Réunis à Rennes pour leurs journées parlementaires, députés et sénateurs écologistes dessinent ensemble leurs lignes rouges. Sans abrogation de la réforme des retraites, renforcement du volet environnement du budget et nouvelles mesures de justice fiscale, le nouveau gouvernement risque la censure. Une position qu’ils partagent avec le reste de la gauche, même s’ils reconnaissent des divergences de méthode.
Budget, réforme des retraites : les négociateurs de gauche attendent des actes « concrets » dans les prochains jours
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Depuis lundi, un dialogue dense se noue entre le gouvernement et les groupes socialistes, écologistes et communistes, à l’approche de la reprise de l’examen des textes budgétaires. Les trois familles se sont même retrouvées autour de la même table au ministère de l’Économie et des Finances dans la soirée du 8 janvier. Cette négociation, à laquelle ne participait pas la France insoumise, a provoqué l’ire de Jean-Luc Mélenchon. Le leader des insoumis a dénoncé sur le réseau X une « forfaiture d’un irrespect total » envers l’alliance du Nouveau Front populaire. Sur TF1, ce matin, le patron des socialistes a immédiatement répliqué. « La gauche du tout ou rien, c’est aujourd’hui la gauche du rien. Ce que je veux, c’est arracher des victoires, faire en sorte que la politique conduite depuis sept ans puisse connaître quelques inflexions. »
« Rien de conclusif à ce stade », résume un négociateur socialiste
À moins d’une semaine de la déclaration de politique générale du Premier ministre François Bayrou devant le Parlement, les différentes délégations poussent leurs revendications pour réorienter plusieurs pans des textes budgétaires. Sans garantie de réussite pour le moment. « Rien de conclusif à ce stade, mais la négociation se poursuit », nous confiait ce jeudi l’un des négociateurs du Parti socialiste. « En tout, il y a la volonté exprimée, de part et d’autre, d’aboutir à un accord […] oui ça avance », témoignait ce matin, sur TF1, le premier secrétaire Olivier Faure.
Mercredi soir, une variété de sujets a été abordée lors des échanges, comme le pouvoir d’achat, l’éducation, les collectivités locales. Pas forcément les plus sensibles en vue d’un accord. « Un certain nombre de sujets ont été sortis de la discussion : les retraites, la fiscalité, les politiques salariales, l’objectif de dépenses de santé. Sans surprise, il n’y a pas d’arbitrage, nous ne sommes pas face au Premier ministre », raconte Cécile Cukierman, la présidente des sénateurs communistes.
« J’attends des gestes et un calendrier précis », exprime la sénatrice communiste Cécile Cukierman
Reconnaissant que les ministres « écoutent », la sénatrice se dit néanmoins « dubitative ». « J’attends des gestes et un calendrier précis. » C’est un peu en substance ce que les différents groupes espèrent désormais de la part gouvernement. La question d’une renégociation de la réforme des retraites est au premier plan des exigences à gauche, même si elle n’est évidemment pas la seule.
Déjà lundi, le patron des sénateurs socialistes Patrick Kanner avait salué une « proposition de modification de la réforme de la retraite », à la sortie d’un premier entretien bilatéral à Bercy. En décembre, François Bayrou s’était engagé à rouvrir cette question, avec la perspective de « solutions nouvelles » d’ici septembre. « Nous voulons y substituer une autre réforme […] J’ai compris une chose simple : c’est qu’il n’y a pas de veto, ce qui est déjà un changement en soi », soulignait ce matin Olivier Faure.
L’actuel projet de loi de financement de la Sécurité sociale ne permet pas d’agir sur la réforme des retraites
Comme préalable à la remise à plat de la réforme des retraites de 2023, les socialistes et les écologistes plaident pour une suspension, le temps de rediscuter de tous les paramètres et d’une alternative au relèvement de l’âge légal de départ de deux ans. Face aux écologistes mercredi en fin d’après-midi, au ministère de la Santé et des Solidarités, le gouvernement entrouvre une possibilité de décaler de six mois, de juin à décembre, l’application de la réforme pour les salariés nés en 1963. C’est ce qu’affirme la délégation écologiste. « Les ministres disent qu’ils sont en train de voir ce qu’ils peuvent faire et le coût que cela peut avoir », déclare à Public Sénat le député Sébastien Peytavie (Générations).
Un obstacle de taille se présente toutefois. Le fait de reprendre les débats au Sénat sur le budget de la Sécurité sociale (PLFSS) à travers le texte de la commission mixte paritaire, celui qu’a rejeté l’Assemblée nationale, n’offrira que des possibilités de modification extrêmement réduites. Plus la navette parlementaire d’un projet de loi est avancée, plus les marges de modifications sont étroites, à l’image de l’entonnoir.
Autrement dit, tout moratoire ou modification de la réforme de 2023 nécessiterait de passer par un projet de loi ad hoc. « Le gouvernement montre une volonté d’écoute, mais la réalité c’est que le PLFSS ne le permet pas. Ils ne voient pas trop comment mettre en place la suspension », relaye le député Sébastien Peytavie. « On leur a dit qu’il nous fallait des garanties. On demande un vote au Parlement pour pouvoir suspendre, ce serait un message fort. Catherine Vautrin [ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, ndlr] a dit qu’elle prenait le point. » Un anglicisme qui assure qu’une personne a bien compris le point de vue de son interlocuteur, sans pour autant s’engager.
Menaces de censure
Très engagés sur ce dossier, les socialistes n’ont aucune assurance d’avoir fait bouger les lignes à l’heure actuelle. « La discussion se prolonge, c’est une discussion qui est extrêmement tendue, parce que les enjeux sont des enjeux idéologiques, financiers », notait ce matin Olivier Faure.
Après avoir fait part de ses demandes, les trois anciennes familles de la gauche plurielle attendent François Bayrou au tournant la semaine prochaine. « Comme je l’ai dit à Éric Lombard [le ministre de l’Économie, ndlr], le gouvernement a les moyens d’agir », rappelle Cécile Cukierman.
Les socialistes maintiennent également la pression, en se disant prêts, le cas échéant, à voter la motion de censure que déposeront les Insoumis, si les demandes n’étaient pas satisfaites. « Bien sûr que nous pouvons l’envisager. Tout ce que nous faisons, c’est de voir s’il y a de bonnes raisons de ne pas censurer », a indiqué sur TF1 le député de Seine-et-Marne. La numéro un des écologistes Marine Tondelier, se fait plus insistante : « Pour l’instant, nous n’avions rien de concret, donc nous n’avons, à ce stade, aucune raison de ne pas voter la censure la semaine prochaine », a-t-elle averti à notre micro, depuis les journées parlementaires de son parti.
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