La dissolution, comme le changement de gouvernement, n’ont pas enterré le projet de reconnaissance du statut d’autonomie de la Corse dans la République. Porté par l’ancien ministre de l’Intérieur, Gérard Darmanin, cette réforme institutionnelle majeure, qui nécessite un projet de loi constitutionnelle sur le statut de l’Île de Beauté, est toujours dans les cartons de l’exécutif.
Le premier ministre avait simplement évoqué le sujet, lors de son discours de politique générale, le 1er octobre dernier. « Nous respecterons les compétences de ces collectivités et regarderons les possibilités de les augmenter et de les renforcer. C’est dans cet esprit en particulier que le ministre du Partenariat avec les Territoires et la décentralisation reprendra le dialogue avec les élus et les responsables socio-économiques, notamment de la Collectivité de Corse », avait affirmé Michel Barnier. Un premier signal.
« Il y a un calendrier qui est fixé »
Interrogé ce mercredi par Public Sénat, en marge des questions d’actualité au gouvernement, la ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, Catherine Vautrin, va plus loin. Cinq jours après un premier déplacement en Corse, elle confirme qu’« il y a un calendrier qui est fixé. Au deuxième semestre 2025, il pourrait y avoir l’examen de ce texte (constitutionnel) et pourquoi pas un Congrès, avant la fin de l’année 2025 » (voir la vidéo).
« Il s’agit d’autonomie dans la République », rappelle bien la ministre, « cela s’appelle les écritures institutionnelles. Elles font l’objet d’un travail par la commission des lois du Sénat, qui ira ensuite vers l’Assemblée nationale ». « Parallèlement à ça, nous avons travaillé avec l’ensemble des élus corses, les communes, les intercommunalités, la collectivité territoriale, sur des sujets aussi concrets que l’eau, les déchets, les transports, tous les sujets du quotidien des Corses », ajoute Catherine Vautrin.
Processus encore long
C’est à la suite d’une semaine de violence, intervenue sur l’île en 2022, suite à la mort d’Yvan Colonna, agressé en prison, où il purgeait une peine à perpétuité pour l’assassinat en 1998 du préfet Erignac, que les discussions avaient été lancées. En mars 2024, Gérard Darmanin avait conclu un accord avec les élus corses. L’Assemblée de Corse avait ensuite adopté, début avril, une proposition d’écriture constitutionnelle, transmis au Parlement.
Il reste cependant encore du chemin, avant que le processus n’aille au bout. S’agissant d’une réforme de la Constitution, les députés n’ont pas le dernier mot. Il faut que l’Assemblée et le Sénat votent dans les mêmes termes le texte, avant que le président de la République ne puisse convoquer le Congrès, où la réforme doit être adoptée à la majorité des 3/5.
En mars 2024, Bruno Retailleau dénonçait des « difficultés absolument majeures »
Il faudra voir aussi quelle sera la position de la droite sénatoriale, hostile à la réforme, avant la dissolution. D’autant qu’un certain Bruno Retailleau, devenu depuis ministre de l’Intérieur, ne cachait pas sa franche opposition à l’accord. « Sur le fond, il y a deux difficultés absolument majeures. D’une part, la reconnaissance d’une communauté historique, culturelle, linguistique, liée à une terre. Ce serait la constitutionnalisation du communautarisme. La Constitution ne reconnaît qu’une seule communauté : c’est la communauté nationale », affirmait le 12 mars dernier à publicsenat.fr Bruno Retailleau, alors à la tête des sénateurs LR, avant d’ajouter que « la reconnaissance du peuple corse. Il n’en est pas question ».
Le sénateur de l’Ardèche, Mathieu Darnaud, qui a succédé à Bruno Retailleau à la présidence du groupe LR, ne cachait pas non plus avoir de sérieux doutes. « Nous l’avons clairement dit, nous sommes favorables à la décentralisation. En revanche, nous ne voulons pas multiplier les droits d’exception, c’est-à-dire avoir des collectivités qui fonctionnent différemment. […] L’unité de la République, nous y sommes très attachés », prévenait le sénateur LR, ajoutant que « la ligne rouge au Sénat a été clairement rappelée par le président Larcher, le président Retailleau, c’est que la fabrique de la loi doit rester au Parlement ». Depuis, Michel Barnier, membre comme eux des LR, est devenu premier ministre. On verra si l’arrivée de la droite au pouvoir a fait évoluer l’état des réflexions.