Marine Le Pen court trial, Tribunal de Paris, Paris, France – 27 Nov 2024

Procès des assistants RN : le Conseil constitutionnel va-t-il permettre à Marine le Pen d’éviter l’inéligibilité ?

Dans le procès des assistants parlementaires RN, le parquet a requis contre Marine Le Pen une peine d’inéligibilité assortie « d’une exécution provisoire », c’est-à-dire non suspensive en cas d’appel. Le tribunal rendra sa décision le 31 mars. Mais entretemps, l’état du droit a déjà changé et une décision à venir du Conseil constitutionnel pourrait également intéresser la députée Rassemblement national.
Simon Barbarit

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Les réquisitions avaient pris la forme d’un coup de tonnerre et assombri l’avenir politique de Marine Le Pen. Le 13 décembre, à l’issue du procès des assistants parlementaires RN, le parquet avait estimé que l’ancienne candidate était au « centre » d’un « système organisé » visant à faire du Parlement européen la « vache à lait » du RN, au « mépris des règles démocratiques ». C’est pourquoi, l’accusation a réclamé une peine de 300 000 euros d’amende pour Marine Le Pen, ainsi que 4,3 millions d’euros d’amende, dont 2 millions d’euros ferme pour le Rassemblement national. Cinq ans de prison, dont deux ans de prison ferme, et surtout cinq ans d’inéligibilité ont été requis contre la députée du Pas-de-Calais. La peine d’inéligibilité était assortie d’une « exécution provisoire ». Si le tribunal suit les réquisitions des procureurs dans leur décision prévue le 31 mars prochain, Marine Le Pen ne pourrait pas se présenter à des futures élections locales ou nationales », car l’appel ne serait pas suspensif.

Toutefois, de nouveaux éléments, qui ont pris la forme de deux questions prioritaires de constitutionnalité, pourraient tourner à l’avantage de Marine Le Pen. Depuis 2010, tout justiciable peut contester, devant le juge en charge de son litige, la constitutionnalité d’une disposition législative applicable à son affaire s’il considère qu’elle porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Le Conseil d’Etat ou la Cour de Cassation examine la QPC. Si elle est jugée recevable, la QPC est transmise au Conseil constitutionnel qui a trois mois pour se prononcer.

Une première QPC jugée irrecevable par la Cour de cassation

Le 18 décembre, la Cour de Cassation s’est prononcée sur la demande de l’ancien maire de Toulon et ancien sénateur, Hubert Falco condamné pour recel de détournement de fonds publics à trois ans d’emprisonnement avec sursis et à une peine d’inéligibilité de cinq ans avec exécution provisoire. Selon son avocat cette exécution provisoire allait à l’encontre de la présomption d’innocence. La Cour de Cassation n’a pas été de cet avis et n’a pas transmis la QPC au Conseil constitutionnel. Cependant, comme le relève le constitutionnaliste Benjamin Morel dans les colonnes du Figaro, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire chargée d’unifier la jurisprudence, a motivé sa décision en précisant que l’exécution provisoire vise « à favoriser, en cas de recours, l’exécution de la peine et à prévenir la récidive ».

Le tribunal correctionnel de Paris devrait tenir compte de cette décision dans son délibéré. Et pour Benjamin Morel, elle est plutôt favorable à Marine Le Pen qui, a priori, ne compte pas fuir à l’étranger pour échapper à la sanction ou à reproduire le même système de financement de son parti avec les fonds du Parlement européen. « Ce qui est certain, c’est que l’état du droit a changé depuis les réquisitions », approuve Julien Bonnet, professeur de droit public à l’Université de Montpellier.

Une autre QPC a cette fois-ci passé le filtre du Conseil d’Etat et est en train d’être examinée par les Sages de la rue Montpensier. Il s’agit du cas d’un élu mahorais condamné notamment à 4 ans d’inéligibilité, avec exécution provisoire. Le préfet de Mayotte, en application de l’article L. 236 du code électoral, a déclaré l’intéressé démissionnaire d’office de ses mandats de conseiller municipal. En effet, une peine d’inéligibilité pour un élu local entraîne une démission automatique. En vertu de la séparation des pouvoirs, un parlementaire national peut, lui, aller au bout de son mandat mais ne peut se représenter. En cas de condamnation, Marine Le Pen ne pourrait donc pas se représenter aux législatives en cas de dissolution par exemple.

« Respect du principe d’égalité devant le suffrage et à la préservation de la liberté de l’électeur »

Pour le cas de Mayotte, le calendrier est intéressant. Le Conseil a jusqu’au 3 avril pour rendre sa décision, soit trois jours après le jugement de Marine Le Pen. « Si généralement le Conseil constitutionnel met moins de trois mois pour rendre sa décision, il a tout à fait le droit d’aller au bout du délai. Autre élément, il est peu probable que la décision soit rendue sous la présidence de Laurent Fabius. Le Conseil constitutionnel est renouvelé tous les neuf ans par tiers et le mandat de Laurent Fabius arrive à échéance le 8 mars. Le nom du prochain président du Conseil constitutionnel ne changera pas la décision sur la QPC mais la manière dont la décision sera interprétée », note Julien Bonnet.

Sur le fond, le constitutionnaliste rappelle « qu’il faudra être attentif sur les dispositions sur lesquelles le Conseil va se prononcer ». Sont ici concernées les dispositions combinées des articles L. 230 et de l’article L. 236 du code électoral et l’article 471 du code de procédure pénale qui porte sur l’exécution provisoire des peines. C’est ce dernier article qui concerne Marine Le Pen. « L’argument mis en avant dans la QPC, c’est que le législateur peut priver un citoyen de son droit d’éligibilité, mais en veillant au respect du principe d’égalité devant le suffrage et à la préservation de la liberté de l’électeur. C’est ce point qui va intéresser la défense de Marine Le Pen », explique Julien Bonnet.

Les avocats de la députée RN ont la possibilité, et ce jusqu’au 24 janvier, d’intervenir devant le Conseil constitutionnel pour adresser leurs observations, s’ils justifient d’un intérêt spécial à le faire.

 

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