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Autoroutes : l’Autorité de régulation des transports appelle l’État à « repenser » le modèle sans tarder
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C’est un rapport, dont la publication a été avancée, qui intéressera les usagers des autoroutes. Et particulièrement ceux qui les emprunteront à partir du 1er février, date à laquelle les tarifs des principaux péages du réseau concédés augmenteront en moyenne de 4,75 %. Ce bond des tarifs, provoqué par l’inflation, risque d’être d’autant moins accepté que ces entreprises engrangent des bénéfices très solides. L’Autorité de régulation des transports (ART), qui a dévoilé ce 26 janvier son deuxième rapport sur l’économie des concessions autoroutières, plaide pour une adaptation du modèle, afin de « rééquilibrer les négociations » entre l’État les sociétés concessionnaires. Le régulateur reconnaît des « atouts » au système actuel, qui a permis à la France de disposer d’un réseau autoroutier de bonne qualité, mais il repère également une série de limites.
Remis une première fois en 2020, le rapport de l’ART sur l’économie des autoroutes revient dès cette année, alors que la loi n’impose qu’une publication « au moins » tous les cinq ans. Une façon de prendre de l’avance sur la suite. Les sept principales concessions du réseau arrivent prochainement à leur terme entre 2031 et 2036. « Une opportunité unique de l’améliorer se profile et doit être saisie », a appelé Philippe Richert, le président par intérim de l’ART. Sans tarder. « L’ampleur des travaux associés à la fin des concessions historiques ne doit pas être sous-estimée et ces travaux doivent être engagés dès à présent pour mener à bien ce chantier de grande ampleur », a insisté l’ancien ministre.
« Une rentabilité qui est dans une moyenne haute »
Parce qu’elle documente un certain nombre de données, l’Autorité de régulation peut, avec ses travaux, aider à éclairer les choix de demain. L’une de ses missions, fixée par la loi, est notamment de suivre l’évolution de la rentabilité des sociétés concessionnaires. Un constat s’impose : celle-ci demeure robuste, en dépit de certains aléas. Selon les calculs de l’ART, le taux de rentabilité interne en 2021 des concessions historiques atteignait 7,8 %, un peu moins pour les concessions récentes, où il se situe à 6,3 %. « Nous le considérons comme une rentabilité qui est dans une moyenne haute », a commenté l’une des vice-présidentes de l’ART, Florence Rousse.
De 2017 à 2021, ce taux de rentabilité a connu une « baisse très modérée » (0,13 point de pourcentage), malgré une chute de 22 % du trafic autoroutier en 2020, année de confinements. Les mots sont plus policés, mais ils rejoignent certains constats de la commission d’enquête du Sénat sur ces concessions. Dans un rapport de l’été 2020, le sénateur Vincent Delahaye (Union centriste) pointait la « rentabilité hors norme » des autoroutes, évaluant à 40 milliards d’euros, à l’époque, la somme des dividendes à venir d’ici à la fin des contrats.
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La veille de la remise du rapport de l’ART, le Canard Enchaîné révélait l’existence d’une étude confidentielle de l’Inspection générale des finances (IGF), remise au ministre de l’Économie Bruno Le Maire en février 2021. Selon l’hebdomadaire, la publication épinglait notamment la rentabilité anormale élevée de deux importantes concessions, ASF-Escota (groupe Vinci) et APRR-Area (groupe Eiffage), frôlant les 12 %, soit un seuil bien supérieur à la cible de 7,67 % imaginée en 2006 au moment des privatisations. Personne « n’a eu connaissance » de ces travaux de l’IGF à l’Autorité de régulation. Ses membres précisent cependant que les chiffres évoqués par le Canard Enchaîné ne sont pas comparables aux leurs, qui prennent en compte les concessions sur la totalité de leur durée.
