Deplacement du Premier Ministre a Viry-Chatillon

Après les annonces de Gabriel Attal pour contrer la violence des jeunes, les sénateurs attendent « des actes »

Le Premier ministre a annoncé plusieurs mesures relatives à l’école, la famille et les réseaux sociaux dans le cadre d’un discours où il a demandé un « sursaut d’autorité ». Si le diagnostic sur la violence des jeunes est partagé par les sénateurs de tous bords, ils veulent maintenant savoir comment cela se traduira concrètement.
Stephane Duguet

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Le calendrier fixé par le Premier ministre a été clair. Il donne huit semaines « et pas une de plus » pour mettre en place son « sursaut d’autorité » auprès des plus jeunes et de leurs familles. Ces discussions traduisent la volonté d’Emmanuel Macron d’organiser un « Grenelle » sur les violences entre les mineurs comme le révélaient hier nos confrères du Parisien. Pour en annoncer les détails, ainsi que plusieurs mesures en lien avec « l’autorité », Gabriel Attal a prononcé un discours ce jeudi 18 avril dans la ville de Viry-Châtillon devenue le symbole des violences entre les mineurs après la mort de Shemseddine, 15 ans, battu à mort en rentrant du collège il y a deux semaines.

Un « Grenelle » qui ne fait pas l’unanimité

La perspective de l’organisation d’un « Grenelle » des violences entre les mineurs n’a guère plu au président du Sénat. « Nous avons besoin d’actes, pas d’un nouveau Grenelle. Nous avons besoin d’actes devant le Parlement et des actes qui apportent une réponse à cette perte de repères de notre société », a-t-il lancé sur Europe 1 ce jeudi. « Sur le diagnostic on est tous d’accord, mais on vient de rendre un rapport au Sénat suite aux émeutes de cet été, il y a aussi des recherches universitaires sur le sujet donc je ne suis pas sûr qu’on ait besoin d’un énième grenelle. La question, c’est plutôt que fait-on maintenant ? »

Si la feuille de route définitive ne sera officialisée qu’au terme de ces huit semaines de « travail collectif », Gabriel Attal a listé plusieurs mesures dans tous les domaines : la responsabilisation des parents, l’école, le durcissement des sanctions pénales contre les mineurs ou encore le contrôle des écrans et des réseaux sociaux. « C’est une réaffirmation de l’autorité de l’école et de la responsabilité des parents, sans les stigmatiser », se réjouit Xavier Iacovelli, sénateur Renaissance des Hauts-de-Seine.

Parmi les mesures annoncées, Gabriel Attal souhaite que les « parents défaillants », qui ne se plieraient pas à leurs obligations parentales puissent être sanctionnés par des travaux d’intérêt général. « Les convocations du juge, on s’y rend », rappelle le Premier ministre qui planche pour donner la possibilité aux juges pour enfants de prononcer une amende aux parents tentés de sécher leurs convocations. Il ajoute également qu’en cas de dégâts causés par l’enfant, ce sont les deux parents, même si l’un des deux a quitté le domicile, qui seront considérés comme responsables et devront payer la réparation.

« Les mots sont percutants, le diagnostic est bon, mais à l’arrivée les mesures ne permettent pas de mettre en œuvre la politique qu’il énonce », considère Marc-Philippe Daubresse, sénateur Les Républicains du Nord. « Nous avions travaillé sur une suppression des allocations familiales en cas d’actes délinquants répétés. Là-dessus, nous n’avons rien de déterminant », regrette l’ancien ministre chargé de la Jeunesse et des Solidarités sous Nicolas Sarkozy.

« Epée de Damoclès au-dessus de la tête de tout un tas de jeunes »

Toujours en lien avec l’école, Gabriel Attal a lancé la proposition de corréler le comportement d’un élève avec ses résultats au CAP, au brevet ou au BAC. « Je suis favorable à ce que les jeunes qui perturbent le plus gravement les cours se voient sanctionnés sur leur brevet, leur CAP ou leur bac et qu’une mention soit apposée sur leur dossier Parcoursup lorsqu’ils ont gravement perturbé la vie de l’établissement pour que cela ait un impact », souligne-t-il. Bien qu’ils aient la possibilité d’effacer ces sanctions contre des travaux d’intérêt général, Guy Benarroche, sénateur écologiste s’y oppose fermement : « Comment on définit un élève perturbateur ? J’en ai connu des élèves perturbateurs qui avaient des sanctions disciplinaires mais qui ne généraient pas de violence. Là, on a l’impression de mettre une épée de Damoclès au-dessus de la tête de tout un tas de jeunes ».

