A Saint-Maur-des-Fossés, fief de droite du Val-de-Marne, les affaires qui ébranlent François Fillon touchent peu la détermination des électeurs habituels des Républicains. Si certains ne voteront plus pour lui et se tournent vers Macron ou Le Pen, beaucoup restent fidèles à leur camp.
Les rues de Saint-Maur-des-Fossés sont paisibles en ces vacances de Pâques. Ce qui ne change pas vraiment du reste de l’année. « On aime le calme et la sécurité » ici, raconte un passant. Nous sommes à seulement 6 km de Paris. Mais le tumulte de la vie urbaine semble loin.
Photo : François Vignal
Fief de droite
La commune de 75.000 habitants du Val-de-Marne est un fief de droite. En 2012, Nicolas Sarkozy l’a emporté avec 60% des voix ici. Le député-maire UMP, Sylvain Berrios, a dû faire face à deux autres listes de son camp pour l’emporter en 2014. La gauche doit se contenter de miettes électorales. Sa liste n’a fait que 15% aux municipales.
Gare RER de Saint-Maur - Créteil.
Photo : François Vignal
La ville s’étale au milieu d’un méandre de la Marne. La rivière ceinture la commune à l’ouest comme à l’est, au sud comme au nord. Sur la carte, elle semble former une muraille protectrice du monde extérieur. Les rues se ressemblent : des pavillons, partout. Ils s’enchaînent. Certains modestes, d’autres plus cossus. Toujours une grille, un portail, un petit jardin. Et des arbres alignés le long des trottoirs, taillés au cordeau. Très peu de passants. Et très peu de HLM : seulement 7%. La population n’est pas toute jeune. Selon l’INSEE, en 2013, 25,5% des habitants de Saint-Maur avaient plus de 60 ans et 45,6% plus de 45 ans.
Photo : François Vignal
Cette terre de droite est-elle pour autant une terre filloniste ? A deux semaines du premier tour, les électeurs de Saint-Maur-des-Fossés sont-il toujours derrière François Fillon, malgré les affaires ? A l’évidence, la réponse est oui. Certains sont bien sûr troublés par les révélations. D’autres ont même renoncé à voter pour l’ancien premier ministre. Mais la majorité des personnes interrogées suivent toujours le candidat des Républicains. Dans les sondages, François Fillon se maintient autour de 18-20% d’intentions de vote. La base de l’électorat de droite. Et bien la voilà, à Saint-Maur, cette base.
Photo : François Vignal
« C’est encore lui qui a le plus de compétences »
A la sortie de la gare de Saint-Maur-Créteil, le RER A fait une halte. Carmelida, retraitée de 80 ans, sort de la station. Elle n’est pas insensible à l’affaire Fillon. « Ça me dégoute ce qu’il a fait » lance cette ancienne assistante maternelle, toujours vive et alerte. « Mais c’est encore lui qui a le plus de compétences. Et il n’y a pas que lui qui a fait des pêchés. Alors malgré tout, je vote Fillon ». Françoise « votera plutôt Macron » elle, « car Fillon, il se fout de la gueule du monde ». « La plupart des gens allait voter Fillon, mais avec ce qui s’est passé, ils sont assez paumés » remarque cette retraitée de l’audiovisuel de 75 ans, avant de partir sur son vélo.
Monique, ancienne institutrice et bénévole à la maison de retraite de l’abbaye depuis 26 ans, a voté pour François Fillon dès la primaire. Aujourd’hui, elle est « très partagée. C’est difficile, il y a des choses qui paraissent bizarre » dit-elle. « Mais je voterai quand même pour lui ». Du « point de vue des idées », elle est « en total accord avec Fillon ». « Il n’est ni jugé, ni condamné » fait remarquer Monique.
Monique.
Photo : François Vignal
« On lui cherche des noises »
Gilbert et Marie-France, tous les deux 72 ans, arrivent bras dessus-bras dessous. Elle, grosses lunettes de soleil style œil de mouche et grand pull aux faux airs de hippie. Lui, petit foulard et imper’ bleu marine. « Moi, je vote Fillon. Ce n’est peut-être pas très net, mais ce n’est pas illégal » croit Gilbert, qui travaillait dans la banque, « mais pas à Rothschild, hein », l’ancienne établissement de Macron. « Il y a certainement du vrai, mais du faux aussi. Les histoires de costumes, c’est trop. On lui cherche des noises » ajoute sa femme, ancienne fonctionnaire. Le cabinet noir ? « Ça date de Mitterrand ça » – elle prononce « Mittrand ».