Mais au-delà de ces chiffres, l’ART met surtout le doigt sur les clauses inscrites dans les contrats des concessions autoroutières, notamment celles introduites en 2015, à l’époque de la conclusion du plan de relance autoroutier. La clause prévoyant la fin anticipée d’un contrat en cas de revenus supérieurs aux prévisions a une probabilité de déclenchement très faible, « quasi-nulle », a même souligné la vice-présidente Florence Rousse. Quant aux clauses prévoyant une atténuation des hausses de péages, l’effet n’aurait qu’un effet « mineur » sur le taux de rentabilité.
« Le contexte inflationniste est favorable aux sociétés concessionnaires »
L’ART s’interroge également sur les règles actuelles qui organisent les augmentations annuelles des péages. « Le contexte inflationniste est favorable aux sociétés concessionnaires », explique Florence Rousse. C’est l’effet d’une clause qui permet de répercuter une portion de l’inflation dans les recettes. Cette méthode de calcul pourrait représenter un gain cumulé de 5,4 milliards d’euros courants jusqu’à la fin des contrats, selon les calculs de l’Autorité. En revanche, en cas d’inflation « très inférieure » aux prévisions, les concessionnaires seraient « perdants ». L’ART considère néanmoins qu’il serait « souhaitable de renoncer » à cette indexation, ou à défaut, de la « calibrer différemment » dans le futur.
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Si les enjeux de taille ne manquent pas pour les sociétés actuelles – incertitudes sur la conjoncture économique et investissements nécessaires en faveur de la transition écologique – l’ART appelle à « repenser le modèle » actuel. Ainsi, l’Autorité de régulation pose sur la table l’ouverture d’une réflexion sur un redécoupage les périmètres géographiques de concessions, en évitant des ensembles « trop étendus ». Cette option aurait par exemple un avantage : elle limiterait le ticket d’entrée lors de la réattribution des contrats.
« Il est important de raccourcir la durée des contrats »
Autre paramètre à réinterroger : la durée des concessions. « Il est important, dans le cadre de la réflexion future, de raccourcir la durée des contrats », a recommandé Patrick Vieu, vice-président de l’ART. L’Autorité estime qu’un système avec des contrats d’une vingtaine d’années (le Sénat proposait 15 ans pour concessions ne nécessitant pas de travaux importants) permettrait des mises en concurrence plus régulières, mais également d’éviter des clauses de péages figées pour plusieurs années. Les membres de l’ART se montrent notamment préoccupés par la multiplication des avenants, la plupart étant passés en dehors d’une toute procédure concurrentielle. Quant aux allongements de la durée des concessions, ceux-ci favorisent les acteurs en place.
À défaut de contrats d’une durée plus courte, l’ART recommande d’encadrer « plus strictement » les renégociations, des orientations elles aussi défendues dans le rapport du Sénat. Elle précise au passage qu’il faut alors imaginer, dans le contexte de concessions plus courtes, des mécanismes permettant de financer dans la durée des investissements lourds, dans la transition écologique.
Avec tous ces chantiers à engager sans perdre de temps, étant donné le calendrier de la fin des concessions actuelles, l’ART tient à éclairer la bougie du gouvernement. L’Autorité de régulation a tenu à souligner que, grâce à ses avis, elle avait permis de limiter de 15 % les hausses des prix des péages, soit une économie globale de l’ordre de 300 millions. « Tenir compte des recommandations du régulateur permettrait de limiter les hausses de péage à ce qui est strictement utile et nécessaire », a rappelé Philippe Richert, le président par intérim.
Problème : l’Autorité n’est pas toujours suivie dans ses recommandations, lorsqu’elle critique certains aménagements ou le financement de certaines opérations. Ses membres ne sont pas non plus en panne d’inspiration pour renforcer leurs prérogatives et donc améliorer la régulation. « Nous mesurons que l’avis conforme serait beaucoup plus efficace que l’avis consultatif que nous rendons aujourd’hui », reconnaît Sophie Auconie, vice-présidente. Un signal que les législateurs au Sénat approuveraient : le rapport de la commission d’enquête en 2020 préconisait, en tête de ses préconisations, le renforcement des moyens de contrôle de l’ART.