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Transidentités : au Sénat, la gauche et les associations vent debout avant l’examen d’un texte pour encadrer la transition de genre chez les mineurs

Elus de gauche et associations de défense des droits LGBT+ se sont réunis lundi au Sénat pour dénoncer une proposition de loi de la droite visant à encadrer les transitions de genre chez les mineurs. Ce texte, qualifié de « transphobe » par certains élus, sera débattu en séance publique mardi soir.
Romain David

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Rarement la salle de la commission des affaires économiques du Sénat n’aura rassemblé autant de monde. Au moins quatre-vingts personnes, massées dans cette pièce surchauffée au deuxième étage du Palais du Luxembourg, pour assister, ce lundi 27 mai, à la table ronde organisée par la gauche sénatoriale sur « l’état des lieux de la transphobie en France ». Une manière pour les groupes d’opposition de marquer le coup, à 24 heures de l’examen en séance publique d’une proposition de loi controversée, visant à encadrer les pratiques médicales sur les mineurs atteints de dysphorie de genre.

La gauche sénatoriale est vent debout contre ce texte, qu’elle juge « transphobe », porté par la sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio. « C’est une mise en danger des mineurs trans, qui vise à les priver des soins dont ils ont besoin », explique la sénatrice écologiste Mélanie Vogel, l’une des élus à l’initiative de cette table ronde. « Si cette loi devait s’appliquer, elle aurait pour conséquence de faire de la France l’un des pays d’Europe les plus restrictifs en la matière ». Autour de la table : les représentant d’une dizaine d’associations de défense des droits LGBTI +, venus livrer leur analyse d’un texte qu’ils dénoncent unanimement comme « un retour en arrière ».

« L’objectif, c’est de faire parler les personnes concernées, qui n’ont pas toujours eu le droit de parole sur la législation les concernant. Demain, pas une seule personne ayant connu une transition ne pourra monter à la tribune pour prendre la parole pendant les débats », relève Mélanie Vogel.

Un cadre strict

Dans sa version initiale, la proposition de loi visait à empêcher purement et simplement la prescription de bloqueurs de puberté et les interventions chirurgicales de changement de genre avant 18 ans. Lors de l’examen en commission, le rapporteur LR Alain Milon, médecin de formation, a introduit une dérogation qui consacre l’existence de ‘centres de références spécialisées’ dans la prise en charge de ce type de souffrance, liée à l’assignation du genre à la naissance. Ces structures auraient la possibilité de prescrire des bloqueurs de puberté aux mineurs, mais dans un délai minimal de deux ans après la première consultation, afin d’assurer « la vérification par l’équipe médicale de l’absence de contre-indication comme de la capacité de discernement du patient ».

Les bloqueurs de puberté « ont sauvé la vie de mon fils »

Pour les associations, il s’agit d’un « faux adoucissement » : « Ce texte pourrait fonctionner pour les mineurs dont la situation a été identifiée bien avant le début de la puberté. Pour les autres, si on attend deux ans en pleine adolescence, la puberté sera déjà amorcée et il sera certainement trop tard. Ce qui revient indirectement à interdire les bloqueurs », cingle Anaïs Perrin-Prevelle, directrice de l’association OUTrans. « Je rappelle par ailleurs que les opérations d’affirmation de genre, telles qu’une augmentation mammaire, ne sont pas uniquement pratiquées par les personnes trans mais aussi par les personnes cisgenres. On aurait donc une inégalité, avec des actes chirurgicaux interdits à certaines catégories de personnes et pas à d’autres ».

Pour Sébastien Tüller, responsable LGBTI + d’Amnesty International France, « cette proposition de loi peut porter atteinte à plus d’une dizaine de droits des personnes trans, et notamment l’accès à la santé ».

L’une des interventions les plus marquantes a été celle de Maryse Rizza, présidente de l’association Grandir Trans. Les bloqueurs de puberté « ont sauvé la vie de mon fils », a martelé cette mère d’un adolescent transgenre qui a commencé à multiplier les tentatives de suicide à l’apparition de ses règles. Elle a également critiqué le rapport sur la transidentité des mineurs rédigé par la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio, et pour lequel elle avait été auditionnée. « Je suis hyper en colère. […] Mon intervention, qui a duré 52 minutes, est résumée en 5 lignes. Dans ces 5 lignes mes enfants sont mégenrés et mes propos déformés », accuse-t-elle.

