PARIS: UNEDIC, prevision financieres de l assurance chomage

Réforme de l’assurance chômage : « Climat de défiance », « tristesse absolue », la cacophonie de l’exécutif exaspère les sénateurs

Alors que le chef de l’Etat semblait montrer une inflexion sur la réforme en conférence de presse, Gabriel Attal a confirmé ce matin sur France Inter, que le décret fixant les nouvelles règles de l’assurance chômage serait pris d’ici le 1er juillet … avant que son ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, ne rajoute du flou, quelques minutes plus tard sur Sud Radio. Pour leur part, les sénateurs interrogés déclarent être dans le même brouillard et appellent le gouvernement à « prolonger » les règles actuelles en attendant.
Alexis Graillot

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Quelles seront les nouvelles règles de l’assurance chômage au 1er juillet ? On vous avoue que même nous, on a du mal à y voir clair, la faute à l’accélération brutale du calendrier. La date fatidique se situe en effet au lendemain du premier tour des élections législatives avec un rapport de force politique, qui pourrait être bien différent de celui d’aujourd’hui.

Mais dans un contexte où il n’y a pas eu d’accord entre patronat et syndicats sur les nouvelles règles devant entrer en vigueur, le gouvernement a repris le dossier en main. Deux options s’offrent désormais à lui : d’un côté, un décret de prorogation qui prolongerait les règles actuelles de l’assurance chômage jusqu’à fixation des nouvelles règles ; de l’autre, l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions (lire notre article) au 1er juillet, au risque d’un retour en arrière en cas de changement de majorité.

Macron, Attal, Le Maire, 3 salles, 3 ambiances

Au cours de sa conférence de presse de ce mercredi, le chef de l’Etat avait apporté quelques précisions qui semblaient amener un peu de clarté, tout en restant évasif sur les modalités (lire notre article) : « Après, il y a un temps électoral, là aussi ça doit se reprendre après, est-ce que ça doit passer par l’Assemblée ? Est-ce que ça doit passer par un décret ? On le verra le lendemain », avait-il répondu. En réponse à une autre question, le président de la République avait cependant refusé d’en faire un « intangible ». « Je ne veux pas préempter le jour d’après, et les discussions qui vont se faire, et donc si certains veulent l’améliorer, la changer, je ne veux pas vous dire je crois dans la coconstruction et vous dire c’est intangible, je ne serais pas cohérent […] Ce sera à la fois aux forces de la majorité, et dans la construction de programmes, et le jour d’après, de construire les modalités ».

Une volonté d’ouverture du chef de l’Etat rapidement écartée par son Premier ministre ce matin, chez nos confrères de France Inter : « Un décret sera pris d’ici au 1er juillet », assure Gabriel Attal, pour qui « en l’absence d’accord [entre les partenaires sociaux], le gouvernement a dû reprendre la main ».

Quelques minutes plus tard, le ministre de l’Economie et des Finances semblait beaucoup plus mesuré au micro de Jean-Jacques Bourdin : « Le décret sur l’assurance chômage sera publié quand les discussions auront eu lieu, après les élections législatives », assure-t-il de son côté. « Il sera publié lorsque nous aurons discuté avec tous ceux qui seraient prêts à rejoindre la majorité sur un projet clair », continue-t-il, avant d’être interrompu par le journaliste de Sud Radio quant aux propos du locataire de Matignon. Semblant surpris, Bruno Le Maire amorce une demi-volte-face : « Après le 1er tour, nous aurons l’état des forces », tempère-t-il.

Plus tard dans la journée, Gabriel Attal, en campagne pour les législatives à Boulogne-sur-Mer, s’est voulu plus rassurant, affirmant sur BFMTV que « le nouveau système n’entrera pas en vigueur avant le 1er décembre, justement pour qu’on ait le temps de discuter avec les partenaires sociaux ». « On va lancer la négociation cet été », assure-t-il dans la foulée.

« Pas d’urgence à aller plus loin »

Du côté des élus, on ne semble cependant pas prêt à brusquer, ni précipiter les événements. « Il n’y a pas d’urgence à aller plus loin », estime Olivier Henno, sénateur centriste du Nord, et corapporteur au Sénat de la précédente réforme, tout en se déclarant « à titre personnel, plutôt partisan d’en rester à la réforme votée par le Parlement » fin 2022. « Et c’est le rapporteur de la réforme qui parle », précise-t-il.

