Weekly Cabinet Meeting, Elysee Palace, Paris, France – 12 Jan 2024

Après la nomination de Rachida Dati au gouvernement, les sénateurs LR pointent un nouveau « coup de bambou » pour LR

Face à l’arrivée de Rachida Dati au gouvernement, les LR ne peuvent que regretter un « coup de tonnerre », qui affaiblit un peu plus une droite qui relevait la tête depuis le texte immigration. Ce « coup de com’ » impacte les élus LR de la capitale, alors que Rachida Dati vise la mairie. « La droite parisienne est déboussolée », selon l’ancien sénateur de droite, Philippe Dominati.
François Vignal

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Ils n’ont pas vu le coup venir. On pouvait croire qu’Emmanuel Macron avait fini de dépecer les LR. C’était sans compter avec Rachida Dati. La maire du 7e arrondissement de Paris a été nommée, à la surprise générale, ministre de la Culture du gouvernement Attal. Pour la droite, c’est un nouveau coup dur. Eric Ciotti n’a pas attendu : dès jeudi soir, le président des LR a annoncé son exclusion du parti dans un communiqué laconique.

« Emmanuel Macron continue son travail de sape de notre famille politique »

Chez les sénateurs LR, on ne se bouscule pas ce vendredi pour réagir à ce coup politique qui retient l’attention. Plusieurs préfèrent s’empêcher « off the record ». « C’est un coup de bambou », lâche un cadre du groupe LR de la Haute assemblée, « une prise de guerre visible, avec une personnalité qui existe, qui a un poids politique ». « C’est une mauvaise nouvelle pour notre famille politique », ne peut que constater un autre sénateur LR. « Force est de constater qu’après le rebond, suite au projet de loi immigration, où LR a pesé dans le débat public et a pu ressortir la tête de l’eau, cette annonce est un coup de tonnerre pour notre famille politique », continue le même, qui ajoute : « Emmanuel Macron continue son travail de sape de notre famille politique ».

Pour un sénateur LR plutôt clément, mais qui ne préfère pas apparaître, « il y a une forme de logique avec Dati. Elle a toujours été plutôt sur l’idée d’avoir un pacte avec la majorité présidentielle à l’Assemblée. Je pense aussi qu’on ne peut pas avoir un pays qui est très difficile à gouverner, dans les conditions actuelles. J’essaie de croire qu’on peut servir le pays, qu’il y a un intérêt supérieur pour redresser la France ». Mais « ce n’est pas une histoire de casting. Si on se limite à ça, ça se fracassera sur les réalités et ce sera encore plus violent », met en garde cette figure du groupe.

« Et après on s’étonne que nous ne soyons pas toujours conciliants avec le président Macron… On nous met la tête sous l’eau »

En cherchant bien, d’autres acceptent cependant de réagir en leur nom. « Ce n’est pas le premier débauchage. Mais la politique de débauchage, c’est à chaque fois un peu plus d’humiliation, un peu plus de déconsidération, et après on s’étonne que nous ne soyons pas toujours conciliants avec le président Macron… On nous met la tête sous l’eau et après, on s’étonne que nous soyons parfois – je pense à mes collègues députés – pas tout à fait en ligne avec la politique du gouvernement », réagit Max Brisson, sénateur LR des Pyrénées-Atlantiques, qui constate qu’« Emmanuel Macron fait son marché. Il y a toujours de belles âmes pour trouver que l’herbe est plus verte à côté ».

Le président LR de la commission des lois, François-Noël Buffet, se montre plutôt conciliant. « J’ai toujours eu de bonnes relations avec Rachida Dati, quand elle était ministre. A titre personnel, je n’ai rien contre elle. Sur le fond, elle a toutes les qualités pour remplir la mission qui est la sienne. Elle y mettra à la fois le dynamisme et la détermination qu’on lui connaît. Et un regard moins de technicienne, qu’un regard plus politique, plus grand public », pense le sénateur LR du Rhône. Mais François-Noël Buffet reconnaît que « force est de constater que ça ne nous fait pas de bien. C’est sûr. C’est parfaitement regrettable. Dont acte ». « Ces débauchages sont un non-événement pour moi », balaie pour sa part le sénateur LR du Val-d’Oise, Arnaud Bazin, selon qui « cette formation de gouvernement est assez pathétique »…

« C’est un deal, pour Paris, où chacun doit être gagnant-gagnant »

