La Commission européenne devrait pouvoir entrer en fonction dès le 1er décembre après l’accord entre les trois principaux partis européens sur le collège des commissaires. Un accord qui illustre la place centrale de la droite européenne, prête à s’allier avec l’extrême droite.
Comment va se passer « l’initiative politique d’ampleur » d’Emmanuel Macron avec les chefs de partis ?
Par François Vignal
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En guise de rentrée des classes, Emmanuel Macron réunit ce mercredi les chefs de partis politiques. Rendez-vous à 15 heures, à Saint-Denis, à l’école de la Légion d’honneur, pour une après-midi de travail, suivie d’un dîner, que les partis membres de la Nupes (LFI, PS, EELV, PCF) ont décidé de sécher. Les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, sont aussi invités. Les convives seraient a priori au nombre de 13, explique-t-on de source gouvernementale ce mardi. A voir si ça porte chance, ou non.
Le CNR (Conseil national de la refondation) semble aujourd’hui bien loin et has been, même si une réunion est prévue en septembre. Place à « l’initiative politique d’ampleur », un nouveau grand raout, tel que l’exécutif les affectionne, baptisée « les rencontres de Saint-Denis » selon Europe 1. Qu’en ressortira-t-il ? Difficile à dire. Pour beaucoup d’élus de l’opposition, ça sent le coup’ de com’ à plein nez pour occuper la rentrée politique. Mais pour l’Elysée, l’événement doit bien déboucher sur du concret.
« Le Président viendra dans une position d’écoute »
Les présidents de groupes n’ont pas reçu de carton d’invitation, au grand dam de Bruno Retailleau (LR) ou du socialiste Patrick Kanner au Sénat. Mais selon le président du groupe Union centriste du Sénat, Hervé Marseille, qui sera présent en tant que président de l’UDI, « il n’est pas impossible que la première ministre soit amenée à les voir par la suite ».
Dans la lettre d’invitation qu’il a envoyée aux responsables des « forces politiques représentées au Parlement », le chef de l’Etat explique que « l’ambition sera de convenir de voies d’action qui pourront trouver des traductions concrètes et rapides dans les réalisations du gouvernement et des textes législatifs bâtis ensemble ». Le tout à « huis clos ».
Un point de méthode sur lequel on insiste, du côté du gouvernement. « Le Président viendra dans une position d’écoute par rapport aux partis, sans proposition, sans agenda. Il y a vraiment une volonté de voir ce qu’on peut trouver en commun pour converger », explique-t-on. « Il a parlé de main tendue, d’un échange loyal. Ce mot loyal va se traduire dans les faits : pas de collaborateur présent, pas de tour d’image, pas de micro tendu. L’idée est de discuter en confiance, à huis clos », précise un conseiller ministériel.
« On n’a reçu aucun déroulé de l’Elysée. On est informé via la presse »
Pour le programme, les partis n’avaient rien reçu de précis encore la veille, ce mardi midi. « Les infos sont sporadiques. On n’a reçu aucun déroulé de l’Elysée. On est informé via la presse… », grince-t-on du côté d’un parti de gauche. Tout ne semblait en effet pas calé la veille, puisque ce mardi matin, une réunion de préparation a eu lieu avec plusieurs ministres, selon Le Figaro, histoire de réfléchir aux idées qui pourraient être mises sur la table. Ce soir, ce sont les cadres de la majorité qui sont invités à dîner par l’Elysée pour plancher à leur tour, comme le raconte Le Parisien.
Dans sa lettre, Emmanuel Macron donne néanmoins les grands thèmes de discussion. Ils sont au nombre de trois : la situation internationale, puis la « simplification des procédures, de nouvelles pistes d’organisation territoriale, de décentralisation, et de réformes institutionnelles » et enfin la cohésion de la Nation, incluant le sujet de l’école. Mais les questions « d’intégration » ou du « pouvoir d’achat » auront aussi voix au chapitre.
Emmanuel Macron a décroché son téléphone pour préparer la réunion
A défaut d’un déroulé précis, Emmanuel Macron a néanmoins décroché son téléphone pour préparer la réunion. Il a joint en personne les chefs de partis. « Le Président a appelé individuellement les participants. Il a expliqué les conditions de cette réunion », nous confie Hervé Marseille. Il s’est entretenu avec Emmanuel Macron. En début d’après-midi, le chef de l’Etat n’avait visiblement pas encore appelé tout le monde. « Mais c’est dans l’air », dit-on du côté d’un parti membre de la Nupes.