Photo : François Vignal
Quand on lance Jean-Jacques, 72 ans, sur les affaires de Fillon, il répond sur « le comportement des journalistes » et « les éléments de procédures qui ne devraient pas » être rendus publics. « François Fillon n’est pas une exception pour les avantages dont il a bénéficiés. C’était un mode de fonctionnement de notre République » pense cet ancien de la préfecture de région de Paris, qui a aussi travaillé pendant 10 ans sur la gestion des immeubles de la ville de Paris. Il regrette qu’« on fasse des tartines » sur les affaires « ce qui fait qu’on ne parle pas des programmes ». Celui de Fillon « est viable pour la France ». Alors il votera pour lui, même s’il reconnaît que « c’est un homme fragilisé sur le plan personnel. C’est l’inconvénient ». Mais Fillon « est un homme d’Etat », au même titre que « Couve de Murville », « Pompidou » ou « Juppé ».
Photo : François Vignal
« Je suis persuadée que quelqu’un est à l’initiative des affaires »
Un peu plus loin, près de la Marne, Elisabeth est persuadée qu’il existe un cabinet noir qui cherche à nuire au candidat. Son dernier argument de défense à visiblement fait mouche chez cette retraitée de l’éducation nationale. « Les affaires, c’est de l’arnaque. Je suis persuadée que quelqu’un est à l’initiative de ça. Quand vous regardez l’histoire, ça a toujours existé » dit-elle. Sur le fond, « au niveau du discours, il n’y a pas photo. C’est le seul capable de gérer la France ». Elisabeth est sensible à la forme aussi : « Un Président doit bien présenter, être bien habillé et être bel homme. C’est le cas de Fillon. Trump, il est quand même pas beau. Le Président actuel, on ne peut pas dire que ce soit une beauté. Alors que François Fillon a la classe, un savoir vivre. C’est important ». Elisabeth, décidément très fan du candidat LR, lui voit une autre qualité : « Il est toujours très calme. C’est une force. Et là, il y avait de quoi disjoncter. Quand je vois Macron, il est carrément hystérique. Il me fait penser à Hitler… C’est une jeune qui ne se contrôle pas ».
Photo : François Vignal
Au pied d’une passerelle pour piéton qui enjambe la Marne et mène à Créteil, sur l’autre rive, arrive Monique. « En principe, je dois voter François Fillon » dit cette femme de 74 ans. « Les affaires font réfléchir bien sûr. S’il passe, il aura du mal à faire passer son programme » craint-elle. Eliane, ex-infirmière, se dit pour sa part « qu’il n’y a pas de fumée sans feu. Il a commis une faute alors qu’il se présentait comme un homme droit et demande à la population de faire des efforts ». « Dubitative » sur l’existence d’un cabinet noir, elle trouve cependant « injuste » le sort réservé à Fillon. « On a cherché à l’abattre. Je pense quand même voter pour lui ».
Photo : François Vignal
« Un citoyen lambda ferait le dixième de ce qu’il a fait, il serait catapulté sur mars »
Plus au nord, l’église Saint-Nicolas symbolise le quartier du vieux Saint-Maur. On fait la queue à la boulangerie derrière l’église, rue de Paris. Quelques mètres plus loin, des hommes profitent du soleil, debout devant un petit bar de quartier et discutent le bout de gras. Jean-François, 41 ans, et dans le commerce, est en face avec ami. « J’aurais pu réfléchir à voter Fillon au début. Mais avec ses entourloupes, aujourd’hui, ça me semble impensable. Ce qui me choque, c’est son impunité. Si c’est avéré, c’est un scandale. Et comme il prêche la bonne parole… Un citoyen lambda ferait le dixième de ce qu’il a fait, il serait catapulté sur mars » pointe-t-il. Alors Jean-François votera « Marine Le Pen, sûrement ». « Ils nous enfoncent tous de plus en plus et le FN ne m’a pas trahi » conclut-il.
Photo : François Vignal
Catherine arrive sur la place d’arme, à côté. « Ecologiste de droite », elle s’étonne qu’« on cherche des poux dans la tête de Fillon, c’est ridicule ». « C’est comme le prêt de 50.000 euros. C’est une petite somme pour lui et ça se pratique facilement. Lui mettre des bâtons dans les roues pour une somme aussi petite, c’est ridicule » estime cette retraitée de l’informatique. « C’est lui qui a le plus d’envergure, l’analyse la plus puissante » estime Catherine. Malgré tout, elle ne « sai(t) pas » si elle va voter pour lui. « S’il était élu, il ne pourrait pas gouverner la France ». « C’est maladroit d’avoir fait ce qu’il a fait. Il est peut-être capable d’en faire d’autres ». Au final, il n’est pas impossible que Catherine préfère s’abstenir.
Catherine.
Photo : François Vignal
A peine 2 km plus à l’est, les rues sont plus animées autour de la mairie. Moins de retraités aussi et plus d’actifs. Margo, jeune femme âgée de 25 ans et « plutôt de droite », ne votera pas Fillon, c’est certain. « Je n’ai plus confiance en lui » avoue-t-elle. Le 23 avril, « je pense que je ne voterai pas ».
