« Consternés », « dépités », « enfumage » : après sa rencontre avec François Bayrou, la gauche menace plus que jamais le Premier ministre de censure
Publié le
« C’était déjà la pire entrée en fonction d’un Premier ministre, mais ça se poursuit. C’est inquiétant », se désole le président du groupe écologiste au Sénat Guillaume Gontard, à la sortie de sa rencontre avec François Bayrou. Comme tous les autres présidents de groupes et chefs de partis, à l’exception de La France insoumise et du Rassemblement national, il était invité ce 19 décembre à Matignon pour un échange avec le nouveau Premier ministre.
Une inquiétude que partagent ses collègues des autres formations de gauche. « Je le dis avec une forme de désarroi, nous n’avons pas trouvé de raison de ne pas censurer » François Bayrou, s’inquiète le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure. « La censure est toujours très clairement sur la table », confirme la présidente du groupe écologiste à l’Assemblée Cyrielle Chatelain.
« Il n’y a pas d’un côté les gens responsables et de l’autre les grands méchants qui veulent la censure »
En ouverture des discussions, le nouveau Premier ministre a demandé aux forces politiques présentes autour de lui transmettre, pour le 20 décembre, un engagement sur leur position vis-à-vis du futur gouvernement. Un positionnement que François Bayrou divise en trois cercles : ceux qui souhaitent intégrer l’exécutif, ceux qui n’y entreront pas mais ne le censureront pas pour autant, et enfin ceux qui seront dans l’opposition.
Mais cette grille de lecture ne satisfait pas la gauche. « Avec cette logique des trois cercles, il nous demande si on le soutient ou si on est dans le chaos. Nous lui avons rappelé qu’avec les communistes nous étions dans un quatrième cercle, celui d’une opposition vigilante et constructive », explique la présidente du groupe communiste au Sénat Cécile Cukierman. « Ces trois cercles, on ne comprend pas trop, à la fin cela ressemble plus à un gribouillis », souffle Guillaume Gontard, « il n’y a pas d’un côté les gens responsables et de l’autre les grands méchants qui veulent la censure ! »
Au cours de la réunion, François Bayrou a également formulé une « offre publique de participation », proposant à tous les partis autour de la table d’intégrer son gouvernement. Une proposition rejetée par tous les partis de gauche, qui avaient déjà affirmé en amont de la réunion qu’ils ne participeraient pas à un gouvernement Bayrou. « J’aurais pu être nommé ministre ce soir », ironise le président du groupe socialiste au Sénat Patrick Kanner, « c’est surréaliste ».
Discussions sur la réforme des retraites : « C’est de l’enfumage »
Après la nomination d’un nouveau Premier ministre, les socialistes s’étaient dits prêts à faire des compromis, pour aboutir à la conclusion d’un « pacte de non-censure » avec le futur gouvernement. En échange, le parti attendait de François Bayrou un geste en direction de la gauche, notamment son engagement à ne pas utiliser le 49.3 à l’Assemblée. Une promesse que n’a pas formulé le Premier ministre lors de la rencontre. « Nous sommes assez consternés de la pauvreté de ce qui nous est proposé », dénonce Olivier Faure.
Autre source de déception pour l’ensemble des partis de gauche : le budget. Lors de la rencontre, François Bayrou a fait part de sa volonté de reprendre les discussions là où elles s’étaient arrêtées avec la censure du gouvernement Barnier. « On est très inquiets, je rappelle que l’Assemblée nationale a rejeté la première partie du projet de loi de finances », souligne Cécile Cukierman. « François Bayrou, mais aussi Renaissance et Les Républicains, nous disent que nous allons reprendre les discussions comme si rien ne s’était passé. C’est inacceptable ! », fustige Guillaume Gontard.
Seule avancée notable, le nouveau Premier ministre a annoncé sa volonté de rouvrir les discussions sur la réforme des retraites, pendant « neuf mois ». En mettant les partenaires sociaux et les partis politiques autour de la table, il espère aboutir à une nouvelle version de la loi « d’ici septembre ». L’absence d’accord acterait alors un retour de la réforme initiale, adoptée en 2023 grâce au 49.3. « Ce n’est pas une ouverture, c’est de l’enfumage », dénonce Patrick Kanner. Socialistes, écologistes et communistes sont unanimes : avant toute renégociation de la réforme des retraites, le texte actuel doit être suspendu.