SNCF : Gare Paris Montparnasse

Affiches du livre de Jordan Bardella dans les gares : que dit la loi sur la neutralité dans l’espace public ?

En décembre prochain, des affiches de promotion du livre du président du Rassemblement national pourraient faire leur apparition dans les gares SNCF. Une campagne publicitaire qui suscite la colère des syndicats de l’entreprise et pose une question : le principe de neutralité des services publics s’applique-t-il dans ce cas ? Explications.
Rose Amélie Becel

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Tout au long du mois de décembre, dans une centaine de gares, environ 600 panneaux pourraient faire la promotion du livre de Jordan Bardella, à paraître à la fin de l’année. Ce sont en tout cas les termes du contrat signé entre MediaTransports, la régie publicitaire de la SNCF et de la RATP, et Hachette Livre, propriété de Vincent Bolloré et maison mère de Fayard qui édite l’ouvrage du président du RN.

À l’origine, l’accord signé entre les deux parties ne précisait pas l’auteur du livre concerné par la campagne publicitaire, révélé par Libération le 16 octobre. Depuis, SUD-Rail s’est fendu d’un courrier pour faire part de sa colère à la direction de la SNCF. « Avec force et gravité, la fédération SUD-Rail vous interpelle et exige que Gares et Connexion, via sa régie publicitaire, refuse cette campagne d’affichage au service d’un parti politique d’extrême droite », dénonce le syndicat.

Un précédent qui avait conduit à une bataille judiciaire

Ce n’est pas la première fois qu’une campagne d’affichage publicitaire dans les transports fait parler d’elle. Le syndicat rappelle, par exemple, que MediaTransports avait suspendu au début de l’année la campagne d’affichage promotionnel du spectacle de l’humoriste Waly Dia. Selon la régie publicitaire, une partie de l’affiche du comédien présentait « un caractère politique incompatible avec le devoir de neutralité qui s’impose dans les transports publics ».

Dans les faits, l’encadrement par la loi du principe de neutralité et de laïcité dans les services de transports est longtemps resté un sujet complexe. Le sujet a déjà donné lieu à une bataille judiciaire, début 2020, entre la régie publicitaire de la SNCF et l’association anti-IVG et anti-PMA Alliance Vita. Dans le cadre des débats sur le projet de loi bioéthique qui débutaient alors au Sénat, une campagne d’affichage de l’association avait été lancée dans plusieurs gares franciliennes.

Interpellé par la maire de Paris, « profondément choquée » par la campagne, MediaTransports avait fait retirer les affiches. Mais, quelques jours plus tard, le tribunal judiciaire de Paris saisi par Alliance Vita avait ordonné le retour de la publicité dans les gares. « Les publicités peuvent présenter un caractère philosophique ou politique », avait à l’époque justifié le juge.

Les précisions de la loi confortant le respect des principes de la République

Mais alors, que dit la loi ? Avant 2021, le principe de neutralité et de laïcité des services publics ne s’appliquait pas directement aux organismes assurant une mission de service public. Mais la règle a changé avec la loi confortant le respect des principes de la République, promulguée en août 2021. Dans son article 1, elle étend ce principe de neutralité et de laïcité aux entreprises titulaires de contrats de marché public, aux bailleurs sociaux et aux organismes qui ont une mission de service public, comme la SNCF ou la RATP.

Pour l’heure, si la société a fait part à Libération de son « embarras » concernant la campagne pour le livre de Jordan Bardella, aucune décision de retrait des affiches n’a été prise. Auprès de France Info, MediaTransports précise attendre la réception des visuels de la campagne avant de prendre sa décision, pour en étudier le contenu. « Si les affiches promouvant le livre de Jordan Bardella comportent seulement sa photo, avec un titre neutre sans incitation à la haine ou à la violence, il n’y a aucun fondement légal à les interdire », explique auprès de La Croix l’avocate spécialisée en droit de la propriété intellectuelle Me Julie Jacob. De son côté, Jordan Bardella a dénoncé sur les réseaux sociaux des « tentatives d’intimidation » et un « appel à la censure ».

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