Présidences de commissions, places au Bureau : comment se dessine le renouvellement des postes au Sénat ?

Violences contre les élus : députés et sénateurs adoptent le texte, mais retirent une disposition fustigée par la presse

La commission mixte paritaire (CMP) réunie ce mardi 27 février à l’occasion de la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, s’est avérée conclusive, les 14 députés et sénateurs ayant adopté à l’unanimité un texte de compromis qui renforce notamment les sanctions pénales en cas de violences à l’égard des élus. En revanche, l’article 2 bis de la nouvelle loi qui allongeait les délais de prescription en cas d’injure et de diffamation publiques envers des élus locaux, a été retirée devant la polémique soulevée par les sociétés de journalistes ainsi que de nombreux avocats, qui dénonçaient une atteinte à la loi de 1881 sur la liberté de la presse. L’Assemblée nationale et Sénat examineront le texte de la CMP respectivement les mardi 12 et jeudi 14 mars 2024.
Alexis Graillot

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Un texte très attendu par les élus. Déposé après l’émoi provoqué par l’incendie criminel du domicile du maire de Saint-Brévin, Yannick Morez, le 22 mars 2023, à la suite de sa décision de construire un Centre d’accueil pour demandeurs d’asile dans sa municipalité, le texte avait fait largement consensus dans les deux assemblées. Plusieurs mois après les émeutes de l’été 2023 qui avaient notamment conduit à l’attaque au camion-bélier du domicile du maire LR de L’Hay-les-Roses, Vincent Jeanbrun, ce dispositif semblait se justifier d’autant plus, si l’on y ajoute également les nombreuses menaces de mort subies par la maire de Romans-sur-Isère, à la suite de la mort de Thomas, poignardé lors d’une fête de village.

Ce mardi 27 février, députés et sénateurs se sont entendus sur la majorité du texte notamment sur le renforcement des sanctions des violences commises à l’encontre des élus et l’amélioration de la prise en charge de ces derniers dans le cadre de leur mandat ou d’une campagne électorale.

Renforcement des sanctions pénales

Voté dès le mois d’octobre dernier au Sénat et faisant l’objet d’un large consensus parmi les locataires du palais du Luxembourg, l’arsenal répressif en cas de violences commises contre les élus, a été renforcé. Dans le détail, les peines encourues seront désormais alignées sur celles prévues par le Code pénal pour des violences à l’encontre des personnes dépositaires de l’autorité publique (tels les policiers, gendarmes, militaires ou magistrats), à savoir un maximum de 7 ans de prison et 100 000 euros d’amende (contre 5 ans et 75 000 euros d’amende actuellement). Le texte prévoit également des travaux d’intérêt général si des injures publiques sont proférées à l’encontre de ces personnels.

De la même manière, de nombreux amendements portés par le Sénat sont maintenus dans le texte à l’image de « la répression pénale de l’atteinte à la vie privée des candidats à un mandat électif public », circonstance aggravante au délit de mise en danger de la vie d’autrui, ainsi que « l’élargissement du bénéfice de l’automaticité de la protection fonctionnelle aux conseillers départementaux et régionaux exerçant des fonctions exécutives ». Pour le dire plus simplement, cette dernière fait référence à l’ensemble des mesures de protection et d’assistance mises en œuvre par la puissance publique pour protéger les agents publics victimes (ou auteurs) de faits commis dans le cadre de l’exercice de leur fonction. Cette « protection fonctionnelle » se voit aussi accordée aux maires et élus municipaux disposant d’un mandat exécutif dans le cas où ces derniers sont victimes d’agressions (physiques ou verbales) ou d’injures.

Suppression de l’allongement du délai de prescription en cas d’injure et de diffamation publiques

En revanche, l’article 2bis, soutenu par l’Association des Maires de France et qui avait fait polémique dans le secteur de la presse et qui prévoyait l’allongement du délai de prescription en cas d’injure publique ou de diffamation de 3 mois à un an, a été supprimé. Une décision qui laisse les sénateurs relativement amers : « La commission des lois regrette toutefois qu’une mesure votée à l’unanimité par le Sénat (…) ait été repoussée par les députés, alors que les dispositions en vigueur n’assurent pas un équilibre satisfaisant en la matière ». Même son de cloche du côté de la rapporteure du texte, Catherine di Falco, qui a déclaré auprès de l’AFP être « un peu dépitée » face à une disposition qui « ne représentait pas un changement fondamental de la loi de 1881 » sur la liberté de la presse.

La députée Violette Spillebout qui avait également soutenu cette mesure à l’Assemblée nationale, avait quant à elle expliqué auprès de nos confrères de Marianne le 15 février dernier que « les journalistes n’étaient pas visés » par cette mesure, qui épinglait plutôt la multiplication des menaces et injures sur Internet. Néanmoins, à la suite d’une table ronde tenue entre les syndicats et associations de journalistes, éditeurs de presses, représentants des élus et parlementaires, la députée Renaissance avait estimé qu’ « au regard des arguments juridiques, économiques, démocratiques soulevés par nos interlocuteurs, et des positions des groupes politiques représentés, [elle] porterai[t] une proposition de suppression de l’article 2bis en commission mixte paritaire ». Dont acte.

Une loi sur le statut de l’élu local en cours d’examen au Sénat

Le sujet des conditions d’exercice des maires est cependant loin d’être clos puisqu’un texte porté par la sénatrice UDI d’Ille-et-Vilaine, Françoise Gatel, a commencé son examen en commission ce mercredi 28 février. Interrogée il y a quelques jours, celle qui est aussi présidente de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, avait expliqué que cette proposition de loi, portée par la quasi-unanimité des sénateurs, a vocation à « faciliter l’engagement des élus locaux avec l’objectif de pouvoir le faire de manière sécurisée sans être au-dessus de la loi » dans un contexte de crise de vocation des élus.

En effet, selon le rapport du Sénat attaché à cette proposition de loi, 3% des maires élus en 2020 avaient déjà démissionné. « Il y a un vrai sujet de sécuriser l’engagement et la démocratie », alertait la sénatrice à cette occasion, rappelant qu’« en 2020, 106 communes n’avaient pas de candidats aux élections et 345 communes n’avaient pas de conseil municipal complet ».

En parallèle, une proposition de loi similaire portée par les députés Sébastien Jumel (PCF) et Violette Spillebout (Renaissance) doit arriver prochainement sur la table de l’Assemblée nationale. Preuve de l’importance accordée par les élus à un sujet qui les concerne … mais qui questionne également notre rapport à l’autorité et au vivre ensemble. « En la matière, les évolutions législatives ne sauraient suffire, celles-ci devant impérativement s’accompagner d’un changement profond de culture des acteurs judiciaires et étatiques qui ne peuvent plus rester passifs face à ces phénomènes » conclut le communiqué de presse du Sénat.

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La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. 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