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Le Sénat interdit le démarchage téléphonique sans consentement préalable du consommateur

Une proposition de loi a été votée pour interdire le démarchage téléphonique si le consommateur n’a pas donné son consentement au préalable, au Palais du Luxembourg, ce jeudi 14 novembre. Elle émane de la niche parlementaire du groupe les Indépendants.
Quentin Gérard

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Faire face à l’exaspération généralisée des Français. C’est l’objectif de cette proposition de loi votée ce jeudi 14 novembre dans la niche parlementaire du groupe les Indépendants au Sénat. Ce texte est à l’initiative de Pierre-Jean Verzelen, sénateur de l’Aisne. S’il proposait initialement de créer une « liste de consentement dédiée », dont la compatibilité avec le règlement européen sur les données personnelles (RGPD) a été remise en question, le Sénat s’est finalement rabattu sur un dispositif plus mesuré, avec un alignement sur le régime du démarchage électronique.

Un encadrement déjà existant

Un encadrement existe déjà en la matière. Il est défini par la loi Hamon du 17 mars 2014, relative à la consommation. Puis renforcé par la loi Neagelen du 24 juillet 2020, visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux. Plus globalement, les mesures déjà en place peuvent être classées en trois catégories.

La première, ce sont règles relatives aux personnes susceptibles d’être démarchées. Le consommateur a la possibilité de s’inscrire sur une liste d’opposition aux démarchages téléphonique dite « Bloctel ». Il est interdit aux professionnels d’appeler les numéros inscrits sur cette liste, sous réserve de quelques exceptions (contrat en cours, presse…). Le démarchage est interdit dans deux secteurs : la rénovation énergétique et le compte personnel de formation. Les manquements sont passibles d’une amende de 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale.

La deuxième catégorie, ce sont les horaires et les fréquences d’appel autorisés. Ils ne peuvent être émis que du lundi au vendredi, entre 10 heures et 13 heures ainsi qu’entre 14 heures et 20 heures. Il est interdit de recontacter une même personne plus de quatre fois en 30 jours. Si le consommateur a exprimé son opposition au démarchage, il ne peut être recontacté avant un délai de 60 jours. La troisième catégorie, ce sont les règles relatives au contenu des appels. Le démarcheur doit d’emblée indiquer son identité et la nature commerciale de l’appel. Et l’usage d’un numéro masqué ou d’un numéro dont le préfixe début par 06 ou 07 est prohibé.

Malgré cette réglementation, « le dispositif souffre de multiples carences », souligne Olivia Richard, sénatrice centriste des Français de l’étranger et rapporteure de la proposition de loi. Par exemple, la coexistence de systèmes d’opt-in (conditionne le démarchage au consentement préalable du consommateur) ou d’opt-out (repose sur une opposition à postériori du consommateur, cadre majoritairement appliqué aujourd’hui) est source de confusion pour les personnes qui croient à tort que l’inscription sur le « Bloctel » vaut une opposition à toutes les sollicitations.

Ensuite, « force est de constater que les tentatives d’encadrement n’ont pas produit les effets escomptés », pointe l’élue. Le dispositif « Bloctel » reste méconnu et sous-utilisé. Seulement 9 % des Français y sont inscrits. De plus, de nombreux professionnels ne respectent pas le « Bloctel », ni l’interdiction de démarchage téléphonique dans le secteur de la rénovation énergétique. La CNIL (commission nationale de l’informatique et des libertés) a aussi indiqué être régulièrement sollicitée par des plaignants qui avaient pourtant exercé leur opposition à la prospection. Les sanctions à ces infractions sont aussi difficiles à appliquer. Les donneurs d’ordre sont souvent établis à l’étranger et l’origine de l’appel est parfois compliquée à tracer.

La proposition de loi veut changer le régime actuel

Dans ce contexte, la proposition de loi de Pierre-Jean Verzelen, sénateur les Indépendants de l’Aisne, propose un basculement du régime de l’opt-out vers celui de l’opt-in. Son unique article devait consacrer l’interdiction par principe au démarchage téléphonique, sauf si le consommateur est inscrit sur une liste de consentement. C’est donc un changement depuis la loi Neagelen du 24 juillet 2020. Elle avait voulu suivre une ligne de crête pour rendre l’opt-out plus efficace sans déstabiliser le secteur du démarchage téléphonique. « L’argument principal était économique. Il s’agissait de préserver les emplois », rappelle la rapporteure.

Si cette préoccupation économique reste « majeure » dans ce texte, il s’agit aussi de « prendre acte de l’épuisement de l’ensemble des autres options disponibles sans abandonner la préoccupation de sauvegarde de l’emploi », a souligné Olivier Richard avant l’examen de la proposition de loi. « L’équation n’a malheureusement pas changé depuis cinq ans : les nuisances sont au moins aussi importantes, les abus toujours trop peu sanctionnés, tandis que les quelques acteurs vertueux sont noyés parmi une masse d’acteurs voyous parfaitement indifférents à la législation », résume-t-elle.

Rejet de la commission des Lois

Cependant, si la commission des Lois n’a pas remis en cause ce changement, elle n’a pas adopté la proposition de loi. Pour elle, les modalités pratiques du recueil du consentement envisagées présentent des limites. Juridiquement, l’établissement d’une liste de consentement semble incompatible avec l’exigence de spécificité du consentement figurant au RGPD pour la commission. Economiquement, pour elle, les risques de destruction d’emplois restent élevés. La relation client représente entre 29 000 et 40 000 emplois pour les centres d’appels externalisés. Si le basculement vers l’opt-in devait intervenir, la commission des lois a estimé que « celui-ci devrait alors être mis en œuvre de la façon la moins susceptible de porter atteinte aux emplois du secteur ».

Texte adopté et remanié

Finalement, le texte s’est rabattu sur un dispositif plus mesuré et s’est conformé à l’avis de la commission des Lois. Il n’y aura pas de liste de consentement dédiée mais un alignement sur le régime du démarchage électronique « Ce sera désormais à chaque professionnel de recueillir préalablement le consentement du consommateur », au « cas par cas », a détaillé la secrétaire d’Etat à la Consommation Laurence Garnier, plutôt bienveillante vis-à-vis de la mesure même si elle a appelé à la retravailler à l’Assemblée si la chambre basse s’en saisit.

Pour limiter les contournements de ce nouveau régime, le Palais du Luxembourg a également adopté un amendement du groupe écologiste pour interdire aux entreprises de conditionner l’achat d’un bien ou d’un service au consentement au démarchage téléphonique. « C’est évident que des petits malins vont tenter par tous les moyens d’obtenir que leur clientèle consente au démarchage », a alerté la sénatrice Mélanie Vogel. D’autres mesures restrictives ont également été adoptées, comme la réduction de la fréquence et des horaires d’appels autorisés pour le démarchage, ou encore un renforcement des sanctions pour des faits d’abus de faiblesse commis dans le cadre de cette pratique.

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