« Les affaires, ça m’a refroidi »
A l’angle de la rue, devant le restaurant Le Foch, Emile, membre de la fonction publique de 34 ans, pensait « pourquoi pas voter pour François Fillon, à la base ». « Mais les affaires, ça m’a refroidi totalement. Ce qu’il a pu faire, ce n’est pas compatible avec la fonction de Président. Et on ne peut pas parler de complot quand on veut être Président. La justice est indépendante ». « Il aurait dû se retirer » ajoute Emile. Il pourrait « pourquoi pas » voter Macron. « Physiquement, il a la stature. Et il veut un peu mettre fin au conflit gauche/droite, ouvrir à la société civile. Ce sont des idées nouvelles » souligne Emile.
Photo : François Vignal
Amélie, 40 ans, travaille dans la mode. Derrière ses grandes lunettes de soleil, elle remonte la rue en direction de l’hôtel de ville. « J’aurais pu voter Fillon. Il a la stature d’un Président, la fermeté. Mais c’est fini pour moi. Il a trop de casseroles. J’ai ma dignité ! » lance-t-elle en souriant. « Et il avait dit qu’il se retirerait s’il était mis en examen… Il n’est pas droit dans ses bottes ». « Là, je ne m’interdis pas de voter Macron, mais pas sûre. Ou pourquoi pas Nicolas Dupont-Aignan. Mélenchon, je ne voterai pas pour lui, mais il a vachement progressé » juge Amélie.
« Les affaires ne me choquent pas »
Abdel, technicien dans la téléphonie de 50 ans, compte bien lui « voter pour François Fillon ». « Il a une bonne base » dit-il. « C’est un ancien premier ministre. Et malgré tout ce qui a été dit sur Pénélope, c’est du superflu. Les affaires ne me choquent pas. Je lui fais confiance » assure Abdel, à la différence « des marchands de merveille, je m’en méfie. Je parle de Macron ». Il ajoute : « Les Français ne doivent pas se focaliser sur ces histoires, mais penser à l’avenir de la France et de nos enfants ».
Abdel, 50 ans.
Photo : François Vignal
Jean-Pierre, arrive tout de noir vêtu : lunettes noires, grand manteau noir, chaussures noires. Il est notaire, à la retraite. « Je vote pour Fillon, direct. Je ne me m’en cache pas ». Les affaires ? « Quand c’est sorti, ça a perturbé bon nombre de mes amis. Ça a été une surprise » reconnaît-il. « Mais ça ne me choque pas plus que ça d’employer sa femme, ses enfants, car je crois que je suis capable de le faire. Ce qui me gêne, ce sont les montres, les conflits d’intérêts avec son cabinet de conseil. Tout ça, c’est plus emmerdant. Moi j’ai un costume Hugo Boss. Mais un costume à 9.000 euros, ça fait du bruit quand même. Mais il aurait dû faire comme Le Pen et dire « vous me faites chier » » lance cet homme de 65 ans. « Tout ça lui colle aux basques maintenant » constate Jean-Pierre, « ça m’attriste en fait, ça me fait de la peine. Car je crois en lui. Mais je voterai pour lui ».
Dans quelques jours, les ministres de l’Intérieur et de la Justice se rendront à Marseille présenter leur plan de lutte contre le narcotrafic. L’un des enjeux sera la forme du texte choisi. Avant son départ de la Chancellerie, Éric Dupond-Moretti avait planché sur un projet de loi. Bruno Retailleau plaide, lui, pour la reprise de la proposition de loi du Sénat déposée cet été dont certaines mesures remettent en cause les droits de la défense.
L’ancienne première ministre a retiré sa candidature pour le poste de secrétaire général de Renaissance, le parti d'Emmanuel Macron, au profit d'une « candidature d'union » avec Gabriel Attal, a appris ce mardi l’AFP.
Ce mardi, Aurore Lalucq, députée européenne et co-présidente de Place Publique, était l’invitée de la matinale de Public Sénat. La présidente de la commission des affaires économiques du Parlement européen a qualifié la hausse des jours de carence dans la fonction publique d’« opération de contre-feu populiste ». Dénonçant plusieurs autres mesures du budget, elle regrette que les débats au Parlement soit « pourris » par la menace du 49.3.
Les Français sont 62 % à penser que Michel Barnier n’est pas un bon Premier ministre, selon le baromètre politique d’Odoxa-Mascaret, réalisé pour Public Sénat et la presse régionale. L’institut souligne qu’il s’agit d’un record pour un Premier ministre un mois après son installation. Emmanuel Macron reste à un niveau élevé de rejet, avec 75 % de mécontents.