73 mesures, réparties dans treize propositions de loi. Laurent Wauquiez, président du groupe de La Droite républicaine (ex-LR) à l’Assemblée nationale, et Bruno Retailleau, le patron des sénateurs LR, ont présenté ce lundi leur « pacte législatif d’urgence », destiné « à trouver des solutions, mettre du positif sur la table », alors que la fracturation politique au Palais Bourbon continue de faire peser de lourdes incertitudes sur l’avenir politique du pays.
L’objectif n’est pas de proposer un pacte de gouvernement – à l’Assemblée nationale comme au Sénat, Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau continuent de défendre une ligne d’indépendance – mais une série de réformes que la droite s’engage à soutenir si elles venaient à être reprises par le prochain exécutif. « Ce sont des propositions fortes, crédibles, susceptibles d’être soutenues par les Français. Maintenant nous attendons que chacun se positionne », a déclaré Laurent Wauquiez.
« Nous nous engageons à les soutenir et à les voter », a-t-il indiqué, tout en précisant qu’il ne s’agissait « pas d’une coalition gouvernementale ». « Une coalition signifie une solidarité à tout ce qui est porté par le gouvernement. Nous ne nous engageons pas à soutenir un gouvernement quoi qu’il fasse », a expliqué celui qui vient d’être réélu député de la Haute-Loire.
Retour de l’autorité et lutte contre « l’assistanat »
Ce pacte contient de nombreuses mesures déjà portées par la droite sénatoriale au cours des derniers mois, et pour certaines adoptées par la Chambre haute en première lecture. Il s’articule autour de trois grands axes : la restauration de l’autorité, la réindustrialisation des territoires et le renforcement des services publics de proximité.
Concernant le versant autorité, la droite entend rétablir les peines planchers, mettre fin à certaines limitations de peine et instaurer une présomption de légitime défense pour les forces de l’ordre. Il est également question d’une refonte de la justice des mineurs, avec la reprise d’une mesure défendue par Éric Ciotti, qui a rallié Marine Le Pen au lendemain de la dissolution : la suppression des allocations familiales en cas de condamnation d’un mineur. « L’autorité, c’est comme la poussée d’Archimède, c’est proportionnel à c qu’il y a en face », a souligné Bruno Retailleau.
Ce document entend par ailleurs s’attaquer à « l’immigration incontrôlée », et reprend une partie des mesures de la loi immigration censurée par le Conseil constitutionnel en début d’année.
Pour favoriser la réindustrialisation, la droite veut baisser les impôts de production, mettre en place un moratoire sur les normes et renforcer l’investissement dans le nucléaire, avec un objectif de 60 % dans le mix énergétique.
Les LR souhaitent une grande loi pour l’accès aux soins et la lutte contre les déserts médicaux, qui passerait notamment par des exonérations fiscales et une débureaucratisation du travail hospitalier et des cabinets médicaux.
En outre, Laurent Wauquiez a longuement insisté sur sa volonté de « combattre l’assistanat ». « La première injustice de ce pays, c’est le manque de reconnaissance pour la France qui travaille », a martelé le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes. « Aujourd’hui le travail ne fait pas partie de la dizaine de critères d’accès à un logement social. Comment le comprendre ? », a-t-il notamment ciblé. Il est par exemple question d’instaurer une aide sociale unique qui soit plafonnée à 70 % du Smic, mais aussi d’une nouvelle réforme de l’assurance chômage, « en sanctionnant ceux qui abusent du système pour mieux aider ceux qui cherchent vraiment un emploi ».
Enfin, ce pacte contient au moins deux lignes rouges, « qui aboutiraient à la sanction immédiate de tout gouvernement qui les franchirait », c’est-à-dire au dépôt d’une motion de censure par les députés LR. En l’occurrence les augmentations d’impôts et « les économies faites sur le dos des retraités », a averti Laurent Wauquiez. En revanche, l’ancien patron des LR n’est pas fondamentalement opposé à l’augmentation du Smic – désormais défendue par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin dans un entretien au Journal du Dimanche -, même s’il estime « qu’il ne s’agit pas de la bonne approche » pour revaloriser le travail.
Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau ont également indiqué que la droite n’hésiterait pas à censurer un gouvernement avec des ministres LFI. Gérard Larcher, le président du Sénat, s’était déjà exprimé en ce sens le 11 juillet sur BFMTV.
Rester au centre du jeu sans rallier les macronistes
« La vision que nous portons doit pouvoir se réaliser dans un temps relativement court. Une année, certains parlent même de 100 jours. Nous devons montrer que nous avons de quoi être opérationnels rapidement », nous expliquait la semaine dernière Dominique Estrosi Sassone, la présidente de la commission sénatoriale des Affaires économiques, alors que de nombreuses incertitudes pèsent sur l’éventualité d’une nouvelle dissolution d’ici un an.
Les LR, qui ne conservent plus que 47 sièges au Palais Bourbon devraient continuer à jouer un rôle pivot dans la nouvelle législature. Les macronistes multiplient les appels du pied dans leur direction dans l’espoir de renforcer leur assise. Le Premier ministre sortant Gabriel Attal, désormais à la tête du groupe Ensemble pour la République, a fait part de sa volonté d’aller à la rencontre des autres formations politiques pour tenter de dégager des consensus. À ce stade néanmoins, tout élargissement vers les sociaux-démocrates reste bloqué par l’accord qui lie ces derniers aux autres composantes de la gauche.
Beaucoup ont vu dans les tractations entre Laurent Wauquiez et le bloc du centre pour la présidence de l’Assemblée nationale et la répartition des postes clefs la semaine dernière les premiers pas d’un rapprochement, ce que démentent les parlementaires de droite interrogés par Public Sénat, même si l’un d’eux concède : « Il faut continuer à entretenir le dialogue, échanger avec eux ».
« Rien n’a été fait en catimini, c’était assumé. J’avais dit dès le début que l’on ferait tout pour bloquer LFI et le RN », s’est défendu Laurent Wauquiez ce lundi. « On est arrivé dans une telle situation de blocage que les gens s’étonnent que l’on échange et que l’on discute. Heureusement que l’on échange et que l’on discute ! »
« J’ai mis le curseur à droite »
À tout le moins, LR, qui se revendique toujours comme un parti de gouvernement douze ans après avoir perdu le pouvoir, ne veut pas être considéré comme un élément de blocage dans une assemblée fracturée comme jamais sous la Cinquième République. « Notre volonté est d’adopter une position qui soit celle de l’intérêt général. Il n’est pas question de soutenir un quelconque blocage », a répété Bruno Retailleau.
« Ce pacte, ce n’est pas de l’eau tiède, ce sont nos marqueurs », explique un parlementaire. « J’ai mis le curseur à droite, comme me l’ont demandé Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez », confie l’un des sénateurs qui a collaboré à l’élaboration des mesures présentées, et qui ajoute, philosophe : « Nous disons là où nous voulons aller, ce qui ne veut pas dire que nous pouvons y aller avec cette Assemblée ». En poussant un panel de réformes trop marquées à droite, LR pourrait compliquer à dessein la tâche des macronistes, ce qui permettrait à la droite de maintenir une position d’équilibre entre verrouillage et main tendue. D’ailleurs, ce lundi Bruno Retailleau a lancé cet avertissement : « Si un gouvernement veut picorer quelques textes au détriment de l’ensemble, ça ne marchera pas ! »