Paris : Soiree de lancement des Jeunes avec Bardella

Abstention, vote écologiste, attrait pour Bardella : les jeunes peuvent-ils changer l’issue des élections européennes ?

Selon un sondage Ifop, seuls 44 % des électeurs français prévoient de se rendre aux urnes le 9 juin. Dans un scrutin européen marqué par l’abstention, le vote des jeunes sera particulièrement scruté. En 2019, leur mobilisation tardive avait fait grimper le vote écologiste. Feront-ils mentir les sondages en 2024 ?
Rose Amélie Becel

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Traditionnellement boudées par les Français, les élections européennes de 2024 s’annoncent une nouvelle fois marquées par l’abstention. Selon un sondage Ifop publié par Le Figaro cette semaine, seuls 45 % des électeurs prévoient pour le moment de voter le 9 juin prochain. Plus inquiétant encore, la part d’abstentionnistes monte à 76 % chez les 18-34 ans.

Un constat qui ne date pas d’hier, souligne le maître de conférences en science politique Tristan Haute : « C’est une constante de l’analyse électorale, qu’on observe depuis de longues années. Plus la participation générale à un scrutin est faible, plus l’écart de participation entre les plus jeunes et les 50-75 ans – qui sont traditionnellement ceux qui se mobilisent le plus – est important. »

« Il y a un sentiment d’inutilité du vote »

L’abstentionnisme de la jeunesse ne se vérifie d’ailleurs pas seulement lors des élections européennes. Les chercheurs parlent même d’abstention « intermittente », pour désigner ce comportement électoral caractérisé par un vote important lors de l’élection présidentielle, puis une moindre mobilisation à l’occasion des autres scrutins, aussi bien au niveau local qu’européen. « Certes, il y a une forme de distance à l’égard de l’Union européenne, mais il y a plus largement un sentiment d’inutilité du vote, qui est de moins en moins vu comme une pratique efficace et un rituel républicain », analyse Tristan Haute.

Dans une campagne européenne qui peine à monter en puissance, « tout l’enjeu pour les partis politiques est de parvenir à mobiliser les abstentionnistes », affirme le politiste, « faire une bonne campagne, ce n’est pas compter sur la base de ses électeurs mais réussir à en attirer de nouveaux ». Un pari réussi par les écologistes en 2019, à l’occasion des précédentes élections européennes. Estimée à environ 9 % des intentions de vote dans les derniers sondages avant le scrutin, la liste EELV était finalement arrivée en tête des formations de gauche avec un score de 13,5 %.

Un score surprise, notamment porté par la jeunesse, décidée à se mobiliser dans les urnes à la dernière minute. « En 2019, ils se sont nettement mobilisés en fin de campagne parce qu’ils estimaient qu’il y avait un enjeu en matière de défense de l’environnement et de lutte contre la progression du Rassemblement national », explique Jean-Daniel Lévy, directeur délégué de l’institut de sondage Harris Interactive.

Une majorité de jeunes votants favorables au Rassemblement national

Le scénario pourrait-il se répéter en 2024 ? À plus d’un mois du scrutin, il est encore trop tôt pour le dire. « Lorsqu’on les interroge sur les grands enjeux de ces élections européennes, on voit que les jeunes ont des difficultés à les percevoir », concède tout de même le directeur d’Harris Interactive, augurant une moindre mobilisation de la jeunesse, alors que les questions écologiques semblent pour le moment s’effacer de la campagne au profit notamment des enjeux agricoles.

Un scénario d’autant plus difficile à envisager que, pour les jeunes qui ont pour le moment l’intention de voter, c’est la liste du Rassemblement national qui s’impose largement. Selon un sondage OpinionWay pour Europe 1, les intentions de vote pour Jordan Bardella s’élèvent aujourd’hui à 32 % chez les 18-24 ans, faisant des jeunes la deuxième catégorie d’âge la plus encline à voter en faveur de l’extrême-droite, après les 50-64 ans.

D’un point de vue sociologique, ce vote de la jeunesse pour le Rassemblement national ne se superpose d’ailleurs pas exactement à ce qui peut être observé dans le reste de la population. « L’idée que le vote RN est alimenté par les classes populaires et les classes moyennes en voie de paupérisation se vérifie dans la population générale, mais pas chez les jeunes. Certes, une partie des jeunes précaires se tournent vers l’extrême-droite, mais c’est aussi le cas de jeunes des catégories supérieures, diplômés. Il y a également un facteur genre très affirmé, ce sont les jeunes hommes qui votent pour Jordan Bardella », assure Tristan Haute.

Un vote pour Renaissance en chute libre

En miroir de la dynamique Bardella, la liste Renaissance s’effondre. Alors que les 18-24 ans s’étaient exprimés à 23 % en faveur d’Emmanuel Macron dès le premier tour de l’élection présidentielle de 2022, les sondeurs ne créditent Valérie Hayer que de 3 à 7 % des intentions de vote. « Les jeunes considèrent que la majorité présidentielle ne s’adresse pas à eux, qu’ils sont éloignés. Lorsque Jordan Bardella parle, on le comprend. Quand Valérie Hayer ou le président de la République s’expriment, on ne les comprend pas », résume Jean-Daniel Lévy.

Pour Tristan Haute, le jeune électorat macroniste semble se tourner de plus en plus vers les listes de gauche : « Cette fraction de la jeunesse assez libérale reste sensible aux sujets environnementaux, d’éducation et aux questions économiques. Les annonces du gouvernement sur la réforme des retraites, les droits au chômage, ou encore l’immigration alimentent l’insatisfaction. Les déçus iront vers la gauche, ou bien s’abstiendront. »

Pour remobiliser la jeunesse dans les urnes, certains pays ont opté pour un avancement de l’âge du droit de vote à 16 ans. Une « piste intéressante » pour Tristan Haute, car elle permettrait de « faciliter l’apprentissage du vote en le réancrant dans le cadre familial ». En Belgique, des mineurs voteront pour la première fois à l’occasion de ces élections européennes. La mesure existe également en Allemagne, en Autriche et à Malte. En 2021, le Sénat avait examiné une proposition de loi socialiste « pour un nouveau pacte de citoyenneté avec la jeunesse », dont le vote à 16 ans était l’article phare. Le texte avait été largement rejeté.

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