Mercredi 23 octobre, Bruno Retailleau a annoncé préparer « un plan d’action » contre les occupations de terrain illicites des gens du voyage. Il passera par de « nouvelles mesures d’ordre public, d’enquête patrimoniales et des réparations de dommages » en cas d’atteintes à des biens publics ou privés ». L’ancien patron des sénateurs LR compte aussi mettre en place « un certain nombre de précisions, notamment vis-à-vis des schémas départementaux ».
« On ne peut plus rester comme ça »
Cette annonce a fait suite à l’interpellation de Nathalie Colin-Oesterlé, députée Horizons de la Moselle, pendant la séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale. L’ancienne eurodéputée a dénoncé « une exaspération immense des maires » au sujet des occupations illégales de terrains communaux par des gens du voyage. Elle a évoqué le cas de maires violentés et le montant de préjudices qui s’élève parfois à 300 000 euros. « La situation devient ingérable et l’exaspération des maires et des habitants est immense face à cet état de non-droit », a martelé l’élue.
En réponse, le premier flic de France a assuré « qu’il ne se passe pas une seule journée depuis que j’ai pris mes fonctions sans en entendre parler ». Bruno Retailleau a ensuite affirmé que dans « la République, chacun peut avoir le mode de vie qu’il souhaite, en fonction de ses traditions, à condition de respecter les lois, à condition de respecter ceux qui ont la charge de l’autorité publique ». Et d’ajouter : « Cela devient une question d’exaspération quand nos concitoyens voient illégalement des terrains publics ou privés avec un branchement direct sur les réseaux d’eau et d’électricité totalement gratuit. On ne peut plus rester comme ça ».
60 % des places réellement occupées
Aujourd’hui, la loi impose aux communes de plus de 5 000 habitants de construire des aires d’accueil. Ce qui correspond environ à une quinzaine de caravanes par ville. Mais la législation n’est pas respectée. L’Etat avait fixé l’objectif de 1 864 aires aménagées et 43 000 places lors de la création de la loi en 1990. Un rapport de la Cour des comptes de 2017 avance le chiffre de 26 000 places disponibles, loin des besoins nécessaires.
Certaines aires, qui sont prévues pour accueillir de façon temporaire des gens du voyage, deviennent occupées de façon permanente. Parmi les raisons, les sages citent la scolarisation des enfants, l’absence de garantie de retrouver une place sur un autre terrain et la précarité. Mais si près de 70 % des places prévues pour les aires d’accueil sont désormais réalisées, seulement 60 % sont réellement occupées, alors que le stationnement illicite demeure. De quoi créer des tensions dans certaines communes.
« Les mesures proposées vont dans le sens de celles du Sénat »
Pour proposer son « plan d’action », le ministre de l’Intérieur pourrait s’appuyer sur deux propositions de loi. L’une a été votée au Sénat en janvier 2021, sans avoir été reprise par l’Assemblée nationale. Elle donne plus de pouvoir aux maires, leur permettant notamment de faire appel au préfet pour procéder à l’évacuation forcée des résidences mobiles en cas de mise en demeure non respectée. (Lire notre article). A l’époque, la gauche s’était opposée au texte. « Le tout répressif n’est pas la solution », avait lancé l’ancien sénateur socialiste Jean-Yves Leconte. L’autre, plus récente, a été déposé le mardi 15 octobre dernier par 19 députés Horizons, dont Nathalie Colin-Oesterlé. Son but : réformer l’accueil des gens du voyage.
Cyril Pellevat, sénateur Les Républicains de Haute-Savoie, se « réjouit que le gouvernement se soit saisit de la question ». Il y a quelques semaines, le vice-président de la commission des Affaires européennes du Palais du Luxembourg avait déjà interpellé Bruno Retailleau quant aux installations illicites des gens du voyage. « C’est une bonne nouvelle que les mesures avancées vont dans le sens de celles proposées par le Sénat depuis des années », indique l’élu. « Une refonte est nécessaire pour apaiser la situation. Il faudra également se pencher sur la question des dérives constatées dans certains groupes de gens du voyage qui font parfois preuve de séparatisme en n’envoyant pas leurs enfants à l’école », ajoute Cyril Pellevat.