Les deux premiers thèmes seront abordés durant l’après-midi. Quant au dîner, ce sera « un dîner de travail. C’est là que la question de « faire Nation » sera abordée », précise-t-on de source gouvernementale, où on trouve « un peu dommage » que la gauche n’y soit pas. Précision utile : le communiqué de la Nupes annonçant son absence au dîner a été envoyé sans que cet élément soit connu, assure-t-on à gauche.
« C’est toujours important et utile d’échanger avec le Président », selon Hervé Marseille
Sur la situation internationale, Hervé Marseille s’attend « a priori plutôt à une présentation de la part du Président. C’est quand même son domaine réservé ». « Sur les autres points, le Sénat et les partis ont travaillé depuis longtemps sur les améliorations possibles de la situation territoriale. Le sujet n’est pas tant d’ajouter encore de nouveaux bouleversements que d’essayer de trouver un état d’esprit et un mode de fonctionnement », soutient le président de l’UDI. Le Sénat a en effet largement planché sur la décentralisation au sein d’un groupe de travail, co-rapporté par sa collègue du groupe centriste, Françoise Gatel.
Pour Hervé Marseille, « c’est toujours important et utile d’échanger avec le Président. D’habitude il y a des intermédiaires, le gouvernement, la première ministre ». Mais y a-t-il réellement du grain à moudre ? Le président du groupe UC ne l’exclut pas. « Il y a des textes qui passent au Parlement. Il n’est pas interdit de penser qu’on peut trouver des avancées », pense le sénateur UDI des Hauts-de-Seine, qui évoque aussi le prochain « budget, un moment important », la question de la « dette » et la nécessité de « faire des économies ».
La Nupes ne se fait pas « d’illusion », LR et RN veulent un référendum sur « l’immigration »
A gauche, les partis membres de la Nupes disent ne pas se faire « d’illusion ». « Nous sommes désormais habitués à vos opérations de communication sans lendemain et sans effet. Vous avez déjà enterré les conclusions du Grand débat comme l’essentiel des recommandations de la Convention citoyenne sur le climat. Nous ne voulons pas participer à nouveau à une mise en scène médiatique », dénoncent-ils dans un communiqué commun, justifiant ainsi leur absence au dîner. Pour la gauche, les enjeux portent sur le « salaire », les « défis écologiques » ou « l’autonomie des personnes âgées ». Alors qu’Emmanuel Macron n’a pas exclu de recourir au référendum – l’idée était dans les tuyaux déjà lors du précédent quinquennat – la gauche a bien une idée en tête : un référendum sur les retraites. On connaît déjà la réponse de l’exécutif…
A droite, le patron des LR, Eric Ciotti, compte bien proposer l’idée d’un référendum, mais « sur l’immigration », avec une « réforme constitutionnelle », sur laquelle les LR ont planché au début de l’été. « Je lui dirai que nous ne voulons plus aucun droit pour les clandestins », a-t-il lancé dimanche, pour la rentrée politique de son parti. Sans surprise, le président du parti de droite entend parler aussi « autorité », sans oublier une baisse d’impôt pour les Français.
Au RN, pour le pouvoir d’achat, le président du parti, Jordan Bardella, souhaite dans un courrier envoyé au chef de l’Etat « la baisse des factures énergétiques et des prix du carburant », ou encore la « défiscalisation des hausses de salaires jusqu’au 10 % ». Le parti d’extrême droite demande également un référendum sur l’immigration, le jour des européennes.
« Jusqu’au bout de la nuit »
Si Emmanuel Macron n’a pas exclu un référendum, reste à savoir sur quelle question… ou questions ? Olivier Véran, porte-parole du gouvernement et ministre chargé du Renouveau de la vie démocratique, a évoqué sur BFMTV l’idée d’un « préférendum ». Le principe serait d’interroger les Français sur plusieurs sujets le même jour. Mais pas comme les votations suisses, non autorisées par le droit français. « Ce qui est constitutionnellement possible, c’est de faire plusieurs référendums le même jour. Par exemple, trois questions, avec oui/non. Ce serait l’équivalent de trois votes le même jour », précise-t-on du côté du gouvernement.
Avant d’en arriver là, il faudra voir s’il ressort quelque chose de probant de la réunion de Saint-Denis. « Ils vont peut-être parler jusqu’au bout de la nuit », plaisante un conseiller. Pas évident. Comme depuis le début du quinquennat, les éventuelles majorités de projet seront plus à chercher du côté des LR ou des centristes. Et encore, ce n’est pas gagné, notamment sur l’immigration. « Quand je lis ce que je lis et que j’entends ce que j’entends, j’ai raison de penser ce que je pense… », sourit un élu, qui ne s’attend pas à de grands bouleversements.