La Commission européenne devrait pouvoir entrer en fonction dès le 1er décembre après l’accord entre les trois principaux partis européens sur le collège des commissaires. Un accord qui illustre la place centrale de la droite européenne, prête à s’allier avec l’extrême droite.
Articles 49-3, 47-1 ou rejet du volet recettes : les trois options du gouvernement Barnier pour faire passer le budget
Par Théodore Azouze
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Choisir la bonne option pour valider le budget. Sans majorité à l’Assemblée nationale, le Premier ministre Michel Barnier fait face à une situation complexe pour tenter de faire adopter le projet de loi de finances (PLF) 2025 par les parlementaires. En commission des finances, la copie initiale du gouvernement avait été largement amendée, entre autres par la gauche et le Modem. Les députés du camp présidentiel, ainsi que ceux de la droite et du RN avaient voté contre de cette nouvelle version, conduisant à son rejet. Ces modifications avaient été critiquées par Michel Barnier lui-même comme une version devenue « insoutenable » pour les finances de l’État.
Depuis lundi, les députés sont donc revenus à l’examen de la mouture du PLF initialement souhaitée par le gouvernement. Plusieurs scénarios sont sur la table pour tenter de faire malgré tout faire adopter ce texte originel. Le recours à l’article 49-3 est une possibilité, mise « sur la table » du Conseil des ministres ce mercredi sans qu’elle soit pour le moment utilisée, a d’ailleurs confirmé sur France 2 la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon. L’activation de l’article 47, permettant de limiter le temps des débats sur le budget, est une autre option. À moins que le gouvernement ne se résigne à un rejet du volet recettes du PLF par les députés, dont le vote est prévu mardi prochain…
Le recours au 49-3, la solution la plus évidente ?
Utilisé 23 fois par Elisabeth Borne lorsqu’elle était à Matignon, l’article 49-3 pourrait constituer une nouvelle fois une solution pour faire passer le budget sans vote à l’Assemblée nationale. « Le Premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la Sécurité sociale », dispose la Constitution dans cet article.
Attention toutefois : si une motion de censure contre le gouvernement est déposée dans les 24 heures après le dépôt du recours au 49-3, puis adoptée par l’Assemblée nationale, cette procédure est annulée. Alors, le gouvernement doit démissionner et le projet de loi de finances n’est pas adopté.
Si Michel Barnier optait pour le passage en force du budget via 49-3, et qu’aucune motion de censure n’était adoptée contre son gouvernement, le Sénat prendrait alors la main pour mener les débats et amender le texte. La composition de la Chambre haute, avec une majorité ancrée à droite, serait alors bien plus favorable aux propositions de l’ex-négociateur du Brexit. Après son adoption au Sénat puis un examen par une commission mixte paritaire (CMP), constituée de députés et de sénateurs, le PLF devrait néanmoins de nouveau être validé à l’Assemblée nationale… où le gouvernement pourrait de nouveau activer le 49-3 dans les mêmes conditions.
L’article 47 pour laisser la main au Sénat ?
Un autre article, plus rarement utilisé, est souvent évoqué au moment de l’examen du budget de l’État – puis du budget de la Sécurité sociale – par les parlementaires. Il s’agit de l’article 47, dont le recours limite dans le temps l’examen des projets de loi de finances. Comme chaque année, le Parlement ne possède au total que soixante-dix jours pour débattre et adopter le PLF. Si députés et sénateurs ne se sont pas prononcés dans ce délai, « les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance », dispose la Constitution.
Or, le recours à l’alinéa 1 de cet article encadre encore davantage ce processus. Une fois l’article déclenché, l’Assemblée nationale n’a plus que quarante jours pour statuer sur le PLF. Si les députés ne parviennent pas à trouver un accord sur le texte, le gouvernement peut alors le renvoyer directement vers le Sénat. Ce dernier n’a à ce moment-là que quinze jours pour trouver un compromis. Mais, avantage de poids pour les sénateurs : ils récupèrent dans ce cas la priorité pour amender le projet de budget, au détriment des députés, dont les modifications sont abandonnées.
Une commission mixte paritaire (CMP), constituée de députés et de sénateurs, est ensuite chargée de statuer sur le texte. Comme en cas de recours à l’article 49-3, la priorité laissée au Sénat pour débattre du PLF pourrait être plutôt bénéfique au gouvernement de Michel Barnier, dont la famille politique est majoritaire au Palais du Luxembourg.
S’accommoder malgré tout d’un rejet du volet recettes ?
Déjà rejeté en commission des finances à l’Assemblée nationale, le volet recettes du PLF fait face à une forte probabilité d’être aussi repoussé lors du scrutin dans l’hémicycle. Les députés doivent se prononcer solennellement le mardi 29 octobre sur cette part du budget, au moment où l’examen du volet dépenses aura déjà débuté en commission.
Une des questions est déjà de savoir si l’ensemble des 3.700 amendements déposés par les différents groupes politiques pourraient être étudiés avant cette date. Même si certains d’entre eux pourraient être retirés, notamment par la gauche, le rapporteur général du budget, Charles de Courson (Liot) a jugé que l’Assemblée était « incapable d’examiner autant d’amendements dans les délais impartis ».
Si les débats venaient à leur terme – ou qu’un report d’une date de la fin de l’examen était annoncé – l’éventualité pour le gouvernement constituerait à s’accommoder de la décision des députés, y compris d’un possible rejet. Dans ce dernier cas, là encore, les sénateurs auraient la voie libre pour modifier le texte du gouvernement, tout en étant probablement plus conciliants que les députés vis-à-vis des propositions de Michel Barnier.
Le volet dépenses du budget ne serait pas non plus examiné en première lecture à l’Assemblée et serait d’emblée lui aussi envoyé vers le Sénat pour être débattu. Après une possible adoption au Sénat, le PLF pourrait se conclure par une CMP plus favorable au gouvernement afin d’adopter définitivement le budget.
Lors de sa venue au Sénat, mardi, Michel Barnier a rencontré les sénateurs LR. Pour le moment, le locataire de Matignon continue d’afficher sa volonté de poursuite des débats. « Le Premier ministre nous a dit qu’il laisserait se dérouler la discussion budgétaire à l’Assemblée, réagissait auprès de Public Sénat la sénatrice des Hauts-de-Seine Christine Lavarde après ce rendez-vous. Si les députés rejettent la partie recettes, dans ce cas, le texte arrivera au Sénat sans que la partie dépenses ne soit examinée à l’Assemblée, mais ça ne changera pas notre calendrier. »
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