Accord de non-censure : le PS et Renaissance se rapprochent sur la méthode pour construire l’après-Barnier
Lancée par le PS, l’idée d’un accord de non-censure, qui irait du PS au LR, en passant par le bloc central, fait son chemin, pour construire l’après Barnier. Gabriel Attal reprend à son compte la proposition de Boris Vallaud, tout comme l’écologiste Yannick Jadot ou le centriste Hervé Marseille. Une ébauche de nouvelle majorité ? Les LR sont en revanche beaucoup moins allants. « On soutient Michel Barnier. On n’est pas obligés de soutenir le prochain gouvernement », prévient Max Brisson, porte-parole du groupe LR du Sénat.
Après la chute du gouvernement, quel plan B ? Sauf énorme coup de théâtre, le gouvernement Barnier va tomber ce mercredi soir, suite au vote très probable de la censure. Si Emmanuel Macron a sur le papier la possibilité de renommer le Savoyard à Matignon, c’est politiquement exclu. « Qu’est-ce que cela a comme sens ? » a demandé lui-même le premier ministre, mardi soir, invité de TF1 et France 2.
Depuis quelques jours, dans les couloirs du Parlement et des partis, ça phosphore. Une idée commence à faire son chemin : celle d’un pacte de non-censure qui irait du PS au LR, en passant par l’ex-majorité présidentielle. Elle vient du Parti socialiste, ou plus précisément de Boris Vallaud, à la tête du groupe PS de l’Assemblée. Sur France Inter, dimanche 24 novembre, le député PS des Landes avance son plan « de sortie de crise » : « Le pouvoir n’est pas à l’Elysée, le pouvoir n’est pas à Matignon. Il n’est qu’au Parlement. Donc je proposerai à tous les présidents de groupes de l’Assemblée et du Sénat, de l’arc républicain, de poser la question des conditions d’une non-censure », lance Boris Vallaud. L’objectif étant de « reprendre le fil que nous avons (commencé), à gauche, avec les groupes du NFP et du Sénat, à la mi-août, disant que nous sommes prêts à des compromis, texte par texte ».
Lundi, un communiqué signé du PS et des deux groupes parlementaires demande un « premier ministre partageant les valeurs de la gauche et s’engageant sur les chantiers prioritaires du Nouveau Front Populaire ». Autrement dit, plus forcément Lucie Castet, le nom que le NFP avait péniblement proposé l’été dernier pour Matignon.
« Nous sommes à la disposition du président de la République », avance Patrick Kanner
Mardi, Patrick Kanner, qui préside le groupe PS du Sénat, met sur la table l’offre de service du PS. « Nous assumons le fait de poser une motion et de la voter. Mais nous voulons, en même temps, gouverner. Nous sommes à la disposition du président de la République, pour dire, nous sommes là, nous sommes prêts », lance l’ancien ministre de François Hollande, interrogé par Public Sénat juste avant la réunion hebdomadaire du groupe, où le sujet a été évoqué (voir vidéo ci-dessous).
Une ligne tout autant soutenue par Rachid Temal, sénateur PS du Val-d’Oise. « Il faut une stabilité donc il faut que chacun fasse un pas en avant, un pas vers l’autre », soutient le sénateur socialiste, qui défend l’idée « depuis juillet ». « Tout le monde est d’accord pour maintenir au minimum le pouvoir d’achat des Français et des collectivités et il faut réduire le déficit. Ça vous donne des bornes. Donc si chacun vient avec des propositions sur la table, chacun pourra faire un pas », ajoute ce soutien d’Hélène Goeffroy, opposante d’Olivier Faure au sein du PS.
« LFI fait semblant de ne pas comprendre »
Mais Rachid Temal va « plus loin » encore que ses camarades socialistes. « La question à la fin, c’est est-ce qu’il ne faut pas une coalition temporaire du front républicain, entre la gauche et le bloc central ? Et si les LR veulent venir, ils viennent », avance le socialiste, qui ajoute :
Sans surprise, l’accord de non-censure ne passe pas du côté de LFI. « LFI fait semblant de ne pas comprendre. Ce n’est pas une plateforme programmatique commune avec la droite, mais notre renoncement au 49.3 en échange d’un accord de non-censure de leur part », rétorque dans Le Monde le premier secrétaire du PS, Olivier Faure. « Nous proposons la nomination d’un premier ministre de gauche qui applique les priorités du NFP, mais avec le souci permanent du compromis. […] Aucun gouvernement ne pourra appliquer tout son programme, rien que son programme », ajoute-t-il, en référence aux propos de Jean-Luc Mélenchon, au soir du second tour des législatives, qui voulait les mesures du NFP et rien d’autre.
