats, proposés par Emmanuel Macron et Gérard Larcher, le président du Sénat.

CSM : parité entre « personnalités qualifiées » et anciens magistrats

Ces candidatures ne sont que des propositions de nomination, puisque les nominations au CSM sont régies par l’article 13 de la Constitution, et sont donc soumises à l’approbation des 3/5 des deux commissions du Parlement concernées, en l’occurrence les commissions des Lois. Deux candidatures sont ainsi proposées par le Président de la République : Patrick Titiun, ancien magistrat qui a effectué l’essentiel de sa carrière à la CEDH, et Élisabeth Guigou, ancienne garde des Sceaux de Lionel Jospin. Deux autres relèvent de la prérogative du président du Sénat, qui a proposé au Parlement les noms du professeur de droit Patrick Wachsmann et de l’ex-haute magistrate Dominique Lottin.

C’est cette dernière nomination qui fait le plus de bruit. Gérard Larcher, sénateur des Yvelines, avait déjà proposé l’ancienne présidente de la Cour d’appel de Versailles au Conseil constitutionnel en 2017, au sein duquel Dominique Lottin vient donc de passer cinq ans. Là où le bât blesse, c’est que « l’esprit » de la Constitution prévoit que le Conseil supérieur de la magistrature soit composé en majorité de « personnalités qualifiées », et qui ne sont donc pas issues du corps des magistrats. Les nominations effectuées par le Président de la République, la présidente de l’Assemblée nationale et le président du Sénat étant censée fournir le contingent de personnalités non-magistrates.

« J’ai toujours porté un regard critique sur la magistrature »

Dominique Lottin n’a ainsi pas manqué d’aborder « the elephant in the room » dès son propos liminaire, en se faisant indirectement adouber par Laurent Fabius, le président du Conseil constitutionnel. Celui-ci lui aurait fait remarquer il y a quelques mois qu’elle ne débutait plus ses interventions par « nous, les magistrats judiciaires », et qu’elle s’incluait enfin pleinement dans le Conseil constitutionnel.

« Cette observation m’a fait réfléchir et prendre conscience que j’avais passé une étape », a-t-elle assuré, en ajoutant avoir toujours « porté un regard critique au sens premier et positif du terme » sur le corps des magistrats. « C’est avec la même indépendance et la même impartialité, intégrité et dignité que j’exercerai mes fonctions » a conclu l’ancienne magistrate.

Un signal clairement envoyé aux sénateurs de la commission des Lois, qui en ont apprécié la « grande subtilité », d’après les mots de Jean-Pierre Sueur (PS) et « l’élégance », selon la formule utilisée par Philippe Bonnecarrère (centriste). Cependant, Jean-Pierre Sueur s’est permis de revenir sur cette question, au risque de « paraître irritant », en demandant à Dominique Lottin ce qu’elle pensait sur le fond de cette règle tacite de « parité » entre magistrats et « personnalités qualifiées » au sein du Conseil supérieur de la magistrature.

« J’ai appartenu à cette institution, ce n’est pas une raison pour la défendre par corporatisme »

« La parité est importante, a concédé la candidate, mais par les parcours des gens qui se présentent dans cette institution. La volonté du Constituant de 2008 était d’éviter un corporatisme, un corps qui tente de défendre exclusivement les intérêts des magistrats. Le fait d’avoir appartenu à l’institution judiciaire, je dis bien appartenu parce que je n’appartiens plus à cette institution, ce n’est pas une raison pour la défendre par corporatisme », a répondu l’ancienne magistrate. « Ceux qui ont engagé ce débat sont ceux qui me reprochaient de ne pas défendre suffisamment les magistrats, cela m’a fait sourire de ce point de vue », a-t-elle ajouté.

Du côté de la majorité sénatoriale, on n’a pas exprimé les mêmes inquiétudes sur le profil de la candidate du président Larcher. Le sénateur centriste Philippe Bonnecarrère les a même explicitement réfutées en qualifiant ces reproches « d’abracadabrantesques », dans la mesure où il ne voyait pas en quoi le parcours de magistrate de Dominique Lottin pourrait l’empêcher d’exercer ses fonctions au CSM en toute indépendance.

3/5 des voix contre la nomination sont nécessaires pour qu’elle soit refusée

Après l’audition de Patrick Wachsmann, l’autre candidat proposé par Gérard Larcher, et d’Élisabeth Guigou et Patrick Titun, les candidats proposés au Parlement par Emmanuel Macron, les sénateurs de la commission des Lois voteront à bulletin secret pour valider ou non ces nominations. 3/5 des voix contre seront nécessaires pour qu’une de ces nominations soit invalidée par le Parlement.

Jamais le Parlement n’a refusé un candidat proposé pour une nomination au titre de l’article 13 de la Constitution, même si certains candidats n’ont parfois pas réussi à récolter une majorité de l’une des Assemblées, sans pour autant coaliser 3/5 de l’ensemble des voix contre eux.

C’était le cas la semaine dernière pour Diane Roman, proposée par Yaël Braun-Pivet, qui a récolté 15 voix pour et 18 contre, au sein de la commission des Lois de l’Assemblée nationale. Les sénateurs ne s’exprimant pas sur les nominations proposées par la présidente de l’Assemblée et inversement, seuls les candidats proposés par le Président de la République ont été auditionnés à l’Assemblée nationale et au Sénat.

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