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Au Sénat, une proposition de loi communiste pour inscrire une Charte des services publics dans la Constitution : une réponse face au « désarroi » des citoyens

Déposée par le groupe communiste, une proposition de loi pour inscrire une Charte des services publics dans la Constitution sera débattue au Palais du Luxembourg ce mercredi 30 octobre. Objectif : garantir un accès de qualité dans tous les territoires.
Quentin Gérard

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Ce n’est pas simplement pour marquer le coup dans ce contexte d’assainissement des comptes publics promet Cécile Cukierman, présidente du groupe communiste au Sénat. La preuve, « cette proposition de loi a été décidé en réunion de groupe mi-juillet ». Soit, bien avant la composition du nouveau gouvernement. Dans tous les cas, elle sera examinée en commission des Lois ce mercredi 23 octobre, avant d’arriver en séance publique mercredi 30 octobre dans la niche du groupe communiste, accompagné d’un autre texte sur la prise en charge intégrale des soins du cancer du sein. (Lire notre article).

L’objectif est d’inscrire une « Charte des services publics » dans le préambule de la Constitution de la Ve République. Elle viendrait après la mention de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, du préambule de la Constitution de 1946 et de la Charte de l’environnement de 2004. C’est d’ailleurs sur le principe de cet ajout de Jacques Chirac que la sénatrice de la Loire s’est inspirée. « Les principes fondamentaux du service public doivent être portés au niveau de nos grands principes constitutionnels, les rendant immuables et irrévocables », justifie Cécile Cukierman.

« Sentiment de délaissement »

Cette charte dans la Constitution se veut une réponse au « désarroi », à la « colère », au « sentiment de délaissement » ou « d’abandon de la République » des citoyens face à la « remise en cause de grands services publics », assène la patronne du groupe communiste lors d’une conférence de presse. « La reconstruction de ces services publics constitue une ambition très largement partagée dans la population », assure l’élue. Elle en veut pour preuve que « les élections européennes et législatives ont été marquées par le rejet des politiques libérales d’Emmanuel Macron, à l’origine de cette crise profonde ».

En inscrivant les services publics au plus haut niveau de la hiérarchie des normes, les communistes veulent « protéger les usagers et assurer que dans tous les territoires, ruraux, urbains ou ultramarins, nos concitoyens aient les mêmes accès. C’est ce qui fait du commun et fait vivre l’égalité républicaine », indique Cécile Cukierman. Elle ajoute : « A l’heure où on parle de la citoyenneté, il faut que la puissance publique respecte les citoyens ».

La porte-parole du Parti Communiste se désole de « l’agressivité envers certains agents d’accueil » ou la « crise des Gilets Jaunes », causées par la « fragilisation des services publics ». Pour elle, « tout ça, c’est le carburant d’une colère qui mène trop souvent au vote Rassemblement national ». Et de poursuivre : « La fermeture de bureaux de poste, de centres des impôts, de services de maternité, d’urgences, de tribunaux, de commissariats, la suppression des classes et de petites lignes de train fragilisent les territoires et alimentent ce vote ».

« Des services publics de qualité deviendront une obligation »

Concrètement, avec cette charte, certains budgets, transcriptions de directives européennes ou choix politiques pourraient être reconnus comme inconstitutionnels. « Au même titre que la charte de l’environnement, il faut se dire que des services publics de qualité deviendront une obligation que tout gouvernement et parlement devront avoir en tête. Si ce n’est pas respecté, les citoyens pourront s’en remettre aux juridictions », explique l’élue. Et d’ajouter : « Les gens attendent des moyens supplémentaires pour les services publics. Le principe de les constitutionnaliser rend indispensable les moyens qui en découleront demain ».

La proposition de loi constitutionnelle édicte une définition du service public. « Il n’a jamais été clairement défini », souffle la présidente du groupe communiste au Sénat. Il est notamment rappelé qu’il intègre « le développement social, culturel, éducatif, économique et personnel de la société toute entière ». Parmi les huit articles, il est énoncé « qu’il revient à l’Etat de préserver et de s’assurer du bon fonctionnement des services publics et qu’ils permettent la gratuité ou une tarification juste et efficace ». Mais aussi que les principes du service public sont « l’égalité, la continuité, la neutralité, l’adaptabilité et l’accessibilité, et la proximité ». L’article 6 précise lui que « si la modification du périmètre du service public n’est pas exclue, elle doit être précédée d’une évaluation sociale, environnementale et économique ».

Ne pas ouvrir la boîte de Pandore sur la Constitution

En ajoutant la charte des services publics au préambule de la Constitution, Cécile Cukierman veut faire attention à ne pas ouvrir la boîte de Pandore. La sénatrice a sûrement en tête la phrase de Montesquieu sur le fait de ne toucher à la Constitution uniquement « d’une main tremblante ». « Nous sommes conscients qu’il y a un risque dans lequel nous ne voulons pas tomber », assure l’ancienne professeure d’Histoire-géographie.

La proposition de loi constitutionnelle sera présentée mercredi 30 octobre après avoir été examinée à la commission des Lois la semaine précédente. Cécile Cukierman ne se fait pas d’illusion sur son sort : « Le texte pose question. Ici, personne n’est contre les services publics, mais de là à le rentrer dans la Constitution… ».

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