Même constat pour la sénatrice LR de l’Isère, Frédérique Puissat, qui se montre très critique sur l’attitude du gouvernement, qu’elle accuse de créer un « climat de défiance ». « Si on va vers le manque de confiance, on ne crée pas d’emplois. Les réformes de l’assurance chômage, c’est d’abord savoir si on va créer de l’emploi », défend-elle. Avant de s’attaquer au fond même de la réforme : « Aujourd’hui, le décret de Catherine Vautrin [NDLR : la ministre du Travail] modifie les règles de l’assurance chômage, en dépit de l’accord interprofessionnel de novembre 2023 », déplore Frédérique Puissat, pour qui la prise de parole du Premier ministre sur le sujet, est l’occasion de tâter le terrain politique : « Le gouvernement attend de voir si la pression électorale est suffisamment forte », avance-t-elle.

« Cette situation est d’une tristesse absolue, je ne comprends pas qu’après ce qu’il s’est passé dimanche dernier, le gouvernement maintienne cette réforme », se désole la sénatrice socialiste des Landes, Monique Lubin, pour qui le résultat des élections européennes présente « un chamboulement extraordinaire ».

« Si le 1er juillet, il n’y a pas de décret, il n’y a plus de règles d’assurance chômage »

Si certains atermoiements existent, cela s’explique par le fait, qu’en l’absence de décret, les chômeurs se retrouveraient privés de droits au 1er juillet : « Si le 1er juillet, il n’y a pas de décret, il n’y a plus de règles d’assurance-chômage », précise Frédérique Puissat, qui explique toutefois n’avoir « absolument pas compris » la position du gouvernement, qui fait face à deux solutions : « Est-ce qu’on reste sur le décret pris par les orientations de Vautrin qui a mis vent debout les syndicats des salariés et les salariés qui se sont embarqués là-dedans, ou est-ce qu’on prend un décret de prorogation ? », interroge-t-elle, tout en ayant sa petite idée sur la question : « Le plus simple serait de proroger », admet-elle.

De son côté, Olivier Henno, se place en « partisan » du paritarisme, estimant que d’une certaine manière, le gouvernement ne devrait pas avoir la main sur ces dossiers, bien connus des partenaires sociaux : « Je pense qu’il faut tout faire pour que le paritarisme retrouve sa juste place car il participe à l’apaisement de la société », croit-il, tout en faisant part de ses « regrets » sur l’absence d’accord après 8 mois de négociation.

« L’UNEDIC est loin d’être dans une situation difficile »

Sur le fond, les sénateurs se montrent également en colère de voir que la réforme va entrer en vigueur, en dépit du fait que l’Unedic, chargée de la gestion de l’assurance chômage en France, bénéficie d’une bonne santé financière. « Quand on voit que l’UNEDIC va se voir ponctionner 11 milliards d’euros pour venir combler une dette, et que de l’autre, il y a des règles fixées par des partenaires sociaux sur lesquelles le gouvernement s’assoit dessus… », s’étrangle Frédérique Puissat. La sénatrice de l’Isère se désole également d’une cacophonie qui conduit à ce que les agents publics n’y comprennent plus rien : Les agences France Travail chargées d’expliquer les nouvelles règles sont dans le flou, et leurs agents dans l’incapacité de dire ce qu’il va se passer », regrette-t-elle, craignant une situation « dramatique sur le terrain ». « Le plus simple de proroger [les règles actuelles] », défend la sénatrice, qui avait été rapporteure au Sénat de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel en 2018. « Il y avait eu une lettre de cadrage, écrite par la première ministre Elisabeth Borne, validée par le ministre de l’Emploi, Olivier Dussopt. Les partenaires sociaux ont travaillé et leurs propositions n’ont pas été étudiées », continue-t-elle à dénoncer.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que droite et gauche se retrouvent pour dénoncer la stratégie du gouvernement de vouloir s’en prendre au gestionnaire de l’assurance chômage. « C’est complètement nul », étrille Monique Lubin, pour qui « l’Unedic est loin d’être dans une situation difficile ». « Le gouvernement prend des décisions incompréhensibles », accuse-t-elle, déclarant « espérer » qu’il ne s’agit pas d’une « stratégie électorale ».

Plus globalement, c’est la parole de l’exécutif qui semble faire défaut dans ce contexte d’incertitude quant à la composition de la nouvelle assemblée … avec en point d’orgue, la personne même du Président de la République, qui se retrouve au cœur des débats : « Je crois aussi que quoique puisse dire le gouvernement, ça ne marche pas », résume la sénatrice socialiste.

Parole publique crédible ou non ? Les multiples revirements du gouvernement sur le sujet en l’espace de 24 heures ne plaident cependant pas en faveur de la clarté. A l’heure où le chef de l’Etat a martelé à de nombreuses reprises le mot de « clarification » dans sa conférence de presse, pas sûr que cette séquence y ait contribué.

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