ZAN : le Sénat exclut la construction de logements sociaux et de sites industriels du décompte de l’artificialisation des sols

Le Sénat a terminé l’examen de la proposition de loi visant à assouplir le « zéro artificialisation nette ». Après avoir supprimé l’objectif de réduire de 50 % l’artificialisation des sols d’ici 2031, la majorité sénatoriale a créé de nouvelles exceptions au dispositif. Une mesure désapprouvée par les écologistes, mais aussi par le gouvernement.
Rose Amélie Becel

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« C’est un détricotage complet ! » Après plusieurs heures de débats houleux entre les écologistes et la majorité de droite et du centre, les sénateurs ont achevé l’examen de la proposition de loi visant à assouplir le « zéro artificialisation nette » (ZAN). Un cheval de bataille de la majorité sénatoriale, qui juge le dispositif trop compliqué à appliquer pour les collectivités.

Dans l’hémicycle, ils se sont fortement opposés aux écologistes, qui dénoncent des reculs par rapport à la loi adoptée en 2021. Dans sa version d’origine, le texte proposait de compenser chaque nouvelle construction par la renaturation d’une surface équivalente, pour stopper l’étalement urbain et la bétonisation.

Portée par les sénateurs Jean-Baptiste Blanc (LR) et Guislain Cambier (Union centriste), la proposition de loi a d’abord supprimé l’objectif de réduction de 50 % de l’artificialisation des sols à horizon 2031. Celui-ci est remplacé par une nouvelle trajectoire : chaque région devra fixer son propre objectif de sobriété foncière, à atteindre d’ici 2034.

« Nous avons besoin de redonner de l’air aux collectivités »

Après des débats houleux sur cette mesure phare du texte, les échanges se sont poursuivis autour d’une autre proposition d’aménagement du ZAN. Celle-ci vise à exclure du décompte des terres artificialisées « l’ensemble des implantations industrielles », « les infrastructures de production d’énergies renouvelables », ainsi que la « réalisation de logements sociaux dans les communes carencées ». « Nous avons besoin de redonner de l’air aux collectivités », défend la rapporteure du texte, la sénatrice centriste Amel Gacquerre.

Un premier ajustement du ZAN, voté en 2023, avait permis la création d’une enveloppe nationale de 12 500 hectares, dédiée à des « projets d’envergure nationale ou européenne » (Pene). Pour plus de 400 projets – aussi bien des usines, que des centrales nucléaires ou encore des routes – l’artificialisation des sols qu’ils engendrent est comptabilisée au niveau national, et non au niveau des régions où ils sont implantés.

Mais la logique ne satisfait pas la majorité sénatoriale, qui souhaite aller plus loin, pour supprimer certains projets du décompte de l’artificialisation. Une proposition qui permettrait de développer les territoires, mais aussi pour ne pas pénaliser les régions qui n’abritent pas de Pene, souligne Amel Gacquerre : « Le système du forfait mutualisé a un effet réellement pervers. Du fait de cette enveloppe nationale, l’objectif de réduction de la consommation d’espaces pour les régions est passé de 50 % à 54,5 %. Pour les régions qui bénéficient très peu des Pene, c’est une augmentation énorme du taux d’effort. »

« Je suis extrêmement déçu de ce travail, je pense que c’est une erreur »

Une proposition qui ne passe pas auprès des écologistes. « Ce que vous proposez en permanence, c’est qu’on ne compte plus rien. On vide le ZAN de tout objectif quantitatif, c’est un détricotage complet ! », dénonce le sénateur écologiste Ronan Dantec. Si l’ajustement du ZAN en 2023 s’avérait justifié, estime l’élu de Loire-Atlantique, la version de la loi aujourd’hui en vigueur conviendrait à la majorité des régions.

Dès 2023, l’ancien président de la région Auvergne Rhône-Alpes Laurent Wauquiez avait annoncé son refus d’appliquer le ZAN. Au contraire, plusieurs régions ont déjà voté des plans d’urbanisme en cohérence avec la trajectoire du texte, à l’image de la Bretagne et du Grand Est. « Je suis extrêmement déçu de ce travail, je pense que c’est une erreur. C’est votre responsabilité politique. Vous l’avez fait malgré les avis contraires du monde agricole et de la plupart des réseaux de collectivités territoriales », dénonce Ronan Dantec, en pointant ses collègues de l’autre côté de l’hémicycle.

Au-delà du procès en détricotage, les écologistes reprochent également à la majorité sénatoriale d’avoir refusé les solutions de compromis portées par le gouvernement. En désaccord avec la mesure phare du texte, le ministre de l’Aménagement du territoire a d’abord proposé de décaler de trois ans la baisse de 50 % de l’artificialisation des sols. Un amendement rejeté par les sénateurs, qui ont préféré la suppression de cet objectif.

Les propositions du gouvernement toutes rejetées par les sénateurs

Sur la question des dérogations au ZAN, François Rebsamen a aussi proposé d’assouplir la loi, sans aller aussi loin que la majorité sénatoriale. « Dans sa rédaction actuelle, l’article 4 [le volet du texte introduisant des dérogations au ZAN] n’offre pas les garanties nécessaires pour assurer l’atteinte de l’objectif final de zéro artificialisation à l’horizon 2050 », juge le ministre.

De son côté, François Rebsamen proposait de créer une nouvelle enveloppe nationale de 10 000 hectares, à l’image de celle qui existe déjà pour les projets d’envergure nationale ou européenne, spécialement dédiée aux constructions industrielles. « La réindustrialisation de notre pays est une priorité nationale forte. Je souhaite prendre en compte les besoins particuliers des territoires qui accueillent les projets indispensables au développement de l’industrie. C’est une condition existentielle pour notre pays », défend-il.

Mais la majorité sénatoriale a rejeté cette mesure avancée par le ministre. « Ce que vous proposez, c’est une mutualisation de ces 10 000 hectares au niveau national, pas une exemption. C’est une très grande différence ! », juge Amel Gacquerre, en rappelant que la proposition du ministre supprime les exceptions prévues dans le texte pour le logement social et les énergies renouvelables.

Si le gouvernement ne semble pas d’accord avec l’esprit de la proposition de loi issue du Sénat, il a tout de même souhaité actionner la procédure accélérée sur le texte. Celui-ci devrait donc être prochainement examiné à l’Assemblée nationale. Avant cela, il doit encore faire l’objet d’un vote global au Sénat, prévu le mardi 18 mars.

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