François Bayrou écarte une suspension de la réforme des retraites
A quelques heures du discours de politique générale, le premier ministre a commencé à donner ses arbitrages aux présidents des groupes du socle commun.
Par François Vignal
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Ils n’entendent pas être la variable d’ajustement. Alors qu’on a surtout entendu la gauche, et notamment le PS, la semaine dernière, dans les discussions lancées par le gouvernement en vue du discours de politique générale, ce mardi, de François Bayrou, les LR font une piqûre de rappel à celui qui reste, au gouvernement, leur allié.
Laurent Wauquiez, président des LR, a mis la pression dans Le Parisien. Ayant le « sentiment que la priorité du gouvernement est de négocier une assurance vie auprès du Parti socialiste », il met clairement en garde : « Envisager de revenir sur la réforme des retraites sans proposer la moindre piste de financement, c’est irresponsable », prévient le patron des députés LR, avant d’ajouter : « Suspendre (la réforme des retraites) sans scénario alternatif revient à sauter dans le vide sans parachute. Ce sera sans la Droite républicaine ! »
Fixant trois priorités, « l’ordre », « l’immigration » et « le travail », il met la question fiscale aussi en haut de la pile. « Je ne voterai pas un budget avec de nouvelles hausses d’impôts », assure Laurent Wauquiez, qui regrette que « les ministres ne (leur aient) présenté aucune piste concrète d’économies ».
Toujours dans Le Parisien, Gérard Larcher s’est montré tout aussi clair sur les retraites. « Ni suspension, ni abrogation ! » lance le sénateur LR des Yvelines, « au Sénat, je ne conduirai pas une procédure de suspension ou d’abrogation ». En revanche, « les discussions avec les partenaires sociaux doivent se poursuivre, notamment sur trois questions : emploi des seniors, pénibilité et prévention, retraite progressive ». Sur la question des impôts, il se montre moins catégorique que Laurent Wauquiez : « Nous demandons à ce qu’il n’y ait pas de fiscalité supplémentaire en dehors de ce qui avait déjà été débattu au Sénat, à savoir la surtaxe sur les grandes entreprises et la taxation des plus hauts revenus », affirme Gérard Larcher.
Ligne suivie chez les sénateurs LR. « C’est une position unanime sur le sujet », souligne le sénateur LR Jean-François Husson, rapporteur général du budget au Sénat, qui ajoute : « Il faut discuter avec tout le monde. Mais si c’est pour tout remettre en cause, ce n’est pas ce dont a besoin de la France ». « Nous avons expliqué plusieurs fois, et réaffirmé quelles étaient nos priorités en matière budgétaire. Nous avons souligné l’urgence d’un rééquilibrage des finances publiques », rappelle-t-on dans l’entourage de Mathieu Darnaud, président du groupe LR du Sénat. Mais ce lundi après-midi, Jean-François Husson n’en savait toujours pas plus sur les pistes précises d’économies supplémentaires mises sur la table par le gouvernement. Un nouveau point est prévu, demain matin, avec l’exécutif.
Si lors de leur entretien à Bercy avec les LR, la semaine dernière, les ministres n’ont pas mis sur la table l’idée de revenir sur l’âge légal de départ à la retraite, la gauche assure que le gouvernement se montre ouvert pour réfléchir à la réforme. Pour Pascale Gruny, rapporteure pour la commission des affaires sociales de la branche vieillesse de la Sécu, lâcher sur les retraites serait « une ineptie, une catastrophe pour les finances futures, pour les retraités et peut-être pour les salariés et les entreprises ». « Nous dire maintenant, on va suspendre, on va abroger et la droite on va vous rassurer… c’est non ! C’est un recul considérable », renchérit le sénateur LR Roger Karoutchi, qui insiste : « Suspendre une réforme votée et dont l’application démarre, c’est une absurdité sans nom ». Regardez (images d’Adrien Pain et Cécile Sixou) :
« Concrètement, on ne connaît pas du tout la nature de la position du premier ministre. Donc pour l’instant, grande prudence », commence de son côté Philippe Mouiller, président LR de la commission des affaires sociales du Sénat. « Mais quoi qu’il en soit, je comprends la position de Laurent Wauquiez, qui est de pré-alerter avant demain sur les points sensibles pour les LR, notamment pour nous, la dimension financière de la réforme qui est essentielle, dans un contexte économique et financier tendu. On peut comprendre la négociation du premier ministre, mais à quel prix ? Jusqu’où on peut aller ? » demande le sénateur des Deux-Sèvres, qui lance : « On a du poids et on ne peut pas nous écarter des discussions en nous disant simplement qu’il faut apporter des garanties à la gauche ».
Les LR ne restent pas les bras croisés dans ce bras de fer. Alors que la gauche peut négocier, avec la perspective d’un accord de non-censure pour François Bayrou, la droite entend mettre dans la balance les voix qu’elle apporte au Parlement. « On n’est pas nous, dans une motion de censure, mais il y aura un débat, celui du budget, puis il y aura une commission mixte paritaire (CMP) derrière », avance Philippe Mouiller, qui rappelle que « notre vrai poids, il est dans le vote, dans l’accompagnement nécessaire que nous apportons au budget, à la fois le vote au Sénat, à l’Assemblée, et la CMP où on pèse beaucoup. Il y a au moins 4 LR en CMP »… Autrement dit, sans les LR, pas de majorité en CMP, où les députés et sénateurs cherchent des accords sur les textes. De quoi faire aussi réfléchir le premier ministre.
Roger Karoutchi agite aussi la menace. « Si au Sénat et à l’Assemblée nationale, nous ne votons pas les textes présentés par le gouvernement, il va s’appuyer sur qui ? » demande l’ancien ministre des Relations avec le Parlement. Gérard Larcher avait rendez-vous, aux côtés de son homologue de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, avec François Bayrou, en fin d’après-midi. Reste que le gouvernement cherche jusqu’ici, manifestement, à davantage trouver les bonnes grâces de la gauche. En fin de journée, le PS échangeait encore avec les responsables de Bercy.
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