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Bruno Retailleau favorable aux courtes peines de prison : « Ce n’est pas une solution magique » 

Dans une interview au Parisien, le ministre de l’Intérieur a une nouvelle fois rogné sur les plates-bandes de Didier Migaud en affirmant vouloir la mise en place de courtes peines de prison. Pour ça, il veut passer outre la loi Belloubet de 2019 et créer des établissements spéciaux pour mineurs qui sont sanctionnés par des courtes peines de prison.
Quentin Gérard

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Le ministre de l’Intérieur a réaffirmé son souhait de voir la mise en place de courtes peines de prison. « Il faut tout de suite un interdit, une sanction certaine, qui puisse briser les parcours délinquants, dès les premiers délits », lance le nouveau locataire de la place Beauvau dans le Parisien. « Ce qui inquiète les Français aujourd’hui, c’est l’hyperviolence et l’explosion de la délinquance contre les biens et les personnes », poursuit-il.

« Le ministre de l’Intérieur n’est pas le ministre de la Justice »

« Il y a un problème à avoir un ministre de l’Intérieur qui de manière tout à fait récurrente, mord sur les compétences du garde des Sceaux. Ça finit par être une habitude et ça pose un sérieux problème », peste Ian Brossat, sénateur communiste de Paris. Réaction identique de Céline Mamelin, vice-présidente de l’Union syndicale des magistrats. « Le ministre de l’Intérieur n’est pas le ministre de la Justice. C’est étrange que Bruno Retailleau décide de la politique pénale », s’étonne-t-elle.

Bruno Retailleau vise la loi Belloubet de 2019. « Je l’ai toujours combattue », rappelle-t-il. L’objectif de ce texte était de lutter contre la surpopulation carcérale. Il rend impossible les peines fermes de moins d’un mois et les peines inférieures à six mois doivent obligatoirement être aménagées, sauf « impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné ». À la suite de cette loi de programmation, l’aménagement des peines d’emprisonnement fermes a fortement progressé. En 2023, plus de 40 % d’entre elles ont été aménagées ou converties avant l’incarcération.

« Notre politique pénale n’est pas en phase avec la criminalité actuelle »

Sur ce sujet, Bruno Retailleau partage la position de Michel Barnier. Lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a proposé de rendre la sanction « effective en imposant des peines de prison courtes et immédiatement exécutées pour certains délits », afin d’éviter de faire « perdre toute crédibilité à la réponse pénale », et en limitant « les possibilités de réduction ou d’aménagement des peines ».

Des propos que partagent Béatrice Brugère, secrétaire générale d’Unité Magistrats. Si ce n’est pas « une solution magique », son syndicat pousse depuis longtemps pour des courtes peines de prison. « Notre politique pénale n’est pas en phase avec la criminalité actuelle », se désole l’auteure de « Justice : La colère qui monte », aux éditions de l’Observatoire. « Plus on met en place des alternatives aux incarcérations, plus la criminalité et la surpopulation carcérale augmentent », argumente-t-elle.

« Laissons les juges faire leur travail et adapter les sanctions »

De son côté, Cécile Mamelin, vice-présidente de l’Union syndicale des magistrats, demande d’arrêter « les discours démagogiques » et de « faire confiance à la justice ». Elle ne veut pas « instaurer de principe » comme les courtes peines. Ça n’aurait pas de sens « vis-à-vis de la surpopulation carcérale ». Elle préfère parler « d’individualisation de la peine ». « Laissons les juges faire leur travail et adapter les sanctions en fonction de la personne qu’ils ont en face d’eux », demande-t-elle. Selon Cécile Mamelin, les courtes peines « n’ont pas d’intérêt et ne luttent pas contre la récidive, ça a été montré par les études ». Au contraire, Béatrice Brugère n’a « jamais vu de documents qui prouvent que les courtes peines ne servent à rien ».

Michel Barnier et Bruno Retailleau plaident pour la création « d’établissements différenciés, notamment adaptés aux mineurs, pour mettre en œuvre les courtes peines ». Dominique Vérien, sénatrice centriste de l’Yonne, n’y est pas défavorable. « Pourquoi pas pour ne pas laisser les jeunes s’installer dans la délinquance », indique-t-elle. Et prévient : « Il ne faut pas les mettre dans les mêmes prisons que les autres, sinon ils vont rencontrer leur futur patron ». Ian Brossat, sénateur communiste de Paris, trouve cette proposition « lunaire ». Et d’ironiser : « Le temps que ces bâtiments soient construits, le gouvernement Barnier n’existera plus ».

Le modèle hollandais

« Les courtes peines ont montré leur efficacité aux Pays-Bas », soutient encore le ministre de l’Intérieur dans le Parisien. Nos voisins incarcèrent beaucoup plus et plus rapidement. Ils ont un taux d’entrée en prison de 180 personnes pour 100 000 habitants. La France est à 117. Les détenus restent en prison 5,1 mois en moyenne aux Pays-Bas contre 11,1 mois en France. Et alors qu’en France, le nombre de détenus a atteint un nouveau record au mois de septembre, avec près de 79 000 prisonniers, les cellules se vident aux Pays-Bas. Ils sont passés de 20 000 détenus en 2004 à 11 000 en 2020. Pour Cécile Mamelin, vice-présidente de l’Union syndicale des magistrats, « ce n’est pas parce que ça fonctionne ailleurs qu’il faut le faire chez nous. Prendre un bout de politique pénale à l’étranger et vouloir en faire notre doctrine est réducteur ». Béatrice Brugère, secrétaire générale d’Unité Magistrats, nuance aussi. « L’idée ne doit pas être de les copier mais de s’en inspirer. A nous d’inventer ensuite notre propre modèle » indique-t-elle.

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