Des travaux préparatoires pilotés par la droite

La gauche sénatoriale est particulièrement remontée contre ce document, à l’origine de la proposition de loi qui sera examinée mardi. Intitulé « La transidentification des mineurs », ce rapport a été piloté par un groupe d’élus composé d’une quinzaine de sénateurs LR, en marge des missions d’information et des commissions d’enquête où, d’ordinaire, l’ensemble des groupes politiques est représenté. « C’est le premier rapport parlementaire qui traite de la transidentité des mineurs. Il est énorme », s’était félicitée Jacqueline Eustache-Brinio auprès de Public Sénat.

« On est passé de 8 mineurs en affection longue durée pour transidentité en 2013, à 294 en 2020 », pointe ce document qui reproche notamment à « certaines associations de tenter d’imposer dans les instances nationales et internationales le principe de l’autodétermination de l’enfant, au préjudice de l’autorité parentale et de preuves scientifiques de qualité ».

« Une manœuvre politique et politicienne qui vise à racoler les conservateurs »

« C’est une supercherie que de nous faire croire que c’est un rapport du Sénat », tempête le socialiste Hussein Bourgi. « Ce rapport contient des mensonges scientifiques, c’est une arnaque », dénonce l’écologiste Anne Souyris, qui reproche à Jacqueline Eustache-Brinio d’avoir travaillé avec la pédopsychiatre Caroline Eliacheff et la psychanalyste Céline Masson, auteures d’un essai partisan, La Fabrique de l’enfant transgenre, dans lequel il est question de « scandale sanitaire ». La sénatrice communiste Silvana Silvani va même jusqu’à parler « d’une manœuvre politique et politicienne qui vise à racoler les conservateurs ». « Avec cette proposition de loi, j’ai l’impression d’un rouleau compresseur sans empathie ni bienveillance », ajoute-t-elle.

« Il peut y avoir des divergences au sein de la gauche sur la manière d’aborder les questions de transidentités », reconnaît le sénateur socialiste Rémi Féraud. « Mais nous serons tous réunis pour nous opposer à un texte qui est là pour participer à une initiative réactionnaire, dans la lignée de la Manif pour tous », assure l’élu parisien. Le débat de mardi s’annonce particulièrement électrique, tant le sujet divise l’hémicycle. Pour sa part, Mélanie Vogel avoue redouter la teneur des échanges : « J’espère que les mineurs trans, en âge de comprendre les débats, ne nous regarderont pas… », lâche-t-elle.

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Narcotrafic : face à un « marché des stupéfiants en expansion », le directeur général de la police nationale formule des pistes pour lutter contre le crime organisé 

« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. Des réserves renouvelées par Jérôme Durain pendant l’audition. « En un an les services de la DGPN ont initié 279 opérations de cette nature qui ont conduit à l’interpellation de 6 800 personnes, la saisie de 690 armes, de 7,5 millions d’euros d’avoirs criminels et plus d’1,7 tonne de stupéfiants », avance Louis Laugier. « Le fait d’avoir une opération où on affiche un effet ‘force’ sur le terrain est important », poursuit le directeur général de la police nationale qui dit avoir conscience que ces opérations « ne se suffisent pas à elles-mêmes ».   Plusieurs pistes absentes de la proposition de loi   Au-delà de l’approche matérielle, Louis Laugier insiste sur le besoin de renforcement des moyens d’enquêtes et de renseignement, notamment humains ainsi que l’adaptation du cadre législatif. Devant la commission des lois, le directeur général de la police nationale a tenu à saluer l’intérêt d’une réforme du statut de repenti, proposée par les sénateurs, pour élargir son périmètre aux crimes de sang. Le fonctionnaire détaille plusieurs mesures, absentes de la proposition de loi qui, selon lui, peuvent favoriser la lutte contre la criminalité organisée. Il souhaite notamment augmenter la durée des gardes à vue en matière de crime organisé pour les faire passer à 48 heures au lieu de 24, généraliser la pseudonymisation des enquêteurs ou encore faire entrer la corruption liée au trafic dans le régime de la criminalité organisée. Des propositions qu’il lie à une meilleure capacité d’écoute des policiers sur le terrain. « Il faut parler avec les personnes, vous avez entièrement raison. Ce travail-là peut avoir été occulté par l’action immédiate en réponse à la délinquance. Et donc oui je crois qu’il faut créer un lien. J’ai transmis des consignes dès que je suis entré en fonction », affirme Louis Laugier en réponse à une question de la sénatrice Corinne Narassiguin (PS).   Enfin, le directeur général de la police nationale plaide pour la création d’un nouveau cadre juridique et « d’une technique spéciale de captation des données à distance, aux fins de captation d’images et de sons relevant de la criminalité ou de la délinquance organisée ». Dans une décision du 16 novembre 2023, le Conseil constitutionnel avait néanmoins jugé inconstitutionnelle l’activation à distance des téléphones portables permettant la voix et l’image des suspects à leur insu. 

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