Alors que le gouvernement demande un effort budgétaire de 5 milliards d’euros aux collectivités – « 11 milliards » selon les élus – le socialiste Karim Bouamrane affirme que « Michel Barnier est totalement inconscient ». Le PS a organisé ce matin, devant le congrès des maires, un rassemblement pour défendre les services publics.
Budget 2025 : « Nous avons demandé les lettres plafonds, mais nous n’avons eu aucune réponse », déplore le rapporteur général du budget au Sénat
Par Henri Clavier
Publié le
En annonçant le gel des dépenses de l’Etat pour 2025, le Premier ministre démissionnaire, Gabriel Attal, promettait un budget « réversible ». Néanmoins, comme révélé par Le Monde et Contexte, les lettres plafonds envoyées par le Premier ministre aux autres ministères ne se contentent pas de reprendre les lignes budgétaires de l’exercice 2024, mais proposent de réels arbitrages politiques. Si le gouvernement prévoit, à travers les lettres plafonds, des dépenses à hauteur de 492 milliards d’euros comme en 2024, la répartition des crédits entre les différentes missions et programmes connaît quelques modifications.
Car si les crédits sont gelés, l’inflation n’est pas prise en compte ce qui correspond à une diminution de 10 milliards d’euros pour le budget de l’Etat. Ces économies doivent permettre de fournir une trajectoire de réduction des dépenses publiques à la Commission européenne après le placement de la France en procédure de déficit excessif. Si les parlementaires auront la possibilité d’amender le budget à partir du 1er octobre et la présentation du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, le futur gouvernement aura peu de temps pour modifier l’ossature budgétaire posée par Bercy. En effet, à la mi-septembre le projet devra être présenté au Haut conseil des finances publiques puis au Conseil d’Etat.
« On fait dans la facilité en coupant dans les dépenses d’investissement, enlever une telle somme revient quasiment à supprimer le fond vert »
Comme rapporté par Contexte, les lettres plafonds envoyées le 20 août prévoient une légère hausse du budget du ministère de la transition écologique, à hauteur de 1,2 milliard d’euros, mais avec cependant une diminution drastique des crédits accordés à certains programmes. Le fond vert, destiné à aider les collectivités territoriales dans le financement de la transition écologique, devrait être raboté pour passer de 2,5 milliards d’euros à un milliard. Un renforcement de la trajectoire de réduction de cette aide aux collectivités territoriales puisque 500 millions d’euros avaient déjà été annulés par le décret du 21 février 2024. « On fait dans la facilité en coupant dans les dépenses d’investissement, enlever une telle somme revient quasiment à supprimer le fond vert. A l’intérieur du fond vert, on avait fait migrer des crédits qui venaient d’autres politiques publiques qui existaient déjà », rappelle Christine Lavarde, sénatrice LR et membre de la commission des finances.
Une baisse d’un milliard d’euros est également prévue pour l’électrification des véhicules. « Cette baisse touche le programme 174 qui concerne l’aide à la décarbonation. Une partie des crédits de 2024 a déjà été gelée par le gouvernement sans que l’on sache précisément comment le gel s’applique », déplore Christine Lavarde. Ainsi, le décret du 21 février 2024 annule près d’un milliard d’euros d’autorisations d’engagement prévues par le budget pour l’année 2024. « Pour l’instant, on ne sait pas si les coupes annoncées sont liées au gel et aux annulations de crédits du budget de 2024 », relève Christine Lavarde.
« Au Sénat, ça fait deux ans consécutifs que l’on propose des réductions sur les aides à l’apprentissage »
Alors que certains ministères comme la défense, la culture et les sports ont été préservés des coupes budgétaires prévues par les lettres plafonds, ces dernières envisagent une importante contraction des crédits alloués à la mission « Travail et emploi ». Pas moins de 3 milliards devraient être économisés sur cette mission dotée de 22 milliards dans le budget 2024. Ces économies concernent en priorité les aides à la formation et à l’apprentissage et notamment l’aide de 6 000 euros distribuée aux entreprises sans prendre en compte le niveau de diplôme de l’alternant recruté. « Au Sénat, ça fait deux ans consécutifs que l’on propose des réductions sur les aides à l’apprentissage qui sont les mêmes pour un bac + 5 que pour un alternant sans qualification donc il y a des choses à faire », estime Christine Lavarde. Le rapporteur général du budget au Sénat, Jean-François Husson, s’étonne que le gouvernement n’ait pas repris plus tôt les propositions du Sénat : « Nous avions fait des propositions sur les crédits du ministère du travail et notamment en ce qui concerne les aides à l’apprentissage, le gouvernement dit tout et son contraire ».
Un budget réversible ?
Bien qu’elles soient issues des propositions sénatoriales les membres de la commission des finances au Sénat n’ont pas été tenues au courant des coupes budgétaires prévues par les lettres plafonds. « Nous avons demandé les revues de dépenses, les lettres plafonds, les tirés à part, mais nous n’avons eu aucune réponse », s’agace Jean-François Husson qui affirme néanmoins qu’il a pu brièvement échanger par téléphone avec le ministre des Comptes publics. Insuffisant pour le rapporteur général du budget qui souhaitait une réponse écrite et qui commence à être « irrité » par les sorties dans la presse des détails des lettres plafonds.
Pourtant, le Premier ministre l’assure, les lettres plafonds ne sont qu’indicatives et doivent surtout permettre de préparer le terrain pour un futur gouvernement. Néanmoins, le manque d’information des parlementaires pourrait limiter la marge de manœuvre du Parlement. Un point de vue partagé par Christine Lavarde qui rappelle tout de même qu’à ce stade il ne s’agit que d’une « ossature budgétaire ». « Tout ça peut évoluer au moment de la présentation du projet de loi de finances donc ce n’est qu’une maquette budgétaire qui évoluera au cours de la navette parlementaire, toutes les enveloppes peuvent être revues, les lettres plafonds ne figent rien », assure la sénatrice des Hauts-de-Seine. « On reste dans l’idée d’un budget réversible », conclut Christine Lavarde.
Pour aller plus loin