La grande clarification voulue par Emmanuel Macron aura-t-elle lieu ? Le soir du 9 juin, après le résultat des élections européennes, le Président de la République dissout l’Assemblée nationale suite à la défaite de son camp. Pratiquement un mois après le second tour des élections législatives, aucune coalition suffisamment forte pour gouverner ne semble se dégager.
Dans une lettre adressée aux Français le 10 juillet, le chef de l’Etat affirme que « personne ne l’a emporté ». Il ajoutait également vouloir attendre la formation de la nouvelle Assemblée avant de nommer un Premier ministre. Depuis, la situation n’a pas évolué et en pleine « trêve olympique », le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal pourrait rester à l’hôtel de Matignon quelques semaines encore. Avec 11 groupes politiques, l’Assemblée paraît plus divisée que jamais. Par ailleurs, le Rassemblement National (RN) et ses alliés (144 sièges) ont annoncé qu’ils ne participeraient à aucune coalition.
Une coalition entre LR et le bloc central, insuffisante pour assurer une majorité absolue
À l’occasion de l’élection de la présidente de l’Assemblée nationale LR et les différents groupes du bloc central (Ensemble pour la République, Démocrate, et Horizons) se sont accordés pour reconduire Yaël Braun-Pivet au perchoir. Alors que la droite compte 47 sièges, les soutiens du Président de la République disposent de 166 élus, soit 213 en tout. Assez pour devenir la première force politique à l’Assemblée, mais insuffisant pour écarter l’adoption d’une motion de censure. Pour rappel, il faut impérativement obtenir la majorité absolue des députés, soit 289 voix, pour faire adopter une motion de censure.
Alors que le nom de Xavier Bertrand circule pour Matignon, les parlementaires LR rejettent, pour l’instant, l’idée d’une coalition. Dans une conférence de presse, Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau, respectivement président de groupe à l’Assemblée nationale et au Sénat, ont présenté un « pacte législatif », sorte de boussole pour la législature. Si Laurent Wauquiez ne voulait, initialement, « ni coalition, ni compromission », la reprise de certaines mesures du pacte pourrait infléchir la position de LR. Certains, au Sénat notamment, ne cachent pas leur envie de voir cette option aboutir, surtout à l’approche d’échéances aussi importantes que le vote de la loi de finances. Considérant que la droite l’a emportée, Gérald Darmanin plaide pour un rapprochement avec LR, même si l’idée suscite encore des doutes dans son camp.
Un attelage LR / bloc central pourrait tout de même se heurter à un écueil de taille, le vote d’une motion de censure. Pour rappel, 58 députés suffisent pour déposer une motion de censure. En cas de vote d’une motion de censure déposée par le Nouveau Front Populaire (NFP), le RN pourrait, comme il l’a systématiquement fait durant la précédente législature, voter la censure du gouvernement. Autre hypothèse, le RN s’abstient de voter la censure et un gouvernement très minoritaire, avec une marge de manœuvre extrêmement faible, arrive à se maintenir.
L’hypothèse de la « grande coalition »
Dès la dissolution, plusieurs ténors de l’ex-majorité ont appelé à une « grande coalition ». Souhaitée par Edouard Philippe ou François Bayrou, celle-ci pourrait aller « de la gauche hors LFI à la droite hors RN ». Cet « arc républicain » regroupe 361 députés, un total supérieur aux 289 nécessaires pour s’assurer une majorité absolue. Seul bémol, aucune force politique ne semble ouverte à cette formule hormis une partie du bloc central. « Les coalitions ne se font pas entre partis diamétralement opposés », expliquait pour Public Sénat l’historien Christophe Bellon, spécialiste des coalitions parlementaires. « Mettez Edouard Philippe, Laurent Wauquiez, Sandrine Rousseau et le Parti Communiste dans un même gouvernement et faites leur voter un budget : ça risque d’être rigolo », ironisait Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’Université Paris Panthéon Assas, sur Public Sénat ce 4 juillet.
L’option la plus crédible serait alors de s’assurer le soutien du Parti socialiste, en proie à des divisions internes sur la pérennité du NFP. La présidente de la région Occitanie, Carole Delga déclarait d’ailleurs vouloir former une « coalition élargie ». Mais voilà, avec 279 sièges la barre des 289 députés ne serait pas franchie par une coalition réunissant le bloc central, les socialistes et LR. La présidente de la région Occitanie, Carole Delga déclarait d’ailleurs vouloir former une « coalition élargie ». Dans ce cas de figure, des soutiens pourraient être trouvés au sein du groupe LIOT (22 députés) où siège notamment l’ex-sénatrice Valérie Létard membre de l’UDI. Néanmoins, c’est le groupe LIOT qui avait déposé la motion de censure qui avait failli – à 9 voix près – renverser le gouvernement d’Elisabeth Borne au moment de la réforme des retraites.
Le NFP, première force, mais sans possibilité d’élargissement
Enfin le NFP avec ses 193 députés est arrivé en tête des élections législatives au soir du second tour. Dès l’annonce des résultats, la gauche a revendiqué la victoire et Matignon. Les différentes composantes du NFP ont ensuite proposé le nom de Lucie Castets pour le poste mais n’ont pas élargi leur assise politique. Sans soutien, le NFP s’expose à l’adoption d’une motion de censure dans les heures suivant la nomination d’une Première ministre issue de leurs rangs. Et, même s’il arrivait à former un gouvernement minoritaire, le NFP aurait de grandes difficultés à mettre en œuvre son programme, même par décret. Or La France insoumise, forte de 72 députés, a répété plusieurs fois sa volonté d’appliquer « tout le programme, rien que le programme » et refuse de nouer des alliances avec le bloc central.
Dans ce contexte, l’hypothèse d’un « gouvernement technique » pourrait faire son retour, au moins pour faire adopter un budget. Mais une fois de plus, difficile de trouver un nom capable de faire la synthèse entre des forces politiques concurrentes qui ne manqueront pas de préparer l’élection présidentielle de 2027.