La Commission européenne devrait pouvoir entrer en fonction dès le 1er décembre après l’accord entre les trois principaux partis européens sur le collège des commissaires. Un accord qui illustre la place centrale de la droite européenne, prête à s’allier avec l’extrême droite.
Affaire Benalla : « Grandes manœuvres » avant le bureau du Sénat
Par Public Sénat
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Attention, vous entrez dans une zone de turbulence. Ce jeudi 21 mars, à 8h30, le bureau du Sénat se réunit. Un bureau pas comme les autres. Il devra se prononcer sur les suites à donner à la commission d’enquête Benalla. La question : faut-il transmettre au parquet, pour possible faux témoignage, les cas d’Alexandre Benalla, Vincent Crase, Alexis Kohler, Patrick Strzoda et celui du général Lavergne. Le président de la commission d’enquête, le sénateur LR Philippe Bas, a écrit au président LR du Sénat, Gérard Larcher, pour lui demander de saisir le bureau de la Haute assemblée de cette épineuse question. Le faux témoignage est un délit passible de 5 ans de prison et 75.000 euros d’amende.
Les cas d’Alexandre Benalla et Vincent Crase ne font pas débat. Tout le monde s’accorde pour dire qu’il y a eu parjure. Ceux d’Alexis Kohler, secrétaire général de la présidence de la République (voir la photo), Patrick Strzoda, le directeur de cabinet d’Emmanuel Macron, et du général Lavergne, chef du Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR), ne font en revanche pas consensus. Philippe Bas leur reproche des « omissions, incohérences et contradictions » suite à leurs auditions.
« Gérard est muet »
L’enjeu est de taille. Si le Sénat transmet au parquet les cas des proches de Macron, il remet une pièce dans la machine de l’affaire Benalla. Le contexte est tendu. Les esprits s’animent. « Ce sont les grandes manœuvres » lâche un connaisseur du Palais de Marie de Médicis…
Composé de 26 membres, le bureau du Sénat est une instance collégiale, où chaque groupe politique est représenté selon son importance. Chaque voix comptera. Après une incertitude, il est finalement confirmé que Gérard Larcher participera bien au vote, demain. Sa position est attendue. « Gérard est muet » glisse un membre du groupe LR. Dans Le Point, il affirme cependant se donner « pour seul objectif que la sécurité autour du président de la République, père de la nation, fonctionne ». « Je suivrai l'avis du bureau » ajoute le deuxième personnage de l’Etat. Il y a deux semaines, le sénateur des Yvelines assurait que le Sénat « ne dira que le droit, rien que le droit, tout le droit ».
« Le rapport de Valérie Létard est le secret le mieux gardé en ce moment »
L’autre parole attendue est celle de la sénatrice UDI, Valérie Létard. Avec l’appui des services du Sénat, elle est chargée de présenter un rapport sur la demande de transmission. « Son rapport est le secret le mieux gardé en ce moment » dit-on au Sénat.
Le bureau de la Haute assemblée est composé de 10 LR (y compris Gérard Larcher), 6 PS, 5 UC (centriste), 2 RDSE (à majorité radicale), 1 LREM, 1 CRCE (à majorité communiste) et 1 Indépendant. Le vote se fera à huis clos et à main levée. Autrement dit, chacun pourra voir ce que vote son voisin autour de la table. Selon nos informations, un membre du bureau sera absent demain, en raison d’un voyage prévu de longue date.
La majorité sénatoriale se retrouve divisée
Dans ce dossier, la majorité sénatoriale se retrouve divisée. Le président du groupe LR, Bruno Retailleau pousse pour transmettre au parquet. « Le mensonge n’est pas moindre quand il est commis par de hauts responsables » affirmait à publicsenat.fr le président de groupe LR début mars. A l’inverse, le président du groupe Union centriste, Hervé Marseille, s’y oppose et freine fort. Il ne serait pas étonnant que les sénateurs de son groupe, membres du bureau, suivent sa ligne.