Hervé Marseille veut « trouver une plateforme d’action, comme disent les socialistes, de non censurabilité, pour essayer de trouver un accord »
Chez les écologistes, l’idée est défendue par Yannick Jadot notamment. « Nous devons ouvrir la possibilité d’un pacte républicain transitoire entre les deux blocs » du « Nouveau Front populaire » et du « bloc central », « autour d’un socle restreint de mesures indispensables pour les Français », avance le sénateur Les Ecologistes (ex-EELV) de Paris dans Le Figaro. « Je parle bien d’un pacte transitoire, qui se déclinera d’abord au Parlement. Pas d’une coalition de gouvernement », ajoute l’ancien candidat à la présidentielle. Pour son collègue du groupe écologiste, le sénateur Ronan Dantec, cela passe par « trouver l’équilibre de ce front républicain ». C’est pourquoi « le Président doit nommer quelqu’un qui incarne le barycentre du front républicain, donc plutôt du côté du centre gauche, une personnalité capable de discuter avec tout le monde et qui sait trouver des compromis », ajoute sur publicsenat.fr le sénateur de Loire-Atlantique, qui défend une ligne plus modérée chez les écolos, comme Yannick Jadot.
En fin de journée, la patronne des Ecologistes, Marine Tondelier, a apporté sa pierre. Elle a écrit aux chefs de parti « qui ont fait le front républicain cet été » pour leur proposer de se « mettre d’accord sur un plan d’urgence transitoire ».
Mardi, c’était aussi l’influent Hervé Marseille, président du groupe Union centriste du Sénat, qui défendait sur publicsenat.fr à son tour la nécessité de « trouver une plateforme d’action, comme disent les socialistes, de non censurabilité, pour essayer de trouver un accord », avec « des gens de gauche », « du centre » et de « droite » (voir vidéo ci-dessous). Même message côté Modem : « Il est toujours temps de saisir cette main tendue du PS », avançait hier le sénateur du Mouvement démocrate, Jean-Marie Vanlerenberghe, proche de François Bayrou, défendant « un rassemblement d’homme d’Etat responsables, capables de se mettre autour d’une table ».
« Un accord de non-censure des LR au PS. C’est la seule équation politique où le RN n’est pas en capacité d’être arbitre », soutient Gabriel Attal
La nouveauté de taille, ce mercredi, vient du groupe EPR (Renaissance), à l’Assemblée. Son président, l’ancien premier ministre, Gabriel Attal, s’empare à son tour de l’idée. Il défend aussi « un accord de non-censure des LR au PS. C’est la seule équation politique où le RN n’est pas en capacité d’être arbitre et de dicter la politique du gouvernement », confie le député au Parisien.
Cette majorité se concentrerait sur « trois-quatre points programmatiques pas irritants pour tenir jusqu’à l’été. Il n’y aurait pas beaucoup de réformes. Une sorte de super gestion des affaires courantes », ajoute l’ancien premier ministre. « S’il y a coalition, le PS n’aura pas l’abrogation de la réforme des retraites et les LR n’auront pas leur loi immigration », imagine Gabriel Attal, pour qui le groupe « EPR va essayer d’être un pôle de stabilité. On va participer à la future coalition ».
« Coalition building »
A la différence de l’été dernier, la réflexion ne s’engage pas (uniquement) sur le casting et le nom du futur premier ministre – sont évoqués les noms de Sébastien Lecornu, François Bayrou, François Baroin, Bernard Cazeneuve ou même à nouveau Laurence Tubiana et Laurent Berger – mais aussi sur la plateforme politique.
C’est ce qu’un ancien ministre Renaissance appelle le « coalition building », qui nécessite de respecter un mode d’emploi scrupuleux, en plusieurs étapes, selon ce député : « 1/ Dire ce que tu veux. 2/ Les lignes rouges. 3/ Un casting. 4/ Se mettre d’accord sur les règles qu’on applique quand on n’est pas d’accord. Et éventuellement 5/ Qui appelle qui ? » Toujours selon cet adepte des coalitions qu’on observe davantage à l’étranger, « le péché originel du gouvernement Barnier, c’est qu’on n’avait pas ça. On n’a fait que le casting ».
