Les derniers jours de campagne avant le verdict des urnes se comptent maintenant sur les doigts d’une main. Une nouvelle phase va s’ouvrir, sitôt la seule photographie électorale de la France avant 2026 révélée. En fonction des résultats, l’après 9 juin pourrait marquer un tournant pour certaines formations politiques. Sous la menace d’un vote sanction violent, à en croire le flot continu des enquêtes d’opinion, les forces engagées dans la liste présidentielle seront sans doute amenées à se livrer à cet exercice d’introspection et à tirer des conclusions pour la suite.
En raison de ses ambitions affichées pour 2027, l’ancien Premier ministre Edouard Philippe va être particulièrement scruté. À Horizons, l’agenda des prochains jours est en tout cas bien rempli. Un bureau politique est convoqué ce mardi, suivi d’un second le lundi 10 juin, au lendemain des élections. Édouard Philippe doit également recevoir des parlementaires Horizons le mardi 11 au siège parisien du parti, avenue d’Iéna, a appris Public Sénat.
Deux moments pour « étudier les résultats », un « débriefing normal », précise un participant, bien en peine de savoir ce qui pourrait en ressortir. « Il se peut qu’il en sorte un message particulier », imagine-t-il.
« Il faudra évidemment tirer les conséquences, en bien ou en mal, du résultat des européennes »
Beaucoup au sein du cortège parlementaire ne souhaitent pas brûler les étapes. « Pour l’instant, on est dans la campagne. On n’est pas en train de penser à l’après-élection. On est en plein dans le combat », insiste Louis Vogel, le chef du pôle idées aux côtés de la députée Naïma Moutchou. « On n’est pas en train de tirer les leçons d’un résultat que l’on n’a pas encore », ajoute le sénateur de Seine-et-Marne.
« Le sujet, c’est de rester loyal et libre », renchérit le sénateur Emmanuel Capus, en référence au mantra que martèle à longueur de temps Édouard Philippe. « Il n’y a pas de raison particulière de modifier notre positionnement aujourd’hui. Il faudra évidemment tirer les conséquences, en bien ou en mal, du résultat des européennes, mais aujourd’hui le sujet, c’est de gagner les élections et de ne pas laisser le champ libre à Jordan Bardella », insiste le sénateur du Maine-et-Loire.
Il n’empêche, des récentes déclaration d’Édouard Philippe ont parfois sonné comme une critique voilée de l’action présidentielle, ce qui n’a pas échappé non plus aux parlementaires le soutenant. « Aujourd’hui, le problème, c’est qu’on ne réforme pas grand-chose », grinçait-il le 26 février devant nos confrères de l’Opinion, quelques jours après l’annonce de dix milliards d’euros d’économies d’urgence. Autres propos tenus publiquement le 21 mai, qui avaient provoqué quelques remous dans la majorité présidentielle, en pleine crise calédonienne : « J’espère que les annonces du président Macron seront à la hauteur de la situation. » Cinq jours plus tard, sur LCI, le maire du Havre qualifiait de « surprenant » le fait qu’Emmanuel Macron propose un débat à Marine Le Pen.
« Il faut gentiment montrer qu’Édouard va prendre le lead, sans casser la vaisselle »
« On le sent déjà, le top a été donné avant même la fin des européennes, ça lui a été reproché », observe le sénateur Horizons Franck Dhersin, convaincu avec d’autres au sein du parti que les choses doivent, et vont, s’accélérer après le mois de juin. Les retours de terrain, dans cette campagne difficile des européennes, ont nourri son constat. « On voit que dans cette élection, ce qui motive les gens malheureusement, c’est surtout un rejet du président de la République. Celui qui apparaît comme un héritier d’Emmanuel Macron, il a perdu, à tort ou à raison », met en garde le sénateur du Nord.
Cultiver sa propre ligne, sans trop renier sa participation à l’aventure macroniste depuis 2017, Édouard Philippe a fait une démonstration de ce jeu d’équilibriste le 26 mai sur LCI. D’un côté, il a manifesté une forme de gratitude à l’égard du chef de l’État. « Je sais qu’il a choisi de me nommer Premier ministre, ce n’était pas un choix évident et je lui en serais toujours reconnaissant. » En parallèle, l’ancien Premier ministre a aussi mis en exergue sa différence et son propre parcours. « Mais pardon, j’ai commencé ma vie politique avant Emmanuel Macron. J’ai été élu maire du Havre et député contre un gouvernement dans lequel il a fini par être ministre, donc je ne lui dois pas le début de ma vie politique. Je ne lui dois pas non plus, me semble-t-il, ma réélection comme maire du Havre en 2020. »
Comment concilier « loyauté » et « liberté », selon les deux vocables chers aux philippistes ? « C’est un équilibre difficile à trouver. Il y a encore deux ans à faire », rappelle le sénateur Franck Dhersin, tout en étant favorable à davantage de différenciation. « Il est clair qu’Edouard Philippe doit, après les européennes, montrer qu’il dirige de façon différente du président Macron, à la fois dans les idées, dans l’utilisation de la Ve République, et dans sa façon de gérer les corps intermédiaires […] Il faut gentiment montrer qu’Édouard va prendre le lead, sans casser la vaisselle. »
« Il faut arriver avec des propositions »
Concentré pour le moment sur l’échéance des européennes, son collègue Emmanuel Capus n’occulte pas non plus l’avenir et les autres chantiers qui se poseront pour le mouvement. « Évidemment on a tous en tête les prochaines élections qui seront, d’abord les élections municipales en 2026 et ensuite l’élection présidentielle », se projette le sénateur. Actuellement, le travail autour d’un programme se poursuit, avec le concours de 350 personnes. « Il faut arriver avec des propositions, testées auprès de nos militants et de nos comités locaux. On veut offrir de l’ancrage et des idées », explique l’un de ses animateurs, défend Louis Vogel.
Quoi qu’il se passe au soir du 9 juin, les parlementaires Horizons rencontrés n’imaginent aucun mouvement dans l’immédiat. En somme, attendre que la poussière retombe, et scruter l’après Jeux olympiques. « Je pense plutôt que les choses vont se décanter à la rentrée », s’avance un sénateur. L’automne s’annonce mouvementé avec le risque d’une motion de censure déposée par LR en cas de projet de loi de finances pour 2025 décevant.
Les questionnements et les éventuelles grandes manœuvres ne sont pas propres à Horizons, dans le camp présidentiel. Le patron du Modem, François Bayrou, a déjà largement enjambé le dimanche électoral du 9 juin, en lançant un appel dès le 26 mai sur France Inter. « Je plaide pour qu’à partir du 10 juin, on dessine un paysage politique nouveau », a tonné l’ancien ministre, favorable à un « rassemblement » de « gens différents pour travailler ensemble ».