La Commission européenne devrait pouvoir entrer en fonction dès le 1er décembre après l’accord entre les trois principaux partis européens sur le collège des commissaires. Un accord qui illustre la place centrale de la droite européenne, prête à s’allier avec l’extrême droite.
Autonomie, coalition… Quel chemin pour les Républicains après les législatives ?
Par Camille Romano
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Prenez presque les mêmes… et on recommence ? Pour les Républicains « canal historique », le retour à l’Assemblée nationale est plus assuré que les sondeurs le prévoyaient depuis l’annonce de la dissolution au lendemain des élections européennes : ils devraient pouvoir compter sur un groupe d’environ 68 députés en comptant leurs alliés, dont une majorité de sortants réélus.
Au parti, tous se targuent de leur bonne résistance face au choc des législatives anticipées, le président du Sénat Gérard Larcher en premier lieu : « Nous, les Républicains, contre les pronostics et malgré les trahisons, conservons un nombre de députés équivalent. Nos candidats courageux ont été élus sur la ligne de l’indépendance, de l’autonomie, de l’intérêt de la France et des Français. », tweetait-il dès lundi matin. Le sénateur des Hauts-de-Seine Roger Karoutchi abondait dans le sens de son président ce lundi dans les couloirs du Sénat : « Nous nous en sommes mieux sortis que prévu ».
Un changement de nom de groupe ?
Mais cette relative victoire dans les urnes signifie-t-elle pour autant que tout sera comme avant la dissolution pour le parti gaulliste ? Pas vraiment, en tout cas selon Thibault Bazin, député de Meurthe-et-Moselle, qui appelle à « bâtir un groupe sur de nouvelles bases. ». « L’état d’esprit qui doit nous animer doit être en cohérence avec ce qu’on a dit pendant nos campagnes respectives : liberté, indépendance. », poursuit-il. Comprendre s’éloigner du psychodrame fratricide de « l’affaire Ciotti », qui pourrait passer par un « changement de nom pour plus de lisibilité » comme le présente Thibault Bazin. Un changement de nom qui avait été aussi évoqué au Sénat, juste après l’affaire Ciotti.
La reconstruction pourrait débuter dès mercredi : c’est ce jour que doit se tenir la réunion constitutive du groupe, lors de laquelle les députés procéderont à l’élection de leur président. Selon nos informations, trois noms circuleraient pour l’élection : le président sortant, le député de l’Eure Olivier Marleix, le député du Lot – a pourtant claqué la porte du parti — Aurélien Pradié et le nouvellement élu Laurent Wauquiez.
L’arrivée de ce dernier à la tête du parti aurait beaucoup de sens pour Roger Karoutchi : « Cela serait symboliquement fort. C’est plus intéressant pour Laurent Wauquiez de prendre la tête du groupe, en vue de la présidentielle de 2027, et pour le groupe c’est souhaitable aussi car il a besoin d’être identifié. Ce n’est pas du tout une sanction envers Olivier Marleix : quelles que soient ses qualités, avoir Laurent Wauquiez à la présidence donnerait un groupe avec plus de cohésion, avec un côté plus d’avenir », analyse froidement Roger Karoutchi. Une présidence pour Wauquiez que voit d’un bon œil par la sénatrice de Paris Marie-Claire Carrère-Gée : « Il a naturellement un grand rôle à jouer, maintenant et pour l’avenir », explique-t-elle à Public Sénat.
Wauquiez en président de groupe, un LR à Matignon ?
La sénatrice de Paris voit dans les résultats des législatives un appel d’air pour les Républicains, elle qui a appelé dans un communiqué de presse à « un LR à Matignon ». Pour Marie-Claire Carrère-Gée, un Républicain à Matignon serait « la conséquence logique d’un rapport de force politique. » Et ce, malgré la victoire apparente du Nouveau Front Populaire aux élections législatives : « La gauche, que rien n’unit mis à part des intérêts électoraux, clame avoir gagné les élections, C’est faux. Et il n’est pas question qu’ils gouvernent. Les seuls qui incarnent aujourd’hui une possibilité d’alternance à la suite d’une majorité qui a échoué (en particulier sur la sécurité l’immigration et les finances publiques), ce sont les LR. », poursuit-elle.
