Il aura fallu attendre le dépôt d’une proposition de résolution par le Sénat et la parution d’une tribune dans le journal Le Monde pour qu’Emmanuel Emmanuel s’exprime sur le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Sur France 2, mercredi soir, il a affirmé que la France « ne lâcherait » pas l’Arménie, et a mis en cause la Russie, qui aurait « joué le jeu » de l’Azerbaïdjan avec une « complicité turque. »
« C’est une manœuvre de déstabilisation de la Russie qui, dans le Caucase, cherche à créer le désordre pour tous nous affaiblir et nous diviser », a-t-il dénoncé.
Réponse quasi immédiate de Vladimir Poutine pour qui les propos du chef de l’Etat Français sont « incorrects » et « inacceptables ». « Je pense qu’il y a une absence de compréhension du déroulement du conflit dans ces déclarations, et visiblement, d’informations de la France sur la position des parties », a ajouté le dirigeant russe, lors d’un sommet de pays d’ex-URSS au Kazakhstan.
Ce vendredi, c’est au tour de l’Azerbaïdjan de réagir. Il accuse le président Français de prendre parti pour l’Arménie.
« Ça fait longtemps que la France n’a pas parlé de façon aussi ferme sur l’Arménie »
Pour mémoire, la déclaration du président de la République intervient après la reprise des combats le mois dernier sur le territoire arménien dans le couloir de Latchin, au cours desquels près de 300 personnes ont été tuées. Il y 2 ans, « la guerre des 44 jours » avait coûté la vie à plus de 6.500 soldats, avant l’accord de cessez-le-feu du 9 novembre 2020 dans le Haut-Karabagh. Un territoire montagneux de 440 kilomètres carrés que se disputent l’Arménie, à majorité chrétienne, et l’Azerbaïdjan, à majorité chiite. L’accord avait scellé la défaite d’Erevan qui avait perdu le contrôle militaire du Haut-Karabagh peuplé à 95 % d’Arméniens. La Russie était intervenue auprès des deux anciennes républiques de l’Union soviétique.
« Ça fait longtemps que la France n’a pas parlé de façon aussi ferme sur l’Arménie. Jusqu’à présent, elle se réfugiait derrière son statut de coprésident du groupe de Minsk (de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en charge de trouver une solution pacifique au conflit entre l’Arménie Azerbaïdjan NDLR). Emmanuel Macron a désigné l’ennemi : L’Azerbaïdjan qui a violé les frontières internationalement reconnues de l’Arménie », observe le sénateur communiste, Pierre Ouzoulias vice-président du groupe d’amitié France-Arménie, et cosignataire de la tribune du Monde.
« La France a désigné l’agresseur, c’est important mais ce n’est pas suffisant. Nous revenons d’une mission en Arménie avec quelques sénateurs, mes homologues arméniens m’ont fait part de leur très grande inquiétude. Ils ont besoin d’armes défensives pour protéger leur frontière », rapporte, Gilbert-Luc Devinaz, sénateur socialiste, président du Groupe interparlementaire d’amitié France Arménie.
« Il y a eu des actes de tortures, des viols, et personne ne s’en préoccupe. C’est scandaleux »
« Ce n’est même pas le minimum. Emmanuel Macron prend la parole trois semaines après l’occupation par l’Azerbaïdjan de 50km carré du territoire arménien. Il y a eu des actes de tortures, des viols, et personne ne s’en préoccupe. C’est scandaleux », s’offusque, pour sa part, Valérie Boyer, sénatrice LR, également signataire de la tribune.
L’élue des Bouches du Rhône rappelle que le Sénat alerte depuis des jours le gouvernement sur la situation. « Pourquoi se contente-t-on d’envoyer des observateurs, alors qu’on sait très bien ce qui s’y passe ». Emmanuel Macron a effectivement confirmé que l’Union européenne allait envoyer « ces jours-ci » une mission civile en Arménie, le long de la frontière avec l’Azerbaïdjan, pour tenter de rétablir la confiance entre les deux pays et contribuer à la délimitation des frontières contestées.
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« On est moins choqué par les Azéris en Arménie que les Russes en Ukraine. A quoi ça sert d’avoir une journée nationale de commémoration du génocide de 1915, si c’est pour dénoncer du bout des lèvres l’Azerbaïdjan qui a une volonté génocidaire assumée » regrette Valérie Boyer qui demande au minimum un gel des avoirs du clan Aliev, le président azerbaïdjanais.
Une revendication qui figure dans la tribune du Monde. Intellectuels et élus de tous bords demandent également le retrait des forces armées azerbaïdjanaises du territoire internationalement reconnu de l’Arménie, l’envoi d’une mission de surveillance et d’observation afin de garantir le cessez-le-feu informel du 15 septembre, mais aussi la dénonciation des accords de livraison de gaz à l’Europe par l’Azerbaïdjan passés en juillet dernier.
« Les Russes veulent se servir de l’Arménie comme monnaie d’échange dans la résolution du conflit ukrainien »
Autant de points qui figurent dans la proposition de résolution qui sera examiné au Sénat mi-novembre. Il y a 15 jours, le sénateur LR, Etienne Blanc, membre du groupe d’amitié France-Arménie avait interpellé la ministre des Affaires étrangères : « Le gouvernement français se sent-il solidaire de cet accord que l’on peut qualifier d’indigne ? », interrogeait le sénateur LR, Etienne Blanc, également membre du groupe d’amitié France-Arménie.
« J’ai posé une question écrite au gouvernement sur la provenance du pétrole exporté par l’Azerbaïdjan, j’attends toujours la réponse », insiste Pierre Ouzoulias. Il ajoute. « Cet accord est une immense hypocrisie. On sait très bien que ce gaz provient de Russie. C’est un instrument de contournement des sanctions européennes contre la Russie. Sur ce point, la France peut faire quelque chose et n’est pas obligée de s’aligner sur la stratégie énergétique de l’Allemagne ».
« L’Europe occidentale est extrêmement prudente car elle craint une contagion du conflit ukrainien dans les Balkans », note Gilbert-Luc Devinaz.
Les deux conflits sont au moins liés par la Russie comme l’explique Pierre Ouzoulias qui faisait partie de la dernière mission sénatoriale présente en Arménie en septembre. « Sur place, on pense que les Russes veulent se servir de l’Arménie comme monnaie d’échange dans la résolution du conflit ukrainien ».