« Je ne vais pas vous dire que c’est une bonne nouvelle. C’est quelqu’un d’appréciée dans notre famille politique. Je l’apprécie aussi. Je ne suis pas là pour brûler ce qu’on a adoré la veille. Mais son choix n’est pas une démarche des LR, c’est une démarche personnelle, probablement dans le cadre de ses ambitions à Paris », affirme le sénateur LR des Alpes-Maritimes, Philippe Tabarot. Il pense néanmoins « quand le soufflet va retomber, on va reprendre notre travail de fond. Et je ne vois pas comment ce gouvernement pourrait faire évoluer le problème de l’impasse de la majorité qu’ils n’ont pas à l’Assemblée ». « C’est un petit coup de déstabilisation. Une figure du sarkozysme qui s’en va, ce n’est pas rigolo », constate de son côté Sophie Primas, vice-présidente LR du Sénat. Elle ajoute :

 C’est un coup de com’. Je dois dire qu’il est assez réussi. C’est très fort… 

Sophie Primas, sénatrice LR des Yvelines.

La sénatrice des Yvelines pense aussi « que c’est un deal, pour Paris, où chacun doit être gagnant-gagnant. Je n’imagine pas que Rachida Dati ait pris le risque de la rupture avec sa famille politique sans prendre des garanties sur autre chose. Evidemment, on pense tous à la mairie de Paris, qu’elle vise ».

« Ça fracture encore plus l’opposition »

Du côté des sénateurs LR de la capitale justement, on ne se bat pas pour réagir… Rachida Dati a annoncé la veille sa décision à son groupe, au Conseil de Paris. Peut-être que certains ont encore besoin de digérer la nouvelle, ou bien d’en mesurer toutes les conséquences.

Il faut se tourner du côté des anciens sénateurs, qui connaissent bien la droite parisienne, pour avoir un son de cloche. « La droite parisienne est déboussolée. La moitié est par terre, ils ne savent pas quoi faire. Ils avaient quelqu’un qui leur disait « on va voir ce qu’on va voir », et là, ils ne savent plus s’ils seront dans le package », glisse Philippe Dominati, qui était sénateur de Paris jusqu’en septembre. Cet ancien LR y voit pour Rachida Dati « une belle revanche pour elle, à titre individuel. Je comprends qu’elle puise partir au gouvernement. C’est une demi-surprise. Mais sur le plan politique, ça ne peut que rajouter de la confusion et affaiblir une coalition pour reprendre la mairie de Paris. Ça fracture encore plus l’opposition ».

« Une bonne idée pour la reconquête de Paris » salue le sarkozyste Pierre Charon

Un autre ex-sénateur LR ne se prive pas de saluer l’arrivée de l’ancienne garde des Sceaux de Nicolas Sarkozy au gouvernement. C’est Pierre Charon. « C’est la bonne idée pour la reconquête de Paris et la suite logique de ma liste “Libérons Paris”, où j’ai tenté de réunir Modem/Horizons et LR aux sénatoriales, prémices de la future liste Dati ! Donc je me réjouis de sa nomination, tout en regrettant son éviction de LR par Eric Ciotti qui n’a rien compris à Paris ! Déjà sur Nice, il fait une fixation mais de grâce, qu’il ne s’occupe pas de Paris ! » nous a textoté ce sarkozyste historique, qui est devenu, à l’image de l’ex-chef de l’Etat, Macron compatible. Certains ont d’ailleurs voulu voir la main de Nicolas Sarkozy derrière cette nomination.

Le « deal » dont tout le monde parle s’explique assez aisément. « Elle a dit aux élus de droite, je serai la courroie de transmission pour faire une coalition avec Macron aux municipales. C’est un discours que je tiens depuis des années, avec d’autres. Je comprends ce plan. Il y a une nécessité, si on veut avoir un projet sérieux pour Paris, d’essayer de parler aux mêmes électeurs. Sauf que concrètement, elle est mal placée pour réaliser cette manœuvre politique », tempère Philippe Dominati. Selon l’ancien sénateur, « le problème est de savoir si Rachida Dati va réussir à entraîner les élus du 15e, du 16e et du 17e, ou si ça va casser ? Autrement dit, est-ce que Macron a choisi Dati pour être candidate à Paris, ou est-ce qu’il l’a prise pour qu’elle amène des élus, avant de choisir un candidat macroniste ? » Mais Philippe Dominati met en garde contre ces calculs politiques : « A force de désarçonner les électeurs, avec des prises de guerre individuelle, et qui n’apportent rien sur le plan politique, ça affaiblit la base ».

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