Candidate LREM voilée sur une affiche électorale : Guerini menace, fracture son parti puis s’excuse

Candidate LREM voilée sur une affiche électorale : Guerini menace, fracture son parti puis s’excuse

Le port d’un voile sur une affiche électorale, par une candidate LREM aux élections départementales dans l’Hérault, a mis le feu mardi au sein de la formation politique au pouvoir, entre condamnation par son patron Stanislas Guérini et soutien de plusieurs députés.
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Comme souvent désormais en politique, la polémique est née sur Twitter. Plus précisément d’un « retweet » (partage) : le patron des Marcheurs, Stanislas Guerini, a relayé un tweet lundi du numéro deux du Rassemblement national, Jordan Bardella, dénonçant la photo d’un tract où l’on voit Sara Zemmahi, candidate suppléante LREM aux élections départementales aux côtés de trois colistiers dans un canton de Montpellier. Celle-ci porte un voile. « C’est cela la lutte contre le séparatisme ? », demande Jordan Bardella dans son tweet à la ministre LREM Marlène Schiappa. Le délégué général de LREM lui a répondu en adressant un « ultimatum » à sa candidate : « Les valeurs portées par LREM ne sont pas compatibles avec le port ostentatoire de signes religieux sur un document de campagne électorale. Soit ces candidats changent leur photo, soit LREM leur retirera leur soutien. »

Ce mardi matin, Stanislas Guérini a reçu le soutien du porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, sur France Inter : « Ce qu’a dit Stanislas Guerini, c’est que pour la République en marche, effectivement, on ne souhaite pas présenter de candidats qui s’affichent sur des documents officiels de campagne avec un signe ostensible religieux, c’est une question de choix politique », a plaidé le secrétaire d’Etat, même s’il a précisé que « juridiquement, rien n’empêche une personne de se présenter à une élection avec un signe religieux, en l’occurrence un voile ».

Résurgence d’une fracture à LREM

Dans la foulée de sa réponse au protégé de Marine Le Pen, Stanislas Guerini a vu fondre sur lui un essaim de députés de la majorité indignés par sa sortie. Pour la députée du Val d’Oise Naïma Moutchou, « écarter cette candidate serait une discrimination ». « Le mépris du droit, c’est l’agenda du RN. Pas le nôtre », a-t-elle ajouté sur Twitter, approuvée par ses collègues Cécile Rilhac et Stella Dupont. Député de la Vienne et membre de l’aile gauche de la majorité, Sacha Houlié a même appelé Stanislas Guerini à « passer la main ». « Il faudra un renouveau » après les scrutins de juin. Le bureau exécutif de LREM, gouvernement du parti, doit être renouvelé en juillet. « Je suis plus Edit de Nantes que nuit de la Saint Barthélémy », a lancé Sacha Houlié lors de la réunion hebdomadaire des députés LREM, soulignant que « relayer le Front national, c’est nier la raison même d’En Marche ». Mea culpa de Guerini, qui a expliqué sur le fond qu’il ne demandait pas une modification du droit. Sur la forme, « avec le recul, je pense que c’était une erreur de répondre à Bardella » et « si certains ont été heurtés, je m’en excuse », a-t-il ajouté, selon des propos rapportés. D’après Libération, l’opportunité d’une réponse à Jordan Bardella lui a été suggérée par la ministre déléguée à la citoyenneté, Marlène Schiappa.

Pour défendre le numéro un de LREM, la députée des Yvelines Aurore Bergé, figure de la majorité en faveur d’une ligne ferme sur la laïcité, a invoqué l’exemple d’une liste du Nouveau Parti Anticapitaliste datant de 2010, dans laquelle apparaissait une femme voilée. Un choix critiqué à l’époque par Martine Aubry et Jean-Luc Mélenchon. Plusieurs cadres marcheurs ont repris cet exemple. Selon un journaliste du Parisien, le patron des députés LREM, Christophe Castaner, a lui aussi soutenu Stanislas Guerini : « Quand on est candidat au nom d’un parti politique, on est un candidat qui rassemble et qui ne doit jamais imposer son choix religieux ».

« Toute l’ambiguïté d’En Marche dans cette affiche »

Les Républicains, accusés par la majorité de lorgner vers le RN depuis le rétropédalage autour d’une alliance LR-LREM en Paca, ont saisi l’occasion pour tacler leurs adversaires. Le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau pointe « toute l’ambiguïté d’En Marche dans cette affiche. On lutte contre le séparatisme dans les mots et dans les faits, on l’encourage… » Sa collègue Valérie Boyer raille : « Alors le président de LREM, après avoir découvert les candidats de son parti sur les réseaux sociaux, exige le retrait de… la photo pour signe religieux ostentatoire. Mais chut sur la division du monde entre femmes pudiques et impudiques. » Sénateur LR de l’Hérault, Jean-Pierre Grand en profite pour cibler le candidat LREM local aux élections régionales : « Julien Miro soutient sans état d’âme cette équipe pour glaner quelques voix. Ce Miro, une vraie machine à fabriquer des voix RN.

Sans surprise, à gauche, les sénateurs accusent le patron des Marcheurs de faire la courte échelle au RN. « Misère de la politique : quand le numéro 1 de LREM reprend à son compte les propos du numéro 2 du FN ! », fustige la socialiste Marie-Pierre de la Gontrie. Opinion partagée par son collègue, David Assouline. Le rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité, Nicolas Cadène estime, lui, que « le RN pervertit la laïcité, principe de concorde dont il ignore à la fois la philosophie, le droit et l’histoire » et « il ne faut pas céder » aux « pièges » qu’il « tend », a-t-il plaidé sur Twitter. Il a rappelé que « ni la jurisprudence, ni la loi » n’interdisent aux élus de manifester leurs croyances religieuses.

Du côté du groupe RDPI (LREM), le sénateur Julien Bargeton a partagé le tweet polémique de Stanislas Guérini. Néanmoins, du côté des tenants de l’aile gauche, on observe un silence gêné. Dans l’Hérault, les candidats LREM sont quant à eux surpris par ce qui n’était « pas un sujet » pour eux, et campent sur leur position. « On respecte la loi, rien que la loi », a déclaré à BFMTV un des co-listiers, Mahfoud Benali. « On ira jusqu’au bout, avec ou sans étiquette » en « soutenant le président », selon Hélène Ovistgaard, autre colistière, d’après qui « Stanislas Guerini n’est pas au-dessus du Conseil d’Etat », qui avait jugé la présence d’une candidate voilée conforme au principe de laïcité. Le port du voile est l’un des principaux points d’achoppement du projet de loi Séparatisme. Députés et sénateurs ne sont pas d’accord sur l’interdiction du port du voile pour les accompagnatrices scolaires, (votée par les sénateurs). Une commission mixte paritaire doit trancher mercredi à 17 heures.

 

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