En revanche, le sénateur des Bouches-du-Rhône est favorable à la proposition émise par Nicole Belloubet, ministre de l’Education, d’interdire les téléphones portables dans les établissements scolaires. Cela permettrait, selon lui, de lutter contre la diffusion d’images violentes, contre le harcèlement, le trafic de drogue auprès des jeunes. « On n’arrive pas à lutter contre cela parce qu’on ne prend pas de mesures contre les diffuseurs », déplore Guy Benarroche. Pour y remédier, Gabriel Attal s’est engagé à ce que soit appliquée la loi sur la majorité numérique fixée à 15 ans. « Ça pourrait passer par un scan de la pièce d’identité pour s’inscrire sur certains sites, il ne faut pas que ce soit tabou », estime Xavier Iacovelli.

Importance de la lutte contre le trafic de drogue

Parmi les pistes envisagées, le gouvernement réfléchit également à modifier le droit pénal pour les mineurs en élargissant les dérogations à l’excuse de minorité qui permet aux mineurs d’être sanctionnés moins durement que les adultes. « Être mineur ne peut pas tout excuser, il faut qu’on puisse avoir le débat », plaide le sénateur Renaissance des Hauts-de-Seine. La réflexion portera aussi sur la possibilité d’être jugé en comparution immédiate à partir de 16 ans, comme un majeur. « Si on pense qu’à 16 ans on est plus mineur devant la justice, alors il faut qu’on ne soit plus mineur du tout », tempête Guy Benarroche, contre la mise en place d’une telle mesure.

A droite, Marc-Philippe Daubresse pousse dans le sens inverse. « Dans de très nombreux cas, l’excuse de minorité crée un sentiment d’impunité chez les jeunes. Tant qu’on n’y touchera pas, on ne fera rien ». « Les mesures évoquées ne suffiront pas, il faut oser la révolution pénale, écrit de son côté Bruno Retailleau, patron du groupe LR au Sénat sur X. Les courtes peines ne peuvent pas rester taboues ». Les deux sénateurs Les Républicains estiment que le débat organisé pour trancher cette mesure est inutile. « C’est le problème du en même temps avec d’un côté Gérald Darmanin qui veut pousser plus loin la répression et de l’autre Éric Dupond-Moretti qui dit calmons-nous », souligne le sénateur du Nord.

Marc-Philippe Daubresse comme Guy Benarroche expliquent aussi qu’il faut lutter contre le trafic de drogue pour protéger les plus jeunes. Dans son allocution, Gabriel Attal proposait que l’Etat enjoigne les familles à mettre leurs enfants en internat « avant qu’il ne tombe vraiment dans la délinquance ». Il y a des « dizaines de milliers de places désespérément vides », insiste le chef du gouvernement. « Pourquoi pas si ça peut bénéficier à certains, mais on ne pourra pas tous les mettre à l’internat », regrette Guy Benarroche, par ailleurs membre de la commission d’enquête sénatoriale sur le narcotrafic. Sur ce sujet, comme sur les autres « la force du verbe n’est en rien suivie par la force des actes », note Marc-Philippe Daubresse.

 

Aider les familles en difficulté

Au-delà du volet répressif des mesures annoncées, le gouvernement a affirmé par souci « d’équilibre » aider les familles qui en avaient besoin et notamment les familles monoparentales. « Ce sont souvent des femmes seules, pour qui les difficultés s’accumulent », décrit le Premier ministre. Ainsi, il s’appuiera sur la mission d’information sur les aides aux familles monoparentales confiée au sénateur Renaissance Xavier Iacovelli ainsi qu’à sa collègue députée Fanta Berete. « Nous apporterons des réponses sur l’accompagnement dans le logement ou encore le travail », explique-t-il. Les conclusions seront dévoilées en septembre.

Gabriel Attal a insisté : « Tout n’est pas affaire de répression. […] La prévention, l’attention, l’environnement que l’on crée pour nos jeunes est aussi au cœur de ce que nous voulons faire. » Cécile Cukierman, demande de son côté des moyens humains car « nous disposons déjà de l’arsenal législatif en matière de prévention et de répression » pour répondre « au vrai problème de cette violence entre jeunes ». « Mais je ne suis pas naïve, ce n’est pas qu’une question de déploiement de personnel humain, c’est aussi une image de société à renvoyer sur les jeunes », avance la sénatrice communiste.

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