La Commission européenne devrait pouvoir entrer en fonction dès le 1er décembre après l’accord entre les trois principaux partis européens sur le collège des commissaires. Un accord qui illustre la place centrale de la droite européenne, prête à s’allier avec l’extrême droite.
Chez les LR, la crise déclenchée par Eric Ciotti se poursuit sur le terrain judiciaire
Par François Vignal
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« Ceci n’est pas un bureau politique ». C’est en substance ce que répète depuis mercredi celui qui revendique toujours être le président des Républicains. On ne savait pas Eric Ciotti amateur de surréalisme et du peintre René Magritte. S’il est difficile de sonder la nature profonde des LR en ce moment, la situation invraisemblable dans laquelle les LR sont plongés, après l’appel d’Eric Ciotti à faire alliance avec le RN, va les ramener à des réalités bien concrètes, sur le plan judiciaire. Et ici, point de Cocoe pour régler les choses en interne.
Suite à la décision prise unilatéralement par le député des Alpes-Maritimes de franchir le Rubicon, les derniers chapeaux à plume des LR ont fait corps pour dire « non » à tout accord avec l’extrême droite pour les législatives. Ils ont donc convoqué un bureau politique mercredi qui a décidé de l’exclusion d’Eric Ciotti.
Que disent les statuts des LR ?
Fin de l’histoire ? Pas tout à fait. Ce dernier est du genre coriace et ne se laisse évidemment pas faire. Dès hier, il a dénoncé par communiqué « les décisions illégales de la réunion convoquée ce jour », qui a « été mise en œuvre en violation flagrante de nos statuts », auxquels il renvoie.
Les statuts disent à l’article 24 que « le bureau politique se réunit sur convocation du président du mouvement, qui fixe son ordre du jour, ou à l’initiative d’un quart des membres du conseil national, sur un ordre du jour déterminé, dans les conditions fixées par le Règlement intérieur ». Ce dernier précise que « le bureau politique peut être réuni, sur un ordre du jour déterminé, sur demande écrite d’un quart des membres du conseil national adressée au président du mouvement ».
A leur lecture, le statut et le règlement semblent donc, au premier abord, plutôt du côté d’Eric Ciotti, qui légalement, était encore président des LR après le bureau politique de la veille.
« Le coup de force, ce sont ceux qui ne respectent pas les statuts » selon Eric Ciotti
Rare responsable à suivre Eric Ciotti dans son aventure solitaire, Guilhem Carayon, président des Jeunes républicains, relaie le message. « Il a été exclu par un bureau politique qui n’avait aucune valeur juridique. En fait, c’est le président des Républicains qui convoque un bureau politique, et vous vous doutez qu’il n’a pas convoqué un bureau politique pour l’exclure », avance sur Europe 1 Guilhem Carayon, selon qui la marque LR « appartient au président des Républicains, ça paraît logique ».
Ce matin, celui qui avait fait fermer le siège du parti la veille, n’en démordait pas. « Je suis président du parti. Le coup de force, ce sont ceux qui ne respectent pas les statuts. Il n’y a pas eu de bureau politique hier. C’est une réunion de personnes qui se sont réunies en dehors de tout cadre. D’ailleurs, le tribunal judiciaire de Paris, en ce moment même, est saisi par référé pour contester la validité de cette décision qui n’a aucun sens », a annoncé Eric Ciotti, lançant le premier la bataille sur le terrain judiciaire. Ce recours sera examiné ce vendredi matin, à 11 heures. En attendant, l’élu des Alpes-Maritimes a pu montrer dans une vidéo son beau bureau blanc. Comprendre, j’y suis, j’y reste.
« La fin est proche »
Mais les anti-Ciotti n’en ont pas fini non plus avec le Niçois. En fin de matinée, on apprend par les LR-canal historique qu’un nouveau bureau politique est convoqué en visio « pour valider l’exclusion de Messieurs Ciotti et Carayon ». « La fin est proche », conclut l’annonce. Précision utile : cette fois, les choses sont faites en respectant les formes.
« Nous avons très largement recueilli plus du quart des signatures des conseillers nationaux LR qui maillent le territoire national, démontrant que les cadres, les militants et les adhérents ne cautionnent pas un accord avec le RN », précise le communiqué. Ce « BP » est prévu en fin de journée, à 18h30. Soit avant le référé de demain… « C’est une nouvelle procédure totalement illégale », a réagi auprès des journalistes Eric Ciotti.
Exclusion d’Eric Ciotti : « Hier, c’était le temps politique, là, on entre dans un temps juridique »
Comment comprendre ce qui pourrait paraître comme une forme de cafouillage, ou plutôt de précipitation, d’un bureau politique convoqué un peu vite, la veille ? Du côté des LR opposés à la ligne Ciotti, on explique que « c’est en deux temps. Hier, c’était le temps politique, où les choses ont été faites rapidement pour envoyer un signal politique. Là, on entre dans un temps juridique, où de façon juridique, la décision va être prise ». « Il faut le quart du conseil national et l’idée que le président peut venir se défendre », ajoute-t-on. « Si on a enclenché dès hier la collecte d’au moins un quart du Conseil national, c’était bien en prévision de cela, pour nous donner de meilleure chance d’affronter la procédure », confie un cadre des LR. Histoire d’être bien dans les clous de l’article 24 des statuts du parti.
L’article 5 du règlement stipule par ailleurs que « les sanctions à l’égard des adhérents sont prononcées à l’issue d’une procédure contradictoire dans le cadre de laquelle le dossier est communiqué à l’intéressé qui peut demander à être entendu ». Or Eric Ciotti, bien que président, n’en reste pas moins aussi un simple adhérent. Il est aussi précisé que « la décision de sanction est notifiée à l’intéressé par lettre recommandée avec accusé de réception ».
« Un président d’association ne peut pas prendre des décisions importantes, seul dans son coin »
Du côté des LR anti-Ciotti, on prépare quelques arguments juridiques. Ils sont prêts, eux aussi, à porter l’affaire devant le tribunal judiciaire. On rappelle déjà qu’un parti politique répond au statut des associations de type loi de 1901. « Or il y a des principes dans une association. D’abord, une décision doit être collégiale, c’est un principe général. Or là, elle ne l’a pas été. On ne peut pas prendre une décision comme ça sans avoir l’accord des instances dirigeantes du parti. Un président d’association ne peut pas prendre des décisions importantes, seul dans son coin », fait valoir une source LR, qui suit de près les événements. « Et à l’instant où il est exclu, pour cette raison, peut-il encore être président, s’il n’est plus membre des LR ? La réponse est certainement non. Ce sont deux choses qui seront plaidées », explique-t-on.
Chez les LR, pour répondre aux arguments d’Eric Ciotti, on ajoute que « lorsque les sanctions portent sur le Président lui-même, ce n’est pas à lui de convoquer le bureau. On considère qu’il est dans un état d’empêchement, prévu par les statuts ». L’article 25 explique qu’« en cas d’empêchement, le président du mouvement est remplacé par le vice-président délégué », sans préciser ce qu’est considéré comme un empêchement. Ici, l’empêchement serait « le fait de ne plus être membre des LR », soutient-on.
Si Eric Ciotti investit des candidats avec l’étiquette LR/RN, « ce sera attaqué juridiquement et je ne vois pas comment il peut gagner »
Une autre question sensible pourrait se jouer sur le plan judiciaire : celui des investitures. Eric Ciotti a déjà annoncé que 80 candidats seront investis avec l’étiquette LR/RN, dans le cadre de l’alliance. Mais peu de précisions sortent pour l’heure sur les noms.
Chez les opposants à Ciotti, on fait remarquer que la Commission nationale d’investiture (CNI), dont Eric Ciotti conteste aussi la valeur juridique s’il ne la convoque pas, « est une organisation un peu indépendante du Président. Elle est constituée d’un tas de chapeaux à plume, puis prend une décision validée par le bureau politique et le Conseil national. C’est une procédure qui se passe du président, il est juste membre de la CNI ».
Sur ce plan, les anti-Ciotti sont prêts à dégainer également. « Il va investir de son côté des candidats et mettre des logos LR/RN. Mais ça, juridiquement, ce sera attaqué et je ne vois pas comment il peut gagner », soutient un LR, qui pense avoir le droit pour lui :
En cas de bataille sur les investitures, « ça peut être jugé en référé, c’est-à-dire en urgence, au regard de la proximité de l’élection. Et cette procédure pourrait aboutir ». En effet, le temps presse : les candidats doivent déposer leurs candidatures d’ici dimanche soir. Interrogé par la presse sur l’étiquette portée par ses candidats, Eric Ciotti a cependant laissé planer un certain flou, répondant « celle de la droite républicaine, de ma famille politique ».
« Dès lors qu’il est exclu comme président, les clefs du coffre sont données à la direction temporaire »
La question de savoir qui aura l’investiture officielle des LR et pourra mettre le logo du parti sur son affiche n’est pas que politique. Elle est aussi financière. Car une part du financement public des partis, par l’Etat, dépend du nombre de candidats présentés par ce parti lors des législatives. Une autre part dépend du rattachement à un parti politique que choisi chaque parlementaire, une fois élu.
Et quid de la trésorerie actuelle ? « Dès lors qu’il est exclu comme président, les clefs du coffre sont données à la direction temporaire », soutient-on dans l’entourage d’un poids lourd du parti.
« C’est une énorme escroquerie, ce qu’a fait Eric Ciotti, car c’est une coquille vide », selon la sénatrice Agnès Evren
Il faudra voir combien de députés et d’élus pro Ciotti le suivent réellement. Selon la sénatrice LR de Paris, Agnès Evren, ils seraient très peu. « Aujourd’hui, Eric Ciotti a été exclu du parti, il ne peut plus parler au nom des LR », commence l’élu du XVe arrondissement au micro de Public Sénat (voir vidéo ci-dessous), avant d’ajouter que « c’est une énorme escroquerie, ce qu’a fait Eric Ciotti, car c’est une coquille vide. Il n’y a qu’une seule députée (avec lui). Il y a 48 heures, il nous disait qu’il y aurait des dizaines de députés, finalement, il n’y en a qu’une seule. En fait, le RN s’est fait totalement enfumer par Eric Ciotti. Aujourd’hui, il arrive sans troupe, c’est une coquille vide. Il a passé son temps à appeler d’anciens députés (…) et beaucoup ont refusé », soutient Agnès Evren. La corbeille de la mariée est peut-être un peu vide.
Pour remplacer Eric Ciotti à la tête des LR, Laurent Wauquiez pourrait « y aller »
Beaucoup dépendra de la décision du tribunal demain matin. Si l’exclusion est invalidée, les LR s’enfonceront un peu plus dans cette nouvelle crise. Si elle est bien validée, une autre question se posera rapidement : qui pour remplacer Eric Ciotti ? Si Bruno Retailleau, candidat malheureux face au député fin 2022, ne devrait pas y retourner, on souffle que Laurent Wauquiez, qui a décidé de reprendre la lumière et qui sera candidat aux législatives en Haute-Loire, pourrait cette fois « y aller ». Eric Ciotti était censé lui chauffer la place, en vue de ses ambitions présidentielles pour 2027. Prendre le parti, comme l’a fait par le passé un certain Nicolas Sarkozy, lui faciliterait les choses. Mais chez les LR, on n’est jamais à l’abri de quelques surprises.
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