« Un moyen de sortir par le haut pour la classe politique », selon le député Renaissance Stéphane Travert
A l’aile gauche du groupe EPR, on défend ce principe de non-censure. « Je prône un gouvernement avec un accord de non-censure qui puisse s’entendre sur 5 ou 6 grandes mesures importantes pour le pays et qui aille de la gauche responsable et de gouvernement aux LR sociaux, pour aller jusqu’à la présidentielle en travaillant sur ces axes-là », affirme Stéphane Travert, député apparenté du groupe EPR. « Avec le Collectif social-démocrate, qu’on a constitué avec les députés Stella Dupont et Sacha Houlié, ce sont des éléments qu’on a cherché à faire prospérer. C’est un moyen de sortir par le haut pour la classe politique », soutient l’ancien ministre de l’Agriculture, qui est encore membre de Renaissance.
« Pas persuadé qu’un Barnier bis soit la solution », Stéphane Travert soutient qu’« il faut qu’il puisse y avoir une sensibilité de gauche à Matignon, mais ce n’est pas forcément un adhérent du PS ». Reste qu’Emmanuel Macron ne semble pas enclin à suivre cette voie. « Il y a un moment, il y a un principe de réalité », avance le député EPR de la Manche.
Et les LR ? Stéphane Travert les appelle « à prendre leur responsabilité. Ils considèrent qu’ils sont un parti de gouvernement. Qu’ils le démontrent. Pourquoi nous, les gens de gauche, devraient automatiquement suivre ce qui vient de la droite. C’est donnant donnant ».
« Les agités attendront que nous nous décidions », prévient le sénateur LR Max Brisson
Pour le moment, Les Républicains sont les moins allants. Ils attendent de voir avant de suivre. Mardi, devant les députés LR réunis, leur patron, Laurent Wauquiez, a été clair : « Notre engagement en septembre ne valait que pour Michel Barnier », rapporte Le Figaro. Tonalité plus ou moins similaire, lors de la réunion de groupe des sénateurs PS. « Hier matin, en réunion de groupe, il a été dit clairement, fortement, et dans un esprit consensuel, que nous déciderons le moment venu, qu’il n’y a aucune automaticité, que rien n’est acquis, et que tout dépendra de ce que le président de la République nous proposera », explique le sénateur LR Max Brisson, porte-parole du groupe LR.
« Anticiper déjà, avec des gesticulations politiciennes, indiffère les sénateurs LR, tout en rappelant que c’est celui qui a provoqué la crise, qui doit sortir le pays de la crise, et c’est son rôle constitutionnel », remarque le sénateur des Pyrénées-Atlantiques, qui ajoute : « Les agités attendront que nous nous décidions. Et nous nous déciderons le moment venu, sans que personne nous dicte quoi faire, surtout ceux à l’origine de la dissolution ou de la censure. A un moment, on n’est pas obligé de se mettre aux ordres, ni de Monsieur Attal, ni de Monsieur Vallaud ».
Max Brisson résume, s’il y avait encore besoin : « On soutient Michel Barnier. On n’est pas obligés de soutenir le prochain gouvernement ». Non. Mais s’engager a minima à ne pas le censurer permettrait à un nouveau premier ministre d’être nommé, et surtout de durer plus de trois mois.
Après avoir été présenté en conseil des ministres ce mercredi 11 décembre, le projet de loi spéciale sera examiné à l’Assemblée nationale à partir du 16 décembre et au Sénat en milieu de semaine prochaine. Cet après-midi, les ministres démissionnaires de l’Economie et du budget ont été entendus à ce sujet par les sénateurs. « La Constitution prévoit des formules pour enjamber la fin d’année », s’est réjoui le président de la commission des Finances du Palais du Luxembourg à la sortie de l’audition.
Au moment où le chef de l’Etat s’apprête à nommer un nouveau premier ministre, Emmanuel Macron a reçu ce mercredi à déjeuner les sénateurs Renaissance, à l’Elysée. Une rencontre prévue de longue date. L’occasion d’évoquer les collectivités, mais aussi les « 30 mois à venir » et les appétits pour 2027…
Olivier Faure, le Premier secrétaire du PS, réclame un Premier ministre de gauche, alors que LFI refuse de se mettre autour de la table pour travailler sur la mise en place d’un gouvernement, préférant pousser pour une démission du chef de l’Etat. Ce mercredi, députés et sénateurs PS se sont réunis alors que le nom du nouveau chef de gouvernement pourrait tomber d’un instant à l’autre.
Si une semaine après le renversement du gouvernement Barnier, Emmanuel Macron est sur le point de nommer un nouveau Premier ministre, la situation politique française inquiète particulièrement les eurodéputés à Bruxelles que certains comparent à celle en Allemagne.
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