Un scénario que balaie Hubert Brigand, député LR de Côte d’Or : « Un LR au gouvernement ? Je ne crois pas que ce soit dans l’air du temps », élude-t-il. Même manque d’enthousiasme de la part du sénateur LR des Pyrénées-Atlantiques Max Brisson : « Une coalition avec les socialistes et les écolos ? C’est sans moi, nous ne sommes pas d’accord. Un LR à Matignon ? Avec qui ? Les seuls avec qui nous avons des idées communes, ce sont les centristes. Le gaullisme, ce n’est pas du tripatouillage. Le scrutin ne peut pas toujours être écarté », concède-t-il. « Aujourd’hui, je constate que c’est le Nouveau Front Populaire qui l’a emporté, que cela nous plaise ou non. » Il se place ainsi dans la même ligne que Laurent Wauquiez, qui a appelé dimanche soir sur X à se garder des coalitions : « Je vois bien la tentation des tractations, des combinaisons, pour échafauder des majorités contre-nature. Ce sera sans nous. […] Pour nous, il n’y aura ni coalition ni compromission. » Pour le sénateur Philippe Bas, la coalition est même impossible : « Pas de coalition possible entre la gauche, le centre et la droite, en désaccord sur la politique économique et sociale et sur les questions régaliennes. » Une telle manœuvre serait mal acceptée par les électeurs : « Les électeurs ne nous ont pas mandatés pour ajouter à la confusion mais pour éviter le RN ».
Pour Roger Karoutchi, le choix d’un LR pour Matignon serait même « étonnant » : « Le président a intérêt à aller chercher quelqu’un d’extérieur à l’Assemblée nationale et aux partis, comme Jean Castex, avec un profil apte à rassembler », énonce le sénateur LR.
« Pas de chèque en blanc, pas d’obstruction »
Un refus de coalition qui irait jusqu’au refus du travail avec d’autres forces politiques à l’Assemblée ? Ce n’est pas le chemin qui est jusqu’ici tracé : « Pas de chèque en blanc, pas d’obstruction, soutenir ce qui ira dans le bon sens, m’opposer quand ce n’est pas le cas, être force de proposition » énonce Thibault Bazin, aligné avec Hubert Brigand qui veut « appuyer les textes qui vont dans le bon sens. »
Quel avenir peut-il espérer, ce nouveau groupe LR ? Pour Max Brisson, il est sûr que « ce groupe va exister et être important, parce que l’Assemblée nationale est dispersée façon puzzle, parce que tous les groupes vont compter : c’est le retour à une vraie vie parlementaire. » Même son de cloche chez Hubert Brigand qui est persuadé d’une nouvelle force pour LR dans la 17e mandature : « Nous allons peser plus dans le fonctionnement de l’Assemblée Nationale : tous les groupes vont être à notre écoute pour chercher nos voix, nous aurons une position importante et stratégique. » Les députés LR disposent d’un « avantage » par rapport aux autres groupes, selon Max Brisson : « la possibilité de s’appuyer sur un groupe fort au Sénat, dans un travail en commun auquel j’aspire et qui est à construire. »
Tourner la page de 2017
Iront-ils jusqu’à renouer avec les anciens LR partis chez Emmanuel Macron en 2017, Gérald Darmanin, qu’ils vont côtoyer à l’Assemblée, ou les philippistes d’Horizons ? Rien n’est fermé pour Roger Karoutchi, qui évoque la capacité de celui qui est toujours ministre de l’Intérieur à « être un lien et à discuter. » « Avec les philippistes et les darmanistes le dialogue n’est pas rompu il ne l’a jamais été, il faudrait au contraire le reprendre. Il faut tourner la page de 2017 », conclut-il.
Il y a comme une sorte de prudence voire de lassitude chez certains élus de droite : à quoi bon se perdre en calculs politiciens, si tout doit recommencer dans un an ? « Il ne faut pas tout calculer aujourd’hui si on rebat les cartes dans un an… », prévient ce ténor du palais du Luxembourg.
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