La Commission européenne devrait pouvoir entrer en fonction dès le 1er décembre après l’accord entre les trois principaux partis européens sur le collège des commissaires. Un accord qui illustre la place centrale de la droite européenne, prête à s’allier avec l’extrême droite.
Chine /Russie : « C’est impossible d’imaginer Xi Jinping dans un rôle de médiateur » dans la guerre en Ukraine
Par Henri Clavier
Publié le
Alors que la Chine a proposé, ce matin, un plan de « règlement politique de la crise ukrainienne », le président Ukrainien, Volodymyr Zelensky a estimé qu’il était indispensable de « travailler » avec la Chine pour résoudre le conflit. En parallèle, les puissances occidentales s’organisent pour renforcer les sanctions contre la Russie.
Entretien avec Marie Holzman, sinologue spécialiste de la Chine contemporaine.
Quels rapports entretiennent aujourd’hui la Chine et la Russie, un an après le début de la guerre en Ukraine ?
La relation entre la Chine et la Russie n’a pas énormément évolué. A la veille des JO d’hiver 2022, organisés en Chine à Pékin, Xi Jinping affirmait que la relation entre les deux pays était une relation « d’amitié indéfectible ». La guerre en Ukraine n’a pas spécialement perturbé la relation entre les deux pays, il n’y a pas eu de dégradation pourtant on ne peut pas vraiment parler d’une amitié de cœur.
L’historique entre ces deux États est très lourd. Les chinois ont des griefs à l’égard des Russes, notamment durant la période des Tsars mais aussi durant la période stalinienne. Rappelons qu’il y a eu un conflit entre les deux puissances en 1969. Ce sont deux anciens empires qui se sont opposés et continuent d’être prudents dans leurs relations. Il y a, en Chine, une vraie méfiance à l’égard de la Russie.
Si l’»amitié indéfectible » dont parle Xi Jinping est davantage une alliance de raison, quel est le fondement de cette alliance ?
La principale raison de l’alliance c’est évidemment la volonté de former un front anti occidental. La Chine se pose en défenseur des pays en développement face à ce qu’elle appelle l’impérialisme et les valeurs occidentales. C’est un point qui a toujours été très clair depuis l’arrivée de Xi Jinping au pouvoir. En Chine, il est interdit de parler de constitutionnalisme, de valeurs universelles, d’Etat de droit ou de droits humains, soit tout ce qui consiste l’épine dorsale des valeurs occidentales ! Il s’agit aussi d’un moyen d’étendre l’influence chinoise, de s’adresser aux pays délaissés par le bloc occidental et leur dire, « il existe un autre modèle de développement que celui prôné par les Européens et les Américains ».
Poutine, même s' il est plus vulgaire que Xi Jinping dans ses propos, s’inscrit exactement dans la même logique.
Dans ce contexte, et compte tenu des intérêts partagés avec la Russie, est-ce que la Chine pourrait livrer des armes à la Russie comme le dit Antony Blinken ?
En ce qui concerne le commerce d’armes, tous les pays le font, donc si la Chine peut continuer de vendre aux Russes ils continueront à le faire, c’est dans son ADN. La Chine a aidé beaucoup de pays comme le Pakistan ou l’Iran dans le développement de leurs programmes nucléaires militaires.
En revanche, il me semble qu’Antony Blinken a été plutôt maladroit, quand on dit « je pense » dans un contexte pareil, ce n’est pas bon. Tout le monde sait que les Chinois vendent des armes, il n’y a pas de doute. Il a certainement fait cette déclaration pour réveiller les Européens, pour les stimuler et ne pas laisser penser que la Chine serait en mesure de jouer les intermédiaires avec la Russie.
Existe-t-il alors, une possibilité pour que la Chine intensifie ses livraisons comme l’ont fait les alliés de l’Ukraine avec la livraison de chars et d’avions de chasse ?
Les Chinois vont continuer à vendre des armes à la Russie, mais il est peu probable que la Chine intensifie son soutien matériel en fournissant des avions de chasse ou des tanks. La Chine s’en tient à sa doctrine de non-intervention dans les conflits étrangers, c’est à la fois un discours et une réalité.
Par ailleurs, les Chinois sont très embêtés de voir ce que Poutine est en train de faire. Xi Jinping est conscient que cette alliance ne dégage pas une bonne image, la Russie n’inspire pas la confiance. Les Chinois réfléchissent beaucoup plus loin, ils ne veulent pas perdre leur relation avec la Russie mais ne veulent pas non plus mettre en jeu les relations commerciales qu’ils ont avec la plupart des pays européens. Ils savent que si le soutien va trop loin, les Etats-Unis mettront des sanctions et que l' Union européenne sera obligée de suivre ; ce n’est pas un scénario souhaitable pour la stratégie de la Chine.
Ou alors il faudrait que les Chinois soient convaincus que les Russes sont sur le point de gagner la guerre, mais personne n’en est convaincu actuellement et donc les Chinois ne prendront pas de risques.
A l’inverse, la Chine ne pourrait-elle pas avoir un rôle de médiateur et participer à la résolution du conflit ? En infléchissant la position de Poutine par exemple ?
Ça ne tient pas debout ! C’est impossible d’imaginer Xi Jinping dans un rôle de médiateur alors qu’il souhaite créer un nouvel ordre mondial, un ordre mondial où la démocratie n’est pas le modèle, donc il n’a pas intérêt à jouer les entremetteurs. Dans ce contexte, il est évident qu’il va continuer un soutien discret à la Russie plutôt que de chercher à résoudre le conflit. Il n’y a que les Européens pour croire que le dialogue avec Poutine peut aboutir.
En revanche, là ou l’attitude de la Chine est plus ambiguë c’est par rapport à l’Ukraine. Avant la guerre, la République populaire entretenait d’excellentes relations avec l’Ukraine. La Chine a besoin des importations de céréales ukrainiennes..
Est-ce que ces difficultés, en matière d’importations de céréales par exemple, peuvent raviver les tensions internes en Chine ? De manière générale, est-ce que la situation interne influence la politique étrangère chinoise ?
J’ai l’impression que les deux sont quand même assez clairement séparés. Concernant les manifestations récentes, les contestations ont commencé à cause du système de santé qui s’est effondré. Les médicaments sont excessivement chers et le mode de remboursement ne fonctionne pas. Les Chinois ne manifestent et ne descendent dans la rue que quand ils sont acculés.,
L’opinion publique chinoise n’est pas, pour autant, insensible aux questions de politique extérieure mais cette sensibilité s’inscrit plutôt dans la défense de l’ultra nationalisme chinois.
Enfin, est-ce que la résistance ukrainienne peut freiner certaines velléités chinoises d’expansion, à Taïwan par exemple ?
La question se pose peut-être dans l’autre sens. Poutine a observé comment Xi Jinping a écrasé la résistance à Hong Kong. Pékin a réussi à écraser Hong Kong, ils ont arrêté tous les opposants sans que les pays démocratiques ne protestent ! La démocratie de Hong Kong a été écrasée en l’espace d’une année. Poutine a vu Hong Kong comme son Ukraine, le discours de la Russie à l’égard de l’Ukraine est assez proche de celui développé par Pékin contre Hong Kong.
En ce qui concerne Taïwan, Xi Jinping souhaite prendre possession de l’île. Mais Taïwan n’a jamais appartenu à la Chine communiste, pour l’instant les Taïwanais restent relativement sereins, ils arrivent à garder leurs nerfs et comptent sur le soutien des Etats-Unis.
Mais, militairement la Chine progresse vite, une invasion de Taïwan ne semble pas envisageable, pour le régime communiste, avant 2026.