L’heure des réponses est probablement venue. Au-delà du changement de gouvernement, à quoi va ressembler le « rendez-vous avec la nation » promis par le président de la République en décembre ? À un tournant de son quinquennat, Emmanuel Macron a choisi de donner une conférence de presse à l’Élysée ce mardi 16 janvier à 20 h 15, pour préciser ses intentions et son action des prochains mois.
Sur la forme, cette conférence est déjà un évènement en soi, tant le chef de l’État a boudé l’exercice depuis qu’il est aux responsabilités. Si l’on fait abstraction de sa conférence fleuve du jeudi 17 mars 2022, tenue dans un contexte de campagne présidentielle, et de celle du 9 décembre 2021 spécifiquement centrée à la présidence française de l’Union européenne, ce ne sera que la deuxième fois qu’Emmanuel Macron réitère le format de questions-réponses avec un parterre de journalistes sur une grande variété de sujets.
Un format rare depuis l’élection de 2017
La dernière (et unique) du genre remonte au jeudi 25 avril 2019, au moment de « l’acte II du quinquennat ». Elle avait clos la séquence du Grand débat national, l’une des portes de sortie de la crise des Gilets Jaunes. Comme en 2019, les questions seront précédées d’un propos liminaire, précise l’Élysée. L’échange avec la presse avait duré à l’époque près de deux heures trente. Un format qu’Emmanuel Macron a tendance à « fuir » et qui ne « correspond pas aux relations habituelles entre Emmanuel Macron et les journalistes », souligne Arnaud Mercier, professeur en communication à l’université Paris 2 Panthéon-Assas.
De ce point de vue, le choix d’une longue conférence de presse n’est pas anodin dans la séquence ouverte par l’Élysée, après l’adoption de la loi immigration et l’installation d’une nouvelle équipe. Sa prise de parole intervient d’ailleurs avant le discours de politique général de son nouveau Premier ministre. « On a une séquence avec un changement de gouvernement, un choix de Premier ministre audacieux, une conférence de presse à laquelle on est peu habitué et qui correspondent au timing qu’il a annoncé avant Noël : tout cela converge vers l’idée d’un point de bascule. L’obsession d’Emmanuel Macron, son tempérament politique, c’est de ne pas se laisser encalminer par le passé, les difficultés, et de vouloir passer à autre chose », analyse Arnaud Mercier.
Mais à bien des égards, le décor planté est bien différent de 2019. L’exécutif n’a plus la maîtrise du destin des projets de loi au Parlement depuis la perte de sa majorité absolue, et une échéance électorale va se présenter rapidement : celle des européennes de juin. Dans les enquêtes d’opinion, Renaissance et ses alliés ont dix points de retard dans les enquêtes d’opinion.
« Les perspectives ne sont pas clairement identifiées chez les Français »
« Il y a une volonté de recréer une dynamique. On sent que ça tâtonne, on l’a senti avec le remaniement, qui n’est d’ailleurs pas terminé. Comment créer un évènement pour relancer un quinquennat, qui a des difficultés à démarrer ? Pour l’instant, il n’y a pas de ligne claire, mais beaucoup de gesticulations, très peu de choses concrètes », observe Emilie Zapalski. La communicante politique estime que l’enjeu pour Emmanuel Macron est de dépasser « l’exercice de communication ».
« À l’heure actuelle, les perspectives ne sont pas clairement identifiées chez les Français », appuie également Jean-Daniel Lévy, directeur délégué de l’institut Harris Interactive France. « Il y a deux volets qui donnent aujourd’hui le sentiment de ne pas être suffisamment abordés de manière claire et lisible par les Français : le domaine social et les questions sécuritaires. »
À l’occasion de ses vœux à ses concitoyens, le 31 décembre, Emmanuel Macron avait semé quelques indices sibyllins, promettant aussi bien une « année de détermination » qu’une année de « réarmement civique », à travers notamment l’éducation et la jeunesse. Outre les questions d’actualité, Emmanuel Macron va donc devoir décliner plus précisément sa méthode pour le développement de l’économie, les réponses à apporter à la crise du logement et plus globalement son action « pour les générations futures ».
Un moment télévisé fortement exposé, pour quel résultat ?
De quelle exposition bénéficiera le chef de l’État ? C’est l’un des enseignements à suivre. « L’horaire est assez inhabituel, c’est assez exceptionnel d’avoir une conférence de presse à 20 h 15. Il y a une exposition qui sera probablement importante. Il faut voir si les courbes d’audience se maintiennent », anticipe Jean-Daniel Lévy. Il y a cinq ans, l’intervention avait débuté plus tôt à 18 h 00.
Cette période de grande écoute peut être à double tranchant pour le chef de l’État, étant donné la solennité et la rareté de l’évènement. « S’il annonce un référendum, on le retiendra. Ce qui serait gênant, c’est d’avoir réuni tout cet attirail, faire quelque chose sortant de l’ordinaire, pour que les gens se disent : tout ça pour ça. Le risque, c’est que la montagne accouche d’une souris », prévient Arnaud Mercier.
« On sent qu’il veut essayer de surprendre, de se mettre un peu plus à disposition de l’échange, comme Gabriel Attal qui multiplie les déplacements », compare Emilie Zapalski. Si Emmanuel Macron a souvent cherché à créer la surprise avec des dispositifs comme les conventions citoyennes, le Grand débat national, ou les rencontres de Saint-Denis, cette spécialiste de communication politique insiste que ce genre de manœuvre est presque démonétisée. « Cela surprend moins et ça n’a pas beaucoup d’impact à long terme. »
« C’est censé être une impulsion. Cela permet de reprendre la main mais après encore faut-il réussir à la conserver », prévient également Jean-Daniel Lévy.