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Collectivités : face à l’augmentation des normes, le Sénat propose « une thérapie de choc »
Par Henri Clavier
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2 milliards d’euros entre 2017 et 2021, voici le montant, selon le rapport, des dépenses entraînées par l’adaptation des collectivités territoriales aux nouvelles normes juridiques. Un serpent de mer pour les collectivités territoriales qui se plaignent du nombre croissant de normes auxquelles elles sont assujetties. Le Code général des collectivités territoriales (CGCT) a ainsi triplé de volume entre 2002 et 2022 pour atteindre le million de mots aujourd’hui. Le code de l’urbanisme a lui aussi connu une augmentation soutenue (+44 %) du nombre de mots lors des dix dernières années. Face à ce constat, les auteurs du rapport rappellent que « La norme a vocation à donner un cadre d’action aux politiques publiques locales, certainement pas à étouffer les initiatives locales. La norme doit permettre et non entraver. »
Les auteurs du rapport, Françoise Gatel, sénatrice centriste d’Ille-et-Vilaine, et Rémy Pointereau, sénateur LR du Cher identifient plusieurs facteurs responsables de ce phénomène. En premier lieu, Rémy Pointereau regrette un recours massif à la « norme magique » à savoir la présentation d’une loi dans le but de contenter l’opinion publique. La surtransposition des normes européennes, c’est-à-dire l’ajout de dispositions dépassant les objectifs posés par la directive, contribue largement à ce phénomène. En janvier 2016, le Sénat avait pourtant voté, à l’initiative de Rémy Pointereau, une proposition de loi fixant le principe d’interdiction de la surtransposition des textes européens sans que l’Assemblée nationale ne donne suite. De son côté, Françoise Gatel évoquait, en juillet 2022, « les décrets d’application quasi kafkaïens, qui déforment l’esprit de la loi, nous conduisent collectivement dans une impasse. »
L’entrée en vigueur en 2009 d’une loi organique imposant de joindre une étude d’impact, pour définir les objectifs et les solutions non-législatives envisageables, n’a pas permis d’endiguer l’inflation normative.
La nécessité d’un meilleur contrôle a priori
Au travers des recommandations formulées, le rapport insiste sur la nécessité d’une meilleure collaboration entre l’exécutif, le Parlement et les collectivités territoriales. Face à l’inefficacité des études d’impact, devenues des « plaidoyers pro domo », le rapport préconise de renforcer la sincérité des études d’impact en les faisant certifier par le Conseil National d’évaluation des normes (CNEN).
L’objectif est de faire du CNEN, chargé d’évaluer l’impact technique et financier des normes applicables aux collectivités territoriales, un véritable garant de l’utilité de la norme. D’une part, en augmentant les moyens humains et financiers à sa disposition. D’autre part, en contraignant le gouvernement à présenter une « étude d’options » au CNEN afin d’évaluer la pertinence du projet de loi.
Les auteurs du rapport souhaitent également que le gouvernement présente, à chaque début de session, les principales mesures législatives et réglementaires relatives aux collectivités territoriales afin d’évaluer leur pertinence. Le Sénat entend jouer un rôle de veille et d’alerte en amont du dépôt d’un projet de loi afin de remplir « son rôle de gardien vigilant du processus de fabrique des réformes impactant les collectivités territoriales. » La chambre haute cherche donc à renforcer la concertation et organisera les États généraux de la Simplification le 16 mars 2023.
« Chaque loi territoriale devrait prévoir, pour ses dispositions les plus importantes, des clauses de réexamen »
Au-delà de la prévention et de l’anticipation, la possibilité d’introduire des clauses de réexamen ou des clauses dites « guillotines » au sein des textes est envisagée par le rapport. Inspirées des « sunset clause » britanniques, les clauses guillotines permettraient, à une certaine échéance, d’évaluer le texte au regard des objectifs initialement fixés. En cas d’incapacité à améliorer l’action publique, la loi peut faire l’objet d’une modification substantielle voire d’une suppression.
Le rapport pointe la nécessité d’introduire un contrôle a posteriori des normes et de transformer la culture française en la matière, « Ces démarches évaluatives demeurent encore trop rares en France en comparaison des pratiques de certains de nos voisins tels que les Pays-Bas ou l’Allemagne. »