La Commission européenne devrait pouvoir entrer en fonction dès le 1er décembre après l’accord entre les trois principaux partis européens sur le collège des commissaires. Un accord qui illustre la place centrale de la droite européenne, prête à s’allier avec l’extrême droite.
Cafouillages à l’Assemblée nationale pour l’attribution des postes clés
Par Romain David
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Près de deux semaines après le second tour des législatives anticipées, la mise en place de la nouvelle Assemblée nationale patine, traversée de soubresauts inattendus. Situation rarissime au Palais Bourbon : ce vendredi 19 juillet, le premier tour de scrutin pour l’élection des six vice-présidents de l’Assemblée nationale a été annulé pour irrégularités.
« À l’issue du dépouillement, il est apparu que dix enveloppes en trop avaient été disposées dans les urnes », a indiqué Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée nationale vers 17h30. Depuis 15 heures, les députés votent pour la mise en place du Bureau, l’instance qui dirige la Chambre basse. Cette opération est scrutée de près en l’absence de majorité claire, chacun des trois blocs arrivés en tête le 7 juillet espérant imposer ses candidats.
À l’issue de ce premier tour, il s’est trouvé dans les urnes utilisées par les 577 députés pour voter un nombre de voix supérieur au nombre d’élus ayant participé au scrutin. « Conformément à la position unanime des scrutateurs que j’ai consultés, nous allons devoir refaire le scrutin dans la mesure où les résultats aboutissaient à de trop faibles écarts », a déclaré Yaël Braun-Pivet.
Par ailleurs, il est également apparu sur les bulletins imprimés par le RN, pour faire voter les parlementaires du groupe, une confusion entre Xavier Breton, député LR de l’Ain, candidat à la vice-présidence, et le commissaire européen Thierry Breton. « Une erreur de ce type, quand on fait ça dans l’urgence, ça arrive », a plaidé auprès du Monde Renaud Labaye, secrétaire général du groupe RN.
« C’est la première fois que je vis cela »
Bourrage d’urnes ou simple maladresse ? La nouvelle a généré une certaine stupeur chez les élus. « Je suis scandalisée. Je ne veux pas croire à cette information. Qu’ici, à l’Assemblée nationale, on ait ce genre de pratique, je ne veux pas y croire. Je préfère croire à une erreur et laisser à mes collègues le bénéfice du doute », a réagi Éléonore Caroit, députée des Français établis hors de France (Ensemble pour la République) au micro de LCP.
« Je suis sidéré de ce que j’entends. C’est la première fois que je vis cela, et j’espère que c’est la dernière ! », a également commenté le socialiste Guillaume Garot, élu pour la première fois au Palais Bourbon en 2007.
Quelle place pour le Rassemblement National ?
La mise en place du Bureau de l’Assemblée nationale pourrait se poursuivre jusque tard dans la nuit, voire déborder sur la journée de samedi, théoriquement dévolue à l’élection des présidents des commissions permanentes. Au total, 21 postes sont à pourvoir.
Le Nouveau Front populaire appelle à poursuivre le barrage républicain mis en place au second tour des législatives anticipées, en empêchant les députés du Rassemblement national d’accéder à des postes clés. Les élus du groupe Ensemble pour la République, présidé par Gabriel Attal, ont annoncé qu’ils ne voteraient ni pour les candidats du RN ni pour ceux de LFI. Cette ligne, en revanche, n’était pas celle défendue par les autres formations du camp présidentiel, le MoDem et Horizons, estimant que la composition du Bureau devait refléter les équilibres de l’assemblée élue, conformément à ce que prévoit le règlement intérieur du Palais Bourbon.
C’est d’ailleurs sur la base de ce règlement que le Rassemblement national a annoncé soutenir pour l’élection des vice-présidents, en plus de ses candidats, deux LFI, Clémence Guetté et Nadège Abomangoli, candidates pour le Nouveau Front populaire. Un peu plus tôt dans la journée, sur le réseau social X, Marine Le Pen avait estimé qu’il revenait à son groupe d’obtenir un questeur, deux vice-présidents et deux secrétaires, son parti disposant désormais de 126 députés.
Une direction collégiale
Le Bureau de l’Assemblée nationale est l’organe qui pilote le fonctionnement interne de la Chambre basse. Un peu à la manière d’un comité de direction dans une entreprise, ses membres règlent les délibérations, organisent les différents services du Palais Bourbon et veillent à la bonne application du règlement de l’Assemblée. Le Bureau est également chargé d’examiner la recevabilité financière des propositions de loi. Pour rappel, l’article 40 de la Constitution interdit aux parlementaires de proposer de nouvelles dépenses qui ne seraient pas compensées. Enfin, le Bureau dispose d’un pouvoir disciplinaire : il peut prononcer des sanctions, par exemple à l’encontre d’un ou de plusieurs élus après un incident de séance.
Le Bureau de l’Assemblée nationale se compose de 22 parlementaires : la présidente de l’Assemblée nationale, 6 vice-présidents, 3 questeurs et 12 secrétaires.
Les vice-présidents assistent la présidente de l’Assemblée nationale. Ils peuvent la remplacer au perchoir pour présider les séances. Traditionnellement, le premier vice-président de l’Assemblée nationale est un membre de l’opposition, ce qui n’est pas le cas au Sénat.
Les questeurs, quant à eux, tiennent les cordons de la bourse ; ils pilotent les services financiers et administratifs du Palais Bourbon. Pour filer la métaphore entrepreneuriale, disons que la questure remplit un rôle équivalent à celui des services généraux dans une entreprise : elle assure les conditions matérielles nécessaires au bon fonctionnement des travaux parlementaires mais s’occupe aussi des ressources humaines. Car derrière les 577 députés, c’est une véritable armée de fonctionnaires qui s’active chaque jour pour faire tourner la démocratie parlementaire.
Les secrétaires du Bureau ont principalement pour mission de veiller au bon déroulement des opérations de vote et d’assurer le dépouillement de certains scrutins.
Pas d’accord entre les présidents de groupe
« L’élection des vice‑présidents, des questeurs et des secrétaires a lieu en s’efforçant de reproduire au sein du Bureau la configuration politique de l’Assemblée et de respecter la parité entre les femmes et les hommes », indique le règlement de l’Assemblée nationale. Deux modes de nomination ont été imaginés.
Le premier se fait sur la base d’un accord entre les présidents de groupe. Pour faciliter la répartition des sièges, un système de points a été mis en place ; à chaque poste correspond un nombre de points, tandis que chaque groupe se voit attribuer une banque de points en fonction de son nombre d’élus. Le total des différentes fonctions du Bureau représente 35,5 points. Sur la base de ce total, les groupes peuvent se répartir les postes en fonction du nombre de points dont ils disposent.
Sans surprise, ce système de conciliation n’a pas pu aboutir vendredi matin. Au lendemain de la réélection de Yaël Braun-Pivet au perchoir, la tension entre les chefs de file était palpable. Les élus RN et les députés de gauche ont largement dénoncé le soutien de circonstance accordé par les LR à la députée des Yvelines, mais aussi la participation à ce scrutin des ministres démissionnaires du gouvernement, élus députés aux dernières législatives. Yaël Braun-Pivet a retrouvé la présidence de l’Assemblée nationale avec seulement 13 voix d’avance sur son principal concurrent, le communiste André Chassaigne, pourtant arrivé en tête dès le premier tour de scrutin.
Faute d’accord sur la répartition des postes du Bureau, c’est donc une seconde option qui a été mise en œuvre ce vendredi après-midi : un vote à bulletin secret pour élire les six vice-présidents, trois questeurs et douze secrétaires. Au premier et au deuxième tour de scrutin, sont élus les candidats ayant obtenu la majorité absolue. Au troisième tour, la majorité relative suffit.
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