Ce vote intéresse beaucoup de monde. Plusieurs sénateurs parlent de pressions « de toutes sortes », d’autres évoquent des postes… « Il y a des pressions de l’Elysée sur une partie des sénateurs » lâche-t-on. « Pressions » évoquées aussi sur Public Sénat par le sénateur LR, François Grosdidier, membre de la commission d’enquête (voir la vidéo). Certains pensent à la réforme constitutionnelle, qui se discute entre l’Elysée et le Sénat. « Si vous faites ça, on va poser problème au Sénat. Autrement, on sera gentil » résume-t-on, de source sénatoriale. « Ce serait du chantage » s’insurge une membre du bureau, plutôt tentée de transmettre. Elle ajoute : « Est-ce que le Sénat a intérêt à rentrer dans ce jeu des pressions ? Ça fragiliserait notre position. Et les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent… »
Fébrilité à la veille de la décision
Signe d’une certaine fébrilité à la veille de la décision, plusieurs membres du bureau, contactés par publicsenat.fr il y a deux semaines, ne donnent pas de nouvelle aujourd’hui. Début mars, plusieurs avaient clairement des doutes sur la nécessité de transmettre pour les proches de l’Elysée. Ce mardi, l’un des membres du bureau confie à publicsenat.fr hésiter encore :
« Honnêtement, je suis très indécis sur mon vote. Tout dépendra du rapport de Valérie Létard ».
D’autres penchent du côté de la commission d’enquête. « Je suis sur la ligne du président Bas » lâche un élu du bureau. « Personnellement, je suis dans une ambiance de fermeté » ajoute un autre sénateur, membre de la majorité sénatoriale.
Eric Bocquet (PCF) ne « comprendrait pas » que « le Sénat déjuge le travail de la commission d’enquête »
Quelques rares membres du bureau affichent leur position publiquement. « La décision que prendra le bureau demain sera une décision de droit. Et la commission d’enquête, de ce point de vue là, a été irréprochable » nous affirme le sénateur PS David Assouline. Son président de groupe, Patrick Kanner, demande à ses 6 sénateurs de voter la transmission. Même chose pour le sénateur PCF Eric Bocquet, qui ne « comprendrait pas » que « le Sénat déjuge le travail de la commission d’enquête » et « se fasse hara-kiri ». Regardez :
Invité de Public Sénat vendredi dernier, le questeur UDI Vincent Capo-Canellas, membre du bureau, a relayé la position d’Hervé Marseille. Pour ce qui est des trois proches du chef de l’Etat, « il y a plus qu’un doute » sur le parjure, « le parjure ne me paraît pas forcément acquis ». Vincent Capo-Canellas renvoie à la « jurisprudence concernant les faux témoignages » (voir ci-dessous). Dans le passé, le Sénat n’avait pas transmis le cas de Frédéric Oudéa, patron de la Société générale.
Jean-Marc Gabouty, sénateur Radical (membre du groupe RDSE) du bureau, affirme clairement à publicsenat.fr qu’« il n’y a pas matière à transmettre » les cas des trois proches de Macron :
« J’ai été un peu surpris de l’argumentation développée et des conclusions du président Bas et des rapporteurs. Philippe Bas est connu pour sa rigueur. Et là, les arguments mis en avant sont peu détaillés, relativement légers et comportent même des inexactitudes ou interprétation contestables » (Jean-Marc Gabouty, membre du bureau)
Le sénateur de la Haute-Vienne, ancien du groupe centriste a écrit à Valérie Létard pour lui transmettre ses appréciations. Un sénateur du bureau a même pris l’initiative de joindre l’Elysée pour avoir lui-même de nouvelles précisions.
« Certains disent qu’il ne faut pas enclencher la guerre totale avec l’exécutif »
Au-delà du bureau, si une majorité des sénateurs LR suivent leur président, le débat traverse aussi le groupe. Selon plusieurs sénateurs LR, Ladislas Poniatowski, élu de l’Eure, a pris la parole mardi en réunion de groupe pour exprimer ses doutes. « Il a estimé que dans le dialogue institutionnel en ce moment, c’était une forme d’agression, qu’on allait trop loin. Ensuite, Philippe Bas lui a répondu sur le plan juridique. L’explication était vive » rapporte un sénateur. « Et Bruno Retailleau a enfoncé le clou avec deux marteaux » complète un autre, qui s’oppose aussi à la transmission au parquet : « On est un certain nombre à penser que renvoyer le secrétaire général de l’Elysée et le directeur de cabinet relève de la démarque politique. Ce ne sont pas des voyous ces gens-là. Il y avait un petit loulou qui les a roulés dans la farine… »
Mais un autre sénateur du groupe n’a pas cette analyse. « Certains disent qu’il ne faut pas enclencher la guerre totale avec l’exécutif avant la réforme des institutions, qu’il serait tenté de se venger. Je ne crois pas que c’est recevable. Il vaut mieux ne pas être faible mais montrer au contraire son utilité » soutient ce sénateur LR.
Autre question : si jamais le bureau décide de transmettre, la décision pourra-t-elle compliquer les relations entre LR et centristes au sein de la majorité sénatoriale ? « Je ne suis pas sûr, dans cette hypothèse, qu’il y ait un climat serein » lâche un membre du groupe UC. Dans cette affaire, les pressions peuvent venir de toutes parts.