« La seule limite que nous fixons, c’est : pas de dépenses publiques supplémentaires sans faire des économies », expliquait Bruno le Maire sur franceinfo la semaine dernière à l’entame de l’examen du budget à l’Assemblée nationale.
Une semaine plus tard, la limite a été allègrement franchie de 8 milliards d’euros de dépenses supplémentaires ne laissant plus aucun suspense sur le recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution dans les prochaines heures, sur tout ou partie du texte.
« Notre vraie crainte, c’est de voir un crash de l’économie en raison de l’inflation sur les prix de l’énergie »
Bruno Le Maire a néanmoins laissé entendre que le gouvernement conserverait des amendements de l’opposition au projet de budget qui sera présenté devant le Sénat, parmi lesquels une baisse de l’impôt sur les sociétés pour les « petites PME ». « C’est conforme à notre politique, ça soutient les PME, ça soutient la compétitivité », a justifié le ministre de l’Economie, sur BFMTV.
« Le pourvoir d’achat des entreprises et des collectivités est aussi important que celui des Français. Notre vraie crainte, c’est de voir un crash de l’économie en raison de l’inflation sur les prix de l’énergie », abonde Jérôme Basher (LR) secrétaire de la commission des finances qui souligne « ne pas être braqué sur les travaux de l’Assemblée ».
Lire notre article. Budget des collectivités : les élus dénoncent « l’aumône » du gouvernement
« Pour être honnête avec vous, c’est un peu tôt pour vous parler du budget car on ne sait pas quel texte va nous être transmis », reconnaît le rapporteur général du budget, Jean-François Husson (LR) avant, lui aussi, de faire part de la même inquiétude. « Le sujet qui nous préoccupe beaucoup, c’est l’envolée des prix de l’énergie. Il va falloir regarder quelles latitudes nous allons avoir pour protéger les Français, les entreprises et les collectivités. Là où, nous parlementaires, avons la main, ce sont sur des mesures en faveur d’un boulier énergétique ».
« La France, de manière autoritaire, doit décorréler le prix de l’électricité sur celui du gaz. La solidarité avec l’Allemagne, ça commence à bien faire. Nous sommes au pied du mur », demande carrément Jérôme Bascher. Dans le fonctionnement du marché européen de l’énergie, toute hausse des prix du gaz se répercute sur l’électricité. Un système dénoncé par le Sénat depuis des mois (voir nos articles ici et ici), mais de là à faire l’objet d’un amendement lors de l’examen du budget ?
« C’est d’un autre niveau, ce sont des négociations au niveau européen. Ce n’est pas dans le budget français qu’on va décider que le prix du mégawattheure est indexé sur le dernier moyen de production », rappelle Christine Lavarde (LR), vice-présidente de la commission des finances.
« Il ne serait attribué que sur présentation d’un réel dérapage des coûts de l’énergie »
Ce bouclier énergétique, proposé à la Haute assemblée, serait abondé par le maintien pendant au moins un an d’un impôt de production amené à disparaître : la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises). La suppression de la CVAE divise les députés LR, partagés entre la suppression d’un impôt de production et le maintien d’une ressource propre pour les collectivités. Au Sénat, il est urgent d’attendre. Gérard Larcher demande le report de la suppression, mettant en doute les modalités de compensation par de la TVA pour les départements et les intercommunalités.
« Les modalités de sa suppression sont encore très floues, il nous paraît beaucoup plus sage de reporter la mesure au moins d’un an. Nous souhaitons affecter ces 4 milliards de recettes à un bouclier énergétique en faveur des PME, PMI, ETI qui ne seraient pas couvertes par les dispositifs qui existent déjà. Tout comme les grandes collectivités qui ne bénéficient pas du bouclier tarifaire », confirme la vice-présidente de la commission des finances précise qu’il s’agirait « d’un dispositif ciblé ». « Il ne serait attribué que sur présentation d’un réel dérapage des coûts de l’énergie ».
Députés et sénateurs LR sont-ils sur la même ligne ?
A l’Assemblée nationale, les élus LR sont à l’origine d’un amendement visant à créer un crédit d’impôt, sans fixer de seuil ni de taux, pour la rénovation des bâtiments et ainsi corriger « les ratés » du dispositif MaPrimeRenov L’amendement a été voté d’une courte tête (92 pour, 88 contre), soutenu par la Nupes (LFI, PS, EELV, PCF), et le RN, appelle à « revoir le dispositif », pour qu’il finance davantage de rénovations globales plutôt que de petits travaux.
Au cas où cet amendement ne résisterait pas à l’article 49 alinéa 3, difficile à ce stade de miser sur son retour au Sénat. « On le dit depuis plusieurs années au Sénat, les moyens financiers pour la rénovation thermique des bâtiments sont trop faibles […] Tout ce qui peut aider à mettre de l’argent pour la rénovation énergétique va dans le bon sens […] Après la difficulté d’un crédit d’impôt, c’est comment s’assurer que les travaux sont réalisés dans les règles de l’art ? », explique prudemment Christine Lavarde.
C’est, enfin par autre amendement LR, que l’Assemblée est revenue sur la suppression de « l’exit tax » visant l’exil fiscal des entrepreneurs. Sa suppression partielle au nom de l’attractivité de la France, était une mesure forte du premier quinquennat Macron en 2018. L’amendement LR, soutenu par 155 voix contre 133, rétablit une taxe sur les « plus-values latentes » de chefs d’entreprise qui décident de transférer leur domiciliation fiscale à l’étranger, en cas de cession effective de leur patrimoine en France dans les 15 ans après leur départ.
« Je ne sais pas si cet amendement a été porté par des individualités ou par le groupe LR de l’Assemblée nationale. Nous n’avons pas encore discuté de ce sujet avec nos collègues, députés », élude Christine Lavarde. Quant à Jérôme Bascher, il reconnaît que le sujet est « complexe ». L’année dernière la gauche du Sénat avait tenté de rétablir « l’exit tax » et s’était heurtée à l’opposition de la droite qui jugeait « le dispositif peu efficace au rendement budgétaire limité ».