Pour la gauche sénatoriale, le budget 2025 prend une nouvelle dimension. Avec le gouvernement Barnier, les sénateurs de gauche se retrouvent être la seule force d’opposition, maintenant que la majorité sénatoriale LR-Union centriste soutien l’exécutif, aux côtés des macronistes.
« Le débat droite/gauche est redevenu structurant »
« Le débat droite/gauche est redevenu structurant », constate Thomas Dossus, sénateur des Ecologistes (ex-EELV) du Rhône. Ce projet de loi de finances (PLF) est l’occasion pour la gauche se serrer les rangs. « Notre rôle, c’est de ressouder au maximum les différents groupes de la gauche. Cela se fait beaucoup plus facilement que les précédents PLF », explique l’écologiste. Et s’il n’y a pas de NFP au Sénat – on n’y compte aucun sénateur LFI – les amendements présentés à l’Assemblée sont une source d’inspiration pour la gauche sénatoriale.
Concrètement, les groupes PS, écologistes et communistes (CRCE-K) vont présenter « 11 amendements communs », annonce Thomas Dossus. Notamment « une mesure qui rassemble la gauche : le retour de l’ISF, avec un volet climatique ». De quoi rapporter entre 10 et 15 milliards d’euros. Mais aussi une taxe sur les superprofits, le retour de la CVAE (une taxe sur les entreprises supprimée en partie par Emmanuel Macron), une hausse de 1,5 point des DMTO (les frais de notaire), « une vraie taxe sur les transactions financières », le rétablissement de l’exit tax ou encore la majoration du versement mobilité « pour financer les transports de demain ». Une présentation commune aux trois groupes est dans les tuyaux. Il résume : « On travaille avec les groupes PS et communiste pour faire front commun, avec des amendements déposés de manière identique pour montrer qu’un autre budget est possible ».
« L’effort demandé aux collectivités va se répercuter sur les gens »
Mais nous sommes au Sénat. Et à la Haute assemblée, les collectivités ne sont jamais loin, en particulier lors du budget. Alors que la majorité sénatoriale se montre en défenseur des collectivités en voulant réduire de 5 à 2 milliards d’euros l’effort qui leur est demandé (lire notre article pour les détails), les sénateurs écologistes ne se privent pas de signaler que l’effort n’en reste pas moins là. « On est dans une situation inédite. Pour la première fois de son histoire, le Sénat lâche les collectivités territoriales », dénonce Ghislaine Senée, sénatrice des Ecologistes des Yvelines. Si elle reconnaît « une atténuation du fonds de précaution » avec la volonté « d’aplanir la situation », pour la sénatrice, « il faut donner aux collectivités les moyens de pouvoir agir ». Soulignant qu’elle a « le téléphone qui chauffe, même (elle) qui est dans un département plus à droite », Ghislaine Senée insiste :
En ajoutant d’autres mesures qui touchent les collectivités, comme la réduction du fonds vert (-1,5 milliard d’euros) ou les 300 millions d’euros d’économies sur le plan vélo, les écologistes arrivent à un total de 10 milliards d’euros d’effort demandé aux collectivités dans le texte du gouvernement. « Sur les 25 milliards d’économies dans le PLF, 40 % concernent les collectivités », lance Grégory Blanc, sénateur écologiste du Maine-et-Loire.
Pour Ghislaine Senée, « l’effort demandé aux collectivités va se répercuter sur les gens, les plus modestes comme les classes intermédiaires. Et des communes vont augmenter la taxe foncière ». Elle pointe aussi les conséquences d’un fonds de précaution réduit, comme le souhaite la majorité sénatoriale. « Il devait servir à financer les aléas climatiques. Mais si on passe de 3 à 1 milliard d’euros, comment on fait ? » demande la sénatrice des Yvelines. « Et quelle collectivité croit que ce fonds de réserve sera rendu à l’euro près ? » demande-t-elle encore, alors que la majorité a modifié le texte en ce sens. La sénatrice écologiste s’étonne : « Le Sénat intègre qu’il ne faut pas toucher aux recettes. Et accepte le jeu d’aller taper dans les poches des collectivités ». « Il y a un changement de pied de la majorité sénatoriale. La petite musique des collectivités qui auraient aggravé le déficit, la majorité s’y opposait. Mais en corrigeant le fonds, il avalise la théorie du gouvernement que les collectivités sont responsables d’une partie de cette dette », tance à son tour Thomas Dossus.
La « taxe Zucman » sur les plus riches « pour rapporter 16 milliards d’euros »
Les écologistes n’entendent pas seulement présenter des amendements avec la gauche et chercher des poux aux LR sur les collectivités. Ils vont évidemment présenter leurs propres amendements. Ils en ont déposé « entre 150 et 200 ». Les écolos comptent notamment défendre « la taxe Zucman », qui consiste à taxer à 2 % la fraction du patrimoine supérieur à un milliard d’euros. De quoi « rapporter 16 milliards d’euros » selon Thomas Dossus.
Le groupe écologiste va aussi classiquement proposer une baisse de la TVA à 5,5 % sur les transports en commun, une hausse de la TVA à 20 % sur le transport aérien, ou encore « un amendement Michelin/Total » pour intégrer ces deux entreprises à la contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises voulue par le Michel Barnier, en élargissant l’assiette de la taxe, tout en la diminuant le poids de la surtaxe pour les entreprises produisant en France.
« Il y aura un PLFR en février ou mars pour corriger l’impact récessif, c’est une évidence »
Enfin, dernier grief des écologistes à ce budget : son « insincérité », selon Grégory Blanc. Le sénateur écologiste du Maine-et-Loire pointe « un effet récessif du budget sur la croissance, entre de -0,6 et -0,8 % ». « En réalité, ce budget s’est fait au doigt mouillé », raille Grégory Blanc, qui prédit déjà « un projet de loi de finances rectificative (PLFR) en février ou mars pour corriger cet impact récessif, c’est une évidence. Enfin, s’il y a encore